Mourir au Burundi: gestion de la mort et pratiques d'enterrement (de la période pré- coloniale à nos jours )( Télécharger le fichier original )par Emmanuel NIBIZI Université du Burundi - Licence en histoire 2005 |
I. 5. Les rites de funéraillesUn rite funéraire par définition, est un ensemble de cérémonies et gestes particuliers prescrits par une religion69 ou par une croyance. Toute civilisation pratique des rites, c'est la nécessité absolue de tout être humain pour vaincre ses peurs et justifier son existence. L'homme a toujours été mis en terre et protégé de toute dégradation charnelle. Les premières inhumations datent de 100 000 avant J.C et les premiers cimetières retrouvés se situent à 10 000 avant J.C. Le rite funéraire a pour but d'honorer le mort; le cérémonial marque le franchissement d'un nouveau seuil, dit-on. Chaque religion, chaque culture a ses rites. Aujourd'hui, les rites semblent évoluer et être appropriés par la famille.70 Au Burundi, comme partout en Afrique, la fin de l'homme est un événement difficile à comprendre. La mort qui est un fait très naturel pour l'homme moderne devient un phénomène complexe pour l'Africain de la société traditionnelle. Les attitudes qu'il adopte lors d'un décès sont très variées et complexes en fonction des rites dans lesquels ils baignent.71 Ainsi, certaines familles pratiquent des rites traditionnels, d'autres des rites religieux (musulman, catholique ou protestant). Rappelons que le 2 novembre est une journée du souvenir de tous les défunts. Cette journée en mémoire des morts remonte en 998, quand saint Odilon, abbé de Cluny, demande à tous les monastères dépendant de son abbaye de célébrer un office le lendemain de la Toussaint (le premier novembre) pour « la mémoire de tous ceux qui reposent dans le Christ ».72 Cet usage s'est répandu à toute l'Eglise catholique et y demeure aujourd'hui. I. 5. 1. Les rites musulmansDans l'islam comme dans les autres religions monothéistes, le croyant est placé dans la dimension de l'éternité, la vie sur terre n'étant qu'un passage vers l'au-delà. La mort n'effrayant pas, elle est justement considérée comme une étape obligée avant la vie éternelle.
72 . http://www.croire.com/article/index.jsp?docId=21317&rubId=214 28 Selon Sheh Yusufu que nous avons approché lors de notre enquête en commune urbaine de Buyenzi, au décès, le corps du défunt est orienté vers la Mecque. Ses proches récitent la profession de foi, la "chahada" ainsi que la sourate "Yassin". La famille et les proches annoncent le décès à la communauté et elle va pouvoir recevoir des condoléances durant ces moments durs.73 Avant la cérémonie religieuse à la mosquée et la mise en terre, la toilette mortuaire est l'un des éléments les plus importants du rite. Après le décès d'une femme, c'est une autre femme qui exécutera la toilette. De même quand un homme meurt, il sera lavé par une personne du même sexe. Seules exceptions, le mari peut laver sa femme et une mère peut laver son fils jusqu' à l'âge de 6 ans. Un récipient d'eau chaude mélangée avec de l'henné sera utilisé. Ce premier acte est préalable à une seconde toilette plus complète, et présentera un "corps définitivement pur ". On utilise parfois de l'eau à laquelle on ajoute des huiles essentielles. Les organes génitaux sont couverts. L'imam (ministre ou dignitaire religieux musulman) vient alors pour la deuxième toilette, occasion pour réciter la "chahada"( « attestation » ou « témoignage de foi », en arabe). 74 A l'oreille droite, il prononce ces mots : "il n'y a de Dieu que Dieu" tandis qu'à l'oreille gauche, il prononce: «Mohamed prophète de Dieu". Les jeunes filles sont maquillées et les cheveux des femmes sont tressés. Le corps est alors recouvert par un linceul de coton blanc parfois encensé trois fois. Le coton ou le lin sont utilisés pour l'homme et la soie l'est parfois pour la femme. Le linceul parfumé de girofle est enroulé de haut en bas en commençant par le côté droit du corps. Quatre bandelettes sont découpées et sont placées aux chevilles, aux genoux, à la poitrine et enfin au-dessus de la tête. Le corps est à nouveau encensé avant d'être enveloppé dans un drap blanc et posé dans le cercueil du côté droit. A cet effet, des coussins sont installés dans le cercueil et le corps "regarde" vers la Mecque. Dès lors, la prière d' "eljanaza" (elle vient après celle de la confession de foi ou la chahada et qui se termine par la formule: "la paix et la clémence de Dieu soient sur vous") peut débuter. Elle est dite dans tout lieu où l'on peut prier, par exemple à la mosquée,... Le cercueil est posé sur un axe nord-sud et non est-ouest comme pour la
29 toilette. L'imam se place devant le cercueil et l'assistance pour entourer la prière normalement faite debout et sans prosternation. L'imam peut dès lors commencer par le "takbir" ("Dieu est le plus grand") suivi de la récitation de la "fatiha" avant un deuxième "takbir", clôturé par une sourate du Coran. A nouveau reprennent le " takbir " et des invocations pour le défunt. Le corps est facilement acheminé vers sa dernière demeure et l'inhumation se fait en présence de la famille et de l'entourage masculin du défunt (ou de la défunte). En général, le corps est inhumé le même jour du décès. Après l'inhumation, un repas est servi en début de soirée, où des passages du Coran sont psalmodiés et des invocations dites. En cas de décès d'un père de famille, la veuve observe un deuil de quatre mois et dix jours. Pendant cette période, elle reste enfermée dans sa maison balayée de tous les biens ménagers dès l'annonce du décès de son mari. Elle portera une longue robe noire de la tête aux pieds.75 Encore une fois, les rites funéraires diffèrent d'une société à une autre ou tout simplement elles sont tributaires des pratiques religieuses de chaque communauté. |
|