I.5.4. Les rites traditionnels
Les rites funéraires traditionnels s'observent à
travers les funérailles et les pratiques de deuil.
Au Burundi, des funérailles variaient selon qu'il
s'agissait d'un décès d'un père ou d'une mère, des
adultes morts sans avoir eu d'enfants, des enfants et enfin selon des
circonstances de la mort.
Pour un père ou une mère de famille, les
funérailles étaient organisées avec attention de peur
qu'ils ne se vengent contre les survivants. Amate y'umuvyeyi ntakirwa:
on ne se remet jamais de la malédiction des parents.77
Cependant, la vengeance des parents au manque d'égards de leurs enfants
ne s'exercerait en fait que sur leurs petits enfants. D'où cet adage
rundi:
"Umuntu ntahahazwa na se ahahazwa na sekuru".
Pour dire qu'un homme n'est asservi que par son
grand-père. C'est ce qui motive le rite spécial des
funérailles, l'union et le respect indéfectible même
après le mort.
77 . E. Ndigiriye, « Les funérailles chez
les Barundi », Au coeur de l'Afrique, Bujumbura, 1969, p.260
32
I.5.4.1. Les funérailles d'un chef de
famille
Si on en croit Emile Ndigiriye, aussitôt que le moribond
expire, toute la famille père ou mère et les enfants s'assemblent
autour du mort pour les funérailles qui se déroulent
traditionnellement selon les étapes suivantes:
1°) Kuraba amavuta umupfu: faire des onctions au
mort.
La première onction est faite sur le front, la
deuxième sur les yeux fermés, la troisième à la
poitrine, la quatrième sur les paumes des mains et la cinquième
sur le dessus des pieds. Le beurre des onctions doit être blanc sans
mélange de parfum ou autre. La formule qui accompagne chaque onction
est, pour la mère de famille: « Urerera urugo n'abana,
uranyerera » (sois pour la famille, les enfants et moi-même la
cause de bénédiction et de prospérité. Chaque
enfant accompagnera son onction de ce simple mot uranyerera (sois pour
moi un sujet de bénédiction).
2°) Kuraba ivyeru umupfu :
cette cérémonie consiste à appliquer sur le
front et les mains du mort la farine du sorgho, une plante culturellement
chargée, au moyen de la pierre à moudre (ingasyiro)
chargée d'un peu de farine de sorgho.
Les deux précédents actes (aux numéros
1° et 2°) ont la même signification. La première est
l'expression de la piété filiale (l'hommage aux parents
défunts). La deuxième signification est de concilier les
bénédictions du défunt. Cela ressort de la formule
employée « uranyerera » (que tu me portes
bonheur).
3°) Kumwa : après cela on rasait le mort
pour ne pas l'enterrer avec les cheveux, et pour le rendre convenable dans
l'assemblée des Bazimu (les esprits).
4°)Gukûra ku gahanga: si
c'est une femme enceinte, on procède à une opération: la
mère et l'enfant seront enterrés séparément.
5°) Gutanga ibimazi : on donne
ou plutôt on revêt le défunt de ses objets religieux,
amulettes ( amasimbi), etc.
6°)Gutekera: on attache solidement les membres
inférieurs au cou et on lie les jambes ensemble. Cette façon est
importée des autres cultures des pays voisins comme le Congo et a
remplacé le gukonya (plier) où le mort
était plié sur lui-même pour être enterré dans
un tombeau cylindrique. C'était disait-on, empêcher son esprit
(muzimu) d'avoir des idées de divagation. Ne pas avoir
quelqu'un pour vous rendre ce dernier service, c'est être
délaissé de tous. On comprend dès lors le sens de
l'insulte: « uragatabwa indamvu ».
Selon cette pratique, on enveloppe le cadavre
entièrement ou au moins on enveloppe la tête et les pieds dans une
étoffe de ficus non encore apprêtée pour être
portée
33
(amacana). Le mort est ensuite mis dans une natte
faite à base d'une herbe de marais dont la première fabrication
est attribuée à Biti, premier roi et sauveur du
Burundi.78 Envelopper le cadavre dans une étoffe de ficus,
c'est le recommander une dernière fois à Dieu (Imana). C'est un
autre berceau mais cette fois-ci à sa disparition.
7°) Guhamba (enterrement) comprenait les
étapes suivantes:
a)Gusohora umupfu: sortir le mort de la chambre. On le
sort les pieds en avant, pour lui laisser l'impression qu'il reste toujours
dans la maison.
b) La tombe a la forme rectangulaire et verticale: On y
étend un peu d'herbe fine « umuryange ». Le travail
de la mise en terre est fait par la famille, à l'exception d'un membre
d'un ménage dont la femme est enceinte. Le défunt est
couché dans sa tombe sur le côté droit si c'est un homme en
signe de négation de faire l'acte conjugal (kuryamira ukuboko
kw'abagabo); sur le côté gauche si c'est une femme (en signe
de négation de faire l'acte conjugal).
c) Après avoir mis le mort en terre, on se lave les
mains sur la tombe avec de l'eau en utilisant certaines herbes ou plantes
spéciales pour ne pas emporter avec soi la mort dont on se croit
contaminé au contact du défunt.
d) On verse sur la tombe le lait qu'on avait donné au
défunt avant sa mort et qu'il n'avait pas bu entièrement. Le
reste de ce lait doit être bu en ce moment par ses enfants. C'est pour
que le mort garde le souvenir affectueux de sa famille et reste en communion
avec elle.
e) On plante quatre piquets minuscules aux quatre coins de la
tombe que la personne disparue ait l'impression de n'être jamais sortie
de chez elle.
f) Le fait de mettre quelques pierres sur la tombe ( si on le
peut facilement on en met plusieurs) était appelé
"agahabwa".
g) Après l'enterrement, on prend un repas copieux mais
sans sel ni viande, ni bière de sorgho. On parlait de "Kwikura
urutamva", signifiant littéralement se débarrasser de la
malchance due à la mort.
h) Pour un initié: on
procédait au rite d'initiation (kubandwa) avant d'entrer dans le
deuil.
Après avoir expliqué les funérailles d'un
chef de famille, voyons brièvement celles des adultes morts sans
enfants.
78 E. Ndigiriye, op. cit, p.261
34
|