I.5.4.4. Le rôle particulier du lait dans la
pratique de deuil
Généralement, on distingue deux sortes de lait.
Le lait « de pioche » qui n'es rien d'autre que de la bière
épaisse de sorgho (impeke), et le lait de vache. Les deux
sortes de boisson peuvent être utilisées trois façons
indifférentes pour cette cérémonie: traire pour les
orphelins, dégustation du »lait » et laver le pot ou
calebasse.
D'abord, l'action de traire la vache est faite comme
d'habitude. Quand il n'y a pas de vache à traire, on « trait »
la cruche. On se sert de la même corde qu'on l'attache au goulot de la
cruche de bière et avec le gros orteil on tient le bout pendant de la
corde. Pour « traire » la cruche on la penche un peu et on verse la
bière dans une calebasse. Cette bière s'appelle donc le «
lait de la houe ». A d'autres endroits, on attache la houe
elle-même.
Après cette pratique, il y a ensuite la
dégustation du lait: tout le monde n'a pas le droit d'en boire. Seuls
les proches (basigwa), c'est - à - dire les enfants du
défunt, les femmes de ses enfants, les filles et leurs maris, puis par
privilège, l'un ou l'autre familier désigné par le
défunt de son vivant. Dans l'une ou l'autre contrée du Burundi,
on permettait parfois à quelques amis notables du défunt de boire
également le lait à cette occasion. On déguste le lait -
bière assis par terre, le dos tourné vers la porte de la case,
l'entrée du kraal étant en face, les jambes allongées
devant soi. Le tout évoque une disponibilité pour le voyage vers
la prospérité. C'est une seule personne qui trait. Elle remplit
toujours la même calebasse et la passe à chacun des ayant droit.
Chacun reçoit à son tour le récipient et le vide en ne
laissant rien au suivant. L'ordre suivi est le suivant: boivent d'abord les
fils, puis la mère, les brus, ensuite les filles et leurs maris et enfin
les familiers.
Laver le pot ou calebasse (kwongerezwa) vient en
troisième position. La même personne qui a servi le lait aux
autres, et qui est toujours le représentant du père
défunt, lave le pot à lait, ou la calebasse et aussi la cruche et
les pis de vache. Ce « lait » étant sacré et
doté d'énormes pouvoirs, la première eau des purifications
sera bue; la deuxième est jetée à un endroit secret. Le
pot lui-même sera sacré et seuls les usagers lors de la
cérémonie décrite pourront l'employer ou le faire
disparaître. En
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effet, il y a des conséquences coutumières
liées à la dégustation de ce lait. La communion au lait,
par erreur ou par astuce, d'un non ayant-droit, engendre ipso facto une
parenté dans la mort, causant une égalité de droits et de
devoirs, une vraie fraternité avec les membres de la famille du
défunt, ainsi que les poursuites possibles de son « muzimu
»(esprit mâne).82 C'est pour cette raison que le
familier qui, par autorisation de son maître encore en vie, a pu boire le
lait avec les autres, devient fils au même titre que les fils de sang. Il
change alors de clan. 83 Après cet acte de laver le pot, il
vient un conseil de famille dont le but est de gérer la situation
d'après la mort.
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