L'effectivité en droit privé camerounais des droits proclamés en faveur de l'enfant par la convention relative aux droits de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Annick MAHTAM ENDALE NJOH-LEA épouse SOLLE Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies. option : droit privé fondamental 2006 |
2°- La résurgence des exploitations économiquesMalgré l'existence dans le Code du travail de l'interdiction d'utiliser les enfants à des fins professionnelles avant l'âge de quatorze ans et la ratification de la Convention n° 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants, l'adoption par le Cameroun de la loi n° 2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants qui a suivi, diverses situations d'exploitation économique d'enfants continuent . Il y a d'abord la surexploitation domestique qui est une réalité pouvant échapper à la répression, soit en raison de la non dénonciation, soit à cause du caractère non apparent des séquelles laissées sur les enfants victimes. La situation est pire lorsque ces enfants sont en même temps privés de leur droit à l'instruction par ces bourreaux. De plus, les familles privilégient l'activité professionnelle des enfants, en font une source de revenus générale, à laquelle l'enfant lui-même n'a pas droit. Ceci est certainement dû à la crise économique et à la paupérisation des ménages qu'elle engendre. Ils sont nombreux, des enfants de 6 à 14 ans qui travaillent dans les secteurs divers (petit commerce, cirage des chaussures agriculture etc.). Leurs revenus sont d'un apport appréciable dans les ménages où plusieurs chefs de famille sont réduits au chômage à cause des compressions, ou bien ne peuvent plus assumer toutes les charges familiales du fait de la disproportion du rapport charges/revenus.354(*) Dès lors, on peut situer la problématique du travail des enfants dans la lutte pour la survie des familles pauvres exposées à l'insécurité économique. Il est donc impératif de proposer des pistes de solutions B- La protection impérative des enfants en situation d'urgenceL'essentiel des mesures qu'il est nécessaire de préconiser concerne notamment l'exploitation économique des enfants (1) et la situation des enfants réfugiés (2). 1°- La lutte contre l'exploitation des enfantsL'application effective de la CDE en matière d'exploitation économique des enfants, nécessite une double amélioration. Il faut renforcer les capacités des familles sur le plan social et veiller sur la rigueur des textes juridiques. En ce qui concerne les capacités sociales des familles, les résultats de nombreux travaux de recherche dénoncent la pauvreté comme étant la cause principale de l'implication obligatoire des enfants dans l'activité économique.355(*) Des familles faisant face aux difficultés matérielles, associent souvent abusivement leurs enfants à la recherche des moyens de subsistance. Des politiques sociales peuvent être mises en place au niveau du Cameroun pour limiter, sinon réduire le travail des enfants. Quelques stratégies peuvent être préconisées. La création des emplois temporaires ou définitifs aussi bien dans le secteur public que privé, permettrait de résorber le chômage et d'augmenter les capacités économiques des familles. Ces emplois doivent être crées pour occuper les personnes adultes en âge de travailler, avec pour vocation de réduire le travail des enfants. On pourrait dans ce sens s'inspirer de l'expérience brésilienne, qui a lancé un projet appelé la « BolsaEscola », qui est une sorte d'allocation familiale doublée d'une bourse d'étude. C'est une initiative qui permet d'offrir mensuellement aux familles pauvres, des moyens financiers, si elles acceptent d'inscrire à l'école leurs enfants de moins de quatorze ans pour les éloigner des tentations de travail précoce. Cette expérience a connu beaucoup de succès dans ce pays et a d'ailleurs été exportée jusque dans certains pays africains.356(*) De même, les exigences sont identiques en ce qui concerne l'éradication de la discrimination sociale basée sur le sexe. Dans les régions à forte dominance islamique du Cameroun, il sévit une sous scolarisation des filles que les familles préfèrent consacrer au petit commerce, se soldant toujours par la proposition à un mariage précoce. Une éducation des familles s'impose. Elles doivent être sensibilisées sur les dangers des maux sus-énoncées à l'égard de la jeune fille à travers l'implication des Chefs traditionnels et religieux. Pour ce qui est de l'aspect juridique, la lutte contre le travail des enfants, passe nécessairement par l'application effective des textes nationaux adoptés pour traduire dans les faits les Conventions internationales. Il est par exemple surprenant, lorsqu'on écume les palais de justice, de