L'école et la violence. Analyse sémio- pragmatique de l'ONG IDI (Initiatives pour le Développement Intégral )en RDC( Télécharger le fichier original )par jean- Claude MUHINDO MATABARO Université catholique du Congo - 2012 |
2.2. Dispositifs socio- éducatifsEtymologiquement, le terme de « dispositif », est dérivé des mots latins « situs » et « positus », signifiants situer et action de mettre en place. . A l'origine, les deux versants de cette notion (technique et humain) sont déjà présents en latin: « disponere » et « disposition », ayant donné les mots « dispose » et « disposition » qui renvoient à la fois à l'arrangement des choses et de personnes. Au cours des quinze dernières années, le « dispositif » s'est progressivement installé dans le lexique commun des sciences sociales. En effet, ce concept serait devenu aux sciences sociales contemporaines ce que la « structure » a pu être pour la sociologie des années 70-80. Un terme du langage commun, impliquant un engagement théorique minimal, qui sert à désigner de façon souple et ouverte ce qui organise l'activité humaine dans différents domaines, tout en laissant à son utilisateur le soin d'apporter des précisions complémentaires et de s'inscrire dans une tradition théorique donnée. Il sied de signaler dès à présent que ce concept n'appartient ni au champ de l'éducation ni à celui de la communication. C'est dans le domaine de la technique qu'il trouve son origine et coïncide comme : « manière dont sont disposés les pièces, les organes d'un appareil ; le mécanisme lui-même »45(*). Déjà au 19ème siècle, il apparait dans le domaine technique pour désigner un ensemble complexe d'appareils liés à une fonction. L'intérêt de définir le concept de « dispositif » est naît d'une rencontre conjoncturelle entre un besoin de redéfinir la relation homme-machine, dû à une évolution des outils technologiques, et un renversement de la place de l'individu dans la société. A l'origine, le concept de dispositif se concevait dans les grands réseaux bâtis autour de technologies nouvelles (logiciels de gestion, services Internet) ou anciennes (réseaux de distribution et de transport). Les dispositifs apparaissent également sur les scènes et dans les coulisses des marchés, sur les différents lieux de travail et dans l'organisation des entreprises, ainsi qu'au coeur de l'action publique. Les dispositifs décrits s'agencent autour d'une multiplicité d'objets : outils et instruments, éléments techniques, règles de calcul, indicateurs, systèmes informatiques, emballages, contrats d'organisation du travail, bâtiments, etc.46(*). Sur le plan épistémologique, « le dispositif est une notion mixte, intermédiaire entre usage et concept, ses sens premiers de technicité et d'agencement systématique le situent dans le champ de la rationalité instrumentale et de la procédure efficace »47(*). Avec cette notion, on se trouve dans une logique de moyens mis en oeuvre en vue d'une fin mais la relation entre fins et moyens que cette logique est censée organiser ne se réduit pas à ses objets physiques ou symboliques. Ainsi donc, le dispositif implique nécessairement l'intentionnalité agissante du concepteur et des utilisateurs, ce qui rapproche le dispositif du stratagème et lui confère sa dimension dynamique, littéralement stratégique48(*).
Dans le domaine des sciences expérimentales et plus particulièrement en psychologie, ce mot a donné naissance au terme de « dispositif expérimental », tandis qu'en sciences de l'éducation il est apparu dans les années 70, sous l'influence de l'ingénierie de formation, où il relève de l' « émergence et de l'apparition de nouveaux médiateurs du savoir, voire de formes de savoir fondés sur les médiateurs »49(*). Etant un concept fourre-tout, plusieurs auteurs font appel à la notion de dispositif, « dispositif biographique, dispositif de formation, dispositif psychanalytique, dispositif thérapeutique traditionnel, dispositif rituel ou dispositif ethno psychiatrique »50(*). Sur le plan pratique, « le dispositif est également un objet `entre-deux' : à la fois technique et symbolique, logique et empirique, utilitaire et esthétique. C'est un moyen de médiation qui, de façon plus ou moins rigoureuse, organise un champ de relations fonctionnelles entre humains et outils, buts et moyens, intentions et actions »51(*).
Sur le plan sociologique, le terme « dispositif » trouve son origine dans la mobilisation qui en a été faite par M. Foucault, à partir du milieu des années 1970. Dans une citation désormais devenue fréquente, ce dernier envisage le dispositif « comme réseau qu'il est possible de tracer entre les différents éléments d'un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques »52(*).
