I. 3. ATTITUDES DEVANT LA MORT
Devant la mort, les Burundais adoptent de nouveaux
comportements dus à la croyance qu'ils attachent aux ancêtres,
protecteurs des vivants. Mais cette croyance n'est pas restée sans
connaître d'évolution. Depuis que le Burundi est
pénétré par des Européens et d'autres personnes
d'autres horizons, les Burundais qui avaient une seule attitude, celle
léguée par nos grands-pères ont adopté plusieurs
attitudes selon la religion que l'on pratique.
D'abord, disons qu'au point de vue émotionnel, l'homme
est profondément angoissé et désorienté. Cette
angoisse vient du fait que l'on a l'impression de s'acheminer vers
l'inconnu35, il ne connaît pas le mode d'existence
outre-tombe. C'est pour cela qu'on s'attache plus farouchement à la vie
terrestre; le Murundi comme d'autres peuples lutte pour la protection
de sa vie et le renforcement de tous les éléments
périssables dont il résulte. Les manifestations de cet esprit de
pérennité sont entre autres: les pleurs, le soutien
apporté à la famille du défunt (kugarukirako),
les
35. M. Mulago gwa Cikala, « La religion traditionnelle des
Bantu et leur vision du monde », BCRA, Faculté de
théologie
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qualificatifs donnés à la situation dure
(Rwashenye irembo quand c'est le père de famille qui meurt), on
est dans les moments difficiles ..., on se prive des activités
rémunératrices (kugandara), ...
Ensuite, au niveau pratique, avec la mort il y a des
comportements nouveaux. C'est la phase de deuil qui montre l'accent combien
particulier entourant ce départ imprévu d'un être cher.
Notons que la place que ce dernier avait au niveau social est tenue en
considération. Prenons le cas du décès du roi, tout le
pays était mis en deuil et toutes les activités créatrices
étaient complètement arrêtées pendant un mois.
Ainsi, il était interdit de s'adonner aux cultures et de forger le fer
avant l'investiture du nouveau. Les hommes suspendaient leurs relations
sexuelles et les taureaux étaient séparés des vaches, les
bracelets étaient recouverts d'écorce, les activités
habituelles devaient être modifiées. Ainsi, au lieu de baratter
dans les instruments en courges (ibisabo), on utilisait des pots en
argile. A la cour du roi, on ne ramassait plus la bouse des vaches. Bref, le
monde était à l'envers, livré au chaos. On disait que le
ciel s'était effondré (ijuru
ryakorotse).36
En outre, le défunt est habillé pour qu'il ne
soit pas nu dans l'au-delà. On dépose sur sa tombe des
ustensiles, des objets familiers, ou bien on y apporte de la nourriture pour
que le défunt puisse se nourrir!37
De manière générale, signalons que les
attitudes changent au fur et à mesure qu'évolue
l'homme.38 Avant, on observait un rituel coutumier qui est de plus
en plus supplanté par un autre plus religieux dénoué de
toute crainte. Ici, les enseignements religieux y jouent un grand rôle.
Les chrétiens comme les musulmans recommandent des invocations, des
chants devant un cadavre arguant que c'est pour lui préparer une place
heureuse dans l'au-delà.
Donc, les destinations des morts, jadis terrifiantes (enfer,
lieu destiné au supplice des damnés39)
entraînant par conséquent des pleurs, ne sont plus douteuses mais
consolantes. La mort chrétienne est associée au baptême et
à l'eucharistie. Le jour de la mort est aussi appelé "dies
natalis", c'est-à-dire jour de la naissance [à la vie
catholique, Kinshasa, 1980, p.48.
36. E. Mworoha, Peuples et rois de l'Afrique des
Lacs, Les Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977, p.282 37 . M. Mulago
gwa Cikala, op. cit., p.48
38. P. Ariès, L'homme devant la mort, Paris,
Seuil, 1977, p.13
39. Dictionnaire français, Ed. Françaises,
Paris, 1995, p512.
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éternelle] : c'est l'accomplissement du baptême
ou le passage de la mort à la vie avec le Christ.
En fin de compte, qu'on éprouve tel sentiment ou tel
autre, face à la mort il y a une manifestation ultime du respect de la
mort. Pour reprendre l'Ecclésiaste (VII, 2), mieux vaut aller à
la maison de deuil que d'aller à la maison de banquet, parce que c'est
la fin de tous les humains. Gardons l'aspect dogmatique de ces propos pour ne
pas en commenter.
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