IV.2- Distribution des tailles
IV.2.1- Les tilapias
Les tilapias se caractérisent
généralement par une large tolérance à la
salinité. Cette capacité d'adaptation aux eaux saumâtres ou
marines est modulée par les facteurs environnementaux (Prunet &
Bornancin, 1989).
L'aptitude des tilapias à développer
certains mécanismes physiologiques leur permet de survivre après
transfert d'eau douce en eau de mer ou en eau saumâtre. Bien que les
tilapias soient des poissons euryhalins qui tolèrent une large gamme de
salinité, une telle aptitude varie suivant les espèces (Prunet
& Bornancin, 1989).
Les proportions de Tilapia guineensis dans
l'estuaire, révélées par nos échantillonnages,
restent largement en dessous de celles de S. m. heudelotii. Ces
résultats confirment ceux déjà observés par Albaret
(1987) qui évoque que Tilapia guineensis a une aire de
répartition comparable à celle de S. m. heudelotii, mais
il n'est jamais en aussi grand nombre.
L'absence de différence significative de la
taille moyenne des tilapias étudiés suggère une large
tolérence par ces espèces des variations des conditions
environnementales entre l'amont et l'aval du barrage. Des études ont
montré que ces espèces peuvent supporter de larges gammes de
salinité. Elles peuvent vivre et se reproduire à des
salinités allant de 0 à 90 (Albaret, 1987) et jusqu'à 110
pour l'espèce S. m. heudelotii (Gilles et al., 2004).
Cette dernière espèce se maintient dans des salinités de
130 dans le Saloum
58
Tableau 21 : Diamètres ovocytaires moyens de
Tilapia guineensis en fonction des mois et des stations et
résultats du test de Student. DO : diamètres ovocytaires, Nb. obs
: nombre d'observation, Moy : moyenne.
Stations
|
Périodes
|
Nb obs
|
Moy
|
E-t
|
Moy
|
Test (Student)
|
Sakar
|
octobre
|
162
|
0,8
|
0,06
|
0,95 #177; 0,15
0,00
|
amont/aval
p = 0,766280
|
|
400
|
1,0
|
0,12
|
|
500
|
0,9
|
0,17
|
|
octobre
|
66
|
1
|
|
|
50
|
1,0
|
0,00
|
|
500
|
1
|
0,15
|
|
octobre
|
-
|
-
|
-
|
0,93 #177; 0,11
|
février/mai
p = 0,511385
|
|
49
|
1,2
|
0,00
|
|
200
|
0,9
|
0,04
|
|
octobre
|
191
|
0,9
|
0,04
|
|
200
|
1
|
0,06
|
|
447
|
0,9
|
0,11
|
|
Tableau 22 : Rapport gonado-somatique (RGS) des femelles
de stade 4 de Tilapia guineensis en fonction des mois et des stations
et résultats du test de Student.
Stations
|
Périodes
|
Nb obs
|
Moy
|
E-t
|
Moy
|
Test (Student)
|
Sakar
|
octobre
|
2
|
5,8
|
0,7
|
9,1#177;3,2
|
amont/aval
p = 0,970507
|
|
8
|
7,8
|
2,4
|
|
12
|
8,2
|
2,7
|
|
octobre
|
1
|
6,3
|
|
|
1
|
7,1
|
|
|
13
|
11,8
|
2,8
|
|
octobre
|
|
|
|
7,3#177;2,4
|
Périodes
p = 0,256557
|
|
1
|
7,9
|
|
|
4
|
8,5
|
3,1
|
|
octobre
|
2
|
5
|
0,5
|
|
4
|
5,9
|
1,7
|
|
9
|
7,8
|
2,3
|
|
59
(Laë & Vidy, comm. intern.). Ce fait serait
particulièrement influencé par le passage de l'eau salée
dans la partie amont du barrage au mois de mai qui était longtemps
dominé par des eaux douces. Ceci a entrainé une réduction
de la taille des individus en amont et en particulier à Diana Malary.