ne rencontrer jusqu'à ce jour, aucune décision de justice faisant application de la loi n° 2005/015 du 29 décembre 2005 sur les pires formes de travail des enfants, qui comporte d'ailleurs des dispositions pénales pour réprimer le trafic des enfants (article 1 al. c), la mise en gage d'enfants (article 3 al. 1 et article 6) et la traite des enfants (article 5). La même stupéfaction peut être manifestée lorsqu'on observe le silence affiché par les autorités en charge de l'Inspection du Travail ou certaines familles face à des situations d'exploitation d'enfants. Le réflexe étant de privilégier la corruption ou l'indifférence au détriment de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les magistrats interpellés par cette question devraient se montrer d'avantage disponibles en cas de dénonciation de telles situations péniblement vécues par les enfants et mettre en mouvement l'action publique contre les auteurs co-auteurs et complices. Les familles, l'Inspecteur du Travail territorialement compétent, le voisinage immédiat, devraient le cas échéant, dénoncer de telles situations. Par ailleurs, l'exploitation de la sexualité de la petite fille qui se présente sous la forme des mutilations, nécessite une législation spéciale à l'instar de ce qui a été fait dans certains pays africains qui ont adopté des textes spécifiques (Kenya357(*), Tchad358(*)), introduit des dispositions spéciales dans leur Code pénal (Djibouti359(*), Sénégal360(*)), ou même intégré l'interdiction de telles pratiques dans leur loi fondamentale (Ghana)361(*). Quant aux agressions sexuelles, le problème véritable qui se pose ce n'est pas la non-conformité du CPC à la CDE, mais c'est l'impunité de toutes ces infractions du fait des parents qui portent rarement plainte, préférant un règlement à l'amiable ou la médiation moyennant des compensations financières. Sachant effectivement que l'exploitation sexuelle a des conséquences considérables sur la santé physique et mentale d'un enfant, il est souhaitable pour amorcer des solutions à ce problème, que le Gouvernement du Cameroun mette en oeuvre un programme de prévention des abus sexuels afin d'être en conformité avec l'article 34 de la CDE ; ce programme devrait prévoir une campagne d'éducation et de sensibilisation tant à l'école que dans le cadre de la famille. * 354 La double baisse drastique des salaires dans la Fonction Publique de1993 suivie de la dévaluation du Franc CFA, a conduit les familles à ne plus avoir suffisamment de revenus pour la prise en charge totale des membres qui la composent. En conséquence, même les enfants sont associés à la recherche de la pitance journalière. * 355 FLESHMAN (M), « Une décennie difficile pour les enfants d'Afrique », Afrique Relance, vol. 16, avril 2002, p. 6 &s. ;Voir http://www.un.org/french/ecosocdev/genionfo/afrec/vol16n°1/161chdrfr.htm, 30/12/2007, p. 6 & s. * 356 UNICEF, idem, p. 157. * 357 La loi de 2001 sur l'enfant, adoptée par le Parlement Kenyan, porte notamment interdiction des mutilations sexuelles féminines. * 358 La Loi tchadienne de 1995 interdit les mutilations sexuelles féminines et prévoit des sanctions. * 359Art 333 du CP Djiboutien de 1995 : « Les violences ayant entraîné une mutilation génitale sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende ». * 360 Art. 299 bis du CP sénégalais du 27.02.1999 : « Sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte à l'intégrité de l'organe génital d'une personne de sexe féminin par ablation totale ou partielle d'un ou plusieurs de ses éléments, par infibulation, par insensibilisation ou par tout autre moyen. La peine maximum sera appliquée lorsque ces mutilations sexuelles auront été réalisées ou favorisées par une personne relevant du corps médical ou paramédical. Lorsqu'elles auront entraîné la mort, la peine des travaux forcés à perpétuité sera toujours prononcée. Sera punie des mêmes peines toute personne qui aura, par des dons, des promesses, influence, menaces, intimidation, abus d'autorité ou de pouvoir, provoqué ces mutilations sexuelles ou donné les instructions pour les commettre ». * 361 Article 26-2de la Constitution ghanéenne de 1994 ; « Toutes les pratiques coutumières qui portent atteinte à l'être humain, à son physique et à son bien-être psychique sont interdites » ; le Code pénal (1960 - Loi 29), déjà modifié, a encore été amendé en incluant le paragraphe suivant 69 A : « Quiconque excise, infibule ou autrement mutile tout ou partie des grandes lèvres, petites lèvres et clitoris d'une autre personne se rend coupable d'un délit et d'un crime du second degré et encourt, s'il est reconnu coupable, une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans ». |
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