L'école et la violence. Analyse sémio- pragmatique de l'ONG IDI (Initiatives pour le Développement Intégral )en RDC( Télécharger le fichier original )par jean- Claude MUHINDO MATABARO Université catholique du Congo - 2012 |
3.2. Approche énonciative3.2.1. La notion de l'énoncé et de l'énonciationLa tradition donne couramment E. Benveniste (années 50 et 60) comme « père » de la théorie de l'énonciation. Cependant, l'intérêt des linguistes pour les problèmes énonciatifs remonte aux années 1910 et 1920 en Europe et en Russie. Cette époque voit en effet émerger la problématique énonciative, mais son développement est arrêté par l'expansion rapide du modèle structuraliste118(*). Avant Benveniste, il y a également, du côté russe, M. Bakhtine (1895-1975), dont la conception du langage, fondamentalement interactive, implique nécessairement la prise en compte de l'énonciation. Pour lui, un signe n'existe que dans son fonctionnement social, la matérialité et l'identité formant un tout. Il ne distingue pas l'énoncé et son énonciation, il s'agit pour lui d'une seule et même donnée : l' « énoncé-énonciation », qui est une « forme-sens »119(*). Toutefois, c'est chez E. Benveniste que l'on trouve la définition originelle et qui est devenue canonique. En effet, en 1946, il publie un article qui sera plus tard repris dans « les problèmes de linguistique générale » (1966). Ici, E. Benveniste s'intéresse au langage en fonctionnement par un acte individuel ce qui s'oppose à l'immanence de F. de Saussure du fait que l'appareil formel de l'énonciation comprend : les indices des personnes (le rapport entre Je-Tu), les indices de l'ostentation (ce, ceci) et les formes temporelles déterminées par rapport à l'Ego.120(*) Pour E Benveniste, « L'énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d'utilisation »121(*). Une autre définition « fondatrice » en France de la notion est donnée dans les années 70 par O. Ducrot. Pour ce dernier, l'énonciation est vue comme « l'événement correspondant à la production de l'énoncé »122(*). Cette approche est étroitement analogue à celle de Benveniste. D. Maingueneau, quant à lui, estime que l'énonciation est « le pivot de la relation entre la langue et le monde »123(*). Quoiqu'il en soit, toutes ces définitions sont valables. Si dans une première approche, en linguistique on définit l'énonciation comme l'acte individuel de l'utilisation de la langue pour l'opposer à l'énoncé, objet linguistique résultant de cette utilisation, on sera immédiatement tenté d'affirmer que la linguistique moderne sous ses formes dominantes ne reconnait guerre que l'énoncé pour champ d'investigation.124(*) En tout état de chose, la définition la plus admise indique que l'énonciation est l'acte au cours duquel le segment de la chaine parlée s'actualise, c'est-à-dire implique des individus particuliers dans une situation spatiale et temporelle précise. En effet, dans toute communication, aussi bien orale qu'écrite, on trouve à la fois un énoncé et une énonciation. L'énoncé étant le résultat linguistique, c'est-à-dire, la parole prononcé ou le texte écrit, tandis que l'énonciation est l'acte linguistique par lequel des éléments de langage sont orientés et rendus spécifiquement signifiants par l'énonciateur (et son co-énonciateur, qui n'est pas un simple destinataire) en vue de produire ledit énoncé : on dit généralement que l'énoncé est le « dit », tandis que l'énonciation est le « dire ». Pour résumer, c'est l'énonciation qui fait l'énoncé125(*). Alors que l'énoncé est de nature matérielle, c'est-à-dire saisissable par l'un de nos cinq sens (le plus souvent, l'ouïe, dans le cas de l'oral, et la vue, dans le cas de l'écrit), et par ailleurs, reproductible, tout d'abord, oralement, ensuite, par l'écrit, enfin, par les moyens techniques modernes, tels que l'enregistrement analogique ou numérique, l'énonciation en revanche, est beaucoup moins matérielle, et partant, beaucoup plus difficile à cerner et à transcrire. N'étant pas toujours directement perceptible, elle peut faire l'objet d'une enquête ou d'une déduction, mais elle nous échappe toujours, au moins partiellement : consistant en un acte individuel et unique, l'énonciation par nature, ne peut être reproductible. L'énonciation c'est principalement un procès. Procès dans lequel l'acte de langage, n'est plus appréhendé à son état d'achèvement, mais dans un processus global qui advient dans un contexte précis : un temps, un espace, et des sujets. L'énonciation, dans cette conception, concerne l'acte d'auto-désignation par lequel le sujet se désigne lui-même comme tel, en laissant des traces de sa présence sur son texte126(*). * 118 M-A. PAVEAU, G-E. SARFATI, Les grandes théories de linguistique. De la grammaire comparée à la pragmatique, Paris, Armand Colin, 2008, p.168. * 119 Ibidem. * 120 R. MUKENDI, Analyse pragmatique d discours de Barack H. Obama à Accra. Approche énonciative, Kinshasa, IFASIC, mémoire de licence en SIC, 2010, http://www.memoireonline.com/.../m_Analyse-pragmatique-du-discours-de Barack-H-obama-Accra-Approche-énonciative0.html (consulté le 15 mai 2013). * 121 E. BENVENISTE cité par M-A. PAVEAU, G-E. SARFATI, op.cit., p.170. * 122 Ibidem. * 123 Ibidem. * 124 Ibidem. * 125 Concept « énonciation », http://fr.wikipedia.org/wiki/énonciation, (consulté le 06 mai 2013) * 126 E. NASHI, « De la responsabilité énonciative à la responsabilité juridique en droit de la presse belge », dans Recherches en communication, n° 17, 2002, pp.190. |
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