Cette situation est renforcée par l'effet de la forte température
enrégistrée dans cette station au mois de mai. Ces nouvelles
conditions augmenteraient la sensibilité des individus, qui ont
demeurée depuis longtemps dans cette station (en eau douce), à
l'augmentation de la salinité en particulier. Watanabe & Kuo (1985)
ont montré que la tolérance à la salinité peut
être augmentée par une exposition précoce du poisson
à la salinité. Si les populations de la station de Maka amont
sont épargnées de cet effet, c'est parce qu'elle était en
contact partielle avec la partie aval du barrage en octobre avec l'ouverture
des vannes. Mais cela peut s'expliquer également par la
différence de température entre Maka amont et Diana
Malary.
La différence significative existant entre les
mois avec des tailles moyennes faibles en mai combinée aux tailles
moyennes plus faibles en aval qu'en amont du barrage pourrait être
attribuée à l'augmentation spatio-temporelle de la
salinité. Une réduction des classes de tailles avec
l'augmentation de la salinité a été observée chez
Tilapia guineensis sur la Casamance (Pandaré et al.,
1997). A l'inverse les spécimens, de grandes tailles,
capturés en amont du barrage en conjonction avec ceux d'octobre seraient
une conséquence des faibles salinités qui y étaient
enregistrées. Cette réduction de la taille des individus de
tilapias que nous pouvons assimiler à une réduction de
croissance, vu la relation linéaire positive entre la tailles maximales
et la croissance (Lauzanne, 1978 ; Legendre & Albaret, 1991), est le
résultat d'une différence de croissance dont le facteur principal
impliqué serait la salinité. Ces résultats recoupent ceux
de Panfili et al, (2004b) qui ont observé une différence
de croissance entre les populations du Saloum et de la Gambie. Les tilapias
utiliseraient une part de l'énergie destinée à leur
croissance au profit du phénomène d'osmorégulation et du
déplacement. Boeuf & Payan (2001) rapportent que la salinité
est le facteur clé de contrôle de la croissance des poissons par
l'osmorégulation mais ils suggèrent une révision du
coût énergétique attribué à ce
phénomène. Des poissons élevés dans un milieu
isotonique possèdent le plus faible taux métabolique standard
comparés à d'autres placés en eau douce. Tandis que la
plus forte dépense énergétique affectée au
déplacement a été notée chez les individus
placés en eau salée (in Boeuf& Payan,
2001).
60
Nombre de parasites1hémibranchie
Salinité
Figure 17 : Evolution des parasites branchiaux chez
Sarotherodon melanotheron heudelotii en fonction de la salinité
sur le fleuve Casamance.
Tableau 23 : Synthèse de différents
résultats sur les tailles maximales observées (TMO) chez trois
espèces. En gras : nos résultats
Espèces
|
TMO (mm)
|
TMO (mm)
|
Taille d'un an (mm)
|
Type de longueur
|
Localisation
|
Références
|
Ethmalosa fimbriata
|
160
|
300
|
145
|
FL
|
Afrique de l'Ouest
|
Charles-Dominique, 1982
|
Tilapia guineensis
|
265
|
315
|
165
|
FL
|
lagune Ebrié
|
Legendre & Ecoutin 1991
|
Sarotherodon Melanotheron
|
258
|
334
|
180
|
FL
|
lagune Ebrié
|
Legendre & Ecoutin, 1989
|
|
61
Les tailles maximales observées (TMO) dans
l'estuaire au cours de cette étude sont inférieures à
celles obtenues en lagune Ebrié par Legendre & Ecoutin (1989, 1991)
et dans d'autres lagunes ouest africaines (Charles-Dominique, 1982) Tableau 23.
Ceci suggère que les populations de poissons de la partie amont de
l'estuaire de la Casamance sont très stressées sous l'effet
particulier des fortes salinités qui y sont
enregistrées.
|
|