Compris de cette façon, le dispositif se met d'abord en place pour remplir une fonction stratégique dominante, souvent pour répondre à une urgence mais aussi de survivre à l'intentionnalité et aux visions qui ont présidé à sa mise en place. D. Peraya, qui utilise le concept dans le cadre éducatif et communicationnel, précise qu'un dispositif est : « une instance, un lieu social d'interaction et de coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d'interactions propres. L'économie d'un dispositif-son fonctionnement-déterminé par les intentions, s'appuie sur l'organisation structurée de moyens matériels, technologiques, symboliques et relationnels qui modélisent, à partir de leurs caractéristiques propres, les comportements et les conduites sociales(affectives et relationnelles), cognitives, communicatives des sujets »53(*) Le même auteur estime que, les différents aspects composent ce concept : « le contexte et pratiques de production (y compris les intentions de communication, la conception des technologies, le savoir dominant, etc.), le canal de transmission, le support de stockage, le dispositif technique de restitution (papier, écran de projection, écran d'ordinateur, etc.), les modalités de communication (les formes d'interactivité, les modalités et la directionnalité de communication, etc.), le type de représentations et de registre sémiocognitif (les « langages » particuliers), le genre de texte et les types de discours (styles et leurs configurations langagières particulières), le contexte et les pratiques de réception »54(*). Quant à F. Demaizière et G. Achard, le dispositif est « un construit d'éléments en fonction des demandes, des situations, des contextes, pour une action de formation donnée dans un contexte d'organisation(s) et d'institution(s). En cela, il prolonge la culture de l'institution de formation, tout en produisant une micro-culture(...) Le dispositif comprend certes des procédures. Mais il est d'abord l'expression d'une visée et d'une méthodologie »55(*). On peut alors dire sans se tromper que le dispositif garde sa formation mixte et son caractère interdépendant, les objets techniques permet d'envisager un réaménagement assez radical de deux modes de médiation, symbolique et technique. Le symbolique, les discours apparaissent ainsi comme une partie, une composante seulement du fonctionnement des institutions et des pratiques sociales. Pour mieux le dire, les discours ne peuvent devenir opérants sans la mise en oeuvre d'objets disposés selon un aménagement, un arrangement efficace56(*). Le concept de dispositif dans sa définition la plus générale englobe : un auteur, un objectif à atteindre, un plan, différents éléments à agencer. Selon l'utilisation qui est faite de ce concept, différents chercheurs y intègrent d'autres éléments en rapport avec leur domaine ou contexte de recherche : une approche sociale et humaniste ; une approche plus techniciste ; une approche cognitiviste ; une approche globale. Dans le domaine de l'information, communication et médias, c'est le terme couramment employé pour désigner l'ensemble de substrats matériels de la communication. En ce sens, on parle de dispositifs médiatiques, dispositifs télévisuels, dispositifs éditoriaux, dispositifs rédactionnels, dispositifs socio-éducatifs, etc. Chacun de ces cas repose sur de ressources matérielles, engage de savoirs- faire techniques, définir de cadre pour l'intervention et l'expression. Pour D. Peraya, un dispositif médiatique est constitué de quelques composantes et principales caractéristiques : la zone de coopération sociale de production, les paramètres des langages, la zone de coopération sociale de réception et contraintes matérielles et logicielles d'accessibilité57(*), le contexte et pratiques de production, le canal, le support de stockage, les modalités de communication, le type de textes et genre de discours, le contexte et pratiques de réception58(*) Tout dispositif médiatique véhicule à la fois une certaine représentation de la connaissance et un rapport au savoir en conséquence, il manifeste aussi une certaine conception de la pédagogie et de l'enseignement et celle-ci s'inscrit dans les aspects techniques, sémantiques cognitifs et relationnels caractéristiques du dispositif59(*). Cela nous permet de définir les dispositifs socio-éducatifs comme de des supports médiatiques (de documents imprimés ou électroniques, d'images et de texte, d'illustrations, etc. donc de représentations matérielles qui sont bien agencés et permettant aux destinataires d'avoir de compétences éducatives en matières sociales en vue de changer de comportement. * 45 D. PERAYA, « Les campus virtuels. Principes et fondements techno-sémio-pragmatiques des dispositifs de communication et de formation médiatisées », (En ligne) http://tecfa.unige.ch (consulté le 4 décembre 2012) * 46 Cf. J.-S. BEUSCART, A. PEERBAYE, « Histoires de dispositifs (Introduction) » , http://www.melissa.ens-cachan.fr/IMG/pdf/intrott11dispositifs.pdf (consulté le 20 septembre 2012). * 47 M. LINARD, « Conception de dispositifs et changement de paradigme en formation », dans Education permanente, n°152, 2002-2003, p.144. * 48 Ibidem. * 49 Ibidem. * 50 A. KEIN, J.-L., BRACKELAIRE, « Le dispositif : une aide aux identités en crise ? », dans Hermes, n°25, 1999, p.68. * 51 Ibidem. * 52 Cf. J.-S. BEUSCART, A. PEERBAYE, Histoires de dispositifs (Introduction) : (En ligne) http://www.melissa.ens-cachan.fr/IMG/pdf/intrott11dispositifs.pdf (consulté le 5 septembre 2012) * 53 B. CHARLIER, D. PERAYA, Technologie et innovation en pédagogie. Dispositifs innovants de formation pour l'enseignement supérieur, Bruxelles, De Boeck, 2003, p.202. * 54 Ibid. * 55DEMAIZIERE F., ACHARD G., « Gérer l'interface entre ingénierie, didactique, pédagogie et dispositifs ouverts», dans ALSIC Vol.6, n°1, p. 150. * 56 Ibid., p.42. * 57 J.-P. MEUNIER, D. PERAYA, op.cit., p.389. * 58 D. PERAYA, D. OTT, « La communication éducative médiatisée. Contribution à l'élaboration d'un cadre théorique » (En ligne) http://tecfa.unige.ch/research/poschiavo/rapports/theorie.pdf (consulté le 27 novembre 2012) * 59 D. PERAYA, R. RICKENMANN, et al., Fondements théoriques et approche opérationnelle des nouveaux médias dans la formation des enseignants `média et informatique' à l'université de Genève, (En ligne) http://tecfa.unige.ch (Consulté le 17 septembre 2012) |
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