L'effectivité en droit privé camerounais des droits proclamés en faveur de l'enfant par la convention relative aux droits de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Annick MAHTAM ENDALE NJOH-LEA épouse SOLLE Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies. option : droit privé fondamental 2006 |
2°- Le placement de l'enfantLe placement se définit comme une mesure judiciaire adoptée pour sanctionner un enfant suite à une indiscipline caractérisée manifestée au cours de son éducation familiale (a). Il peut aussi consister en une mesure conservatoire adoptée par les autorités pour trouver une famille d'accueil à un enfant sans repère familial(b). a. Le placement disciplinaire En ce qui concerne le placement disciplinaire, il peut être demandé selon les articles 376 et 377 du Code civil par le père ou par toute personne en charge de l'éducation de l'enfant. Le tribunal saisi, désignera pour une période déterminée et qui ne peut excéder sa majorité, une maison d'éducation surveillée ou une institution charitable, voire toute personne agréée par l'autorité administrative pour assurer l'éducation de l'enfant. Cette situation peut concerner aussi bien le mineur de seize ans que celui âgé de plus de seize ans. La mesure de placement disciplinaire bien qu'étant nécessaire au redressement de l'enfant, est souvent difficile à supporter pour le placé qui se sentira momentanément sevré de l'encadrement affectif et éducatif des parents. De même, les parents un peu soulagés, s'en tirent parfois avec une mauvaise image, celle des parents jugés comme « instables, immatures, dispersés, incapables de maintenir les règles éducatives ».234(*) Cependant, la demande de placement n'étant pas reconnue à la mère seule235(*) ou à tout autre tuteur, chaque fois que nécessité sera signalée, ces derniers devront consulter au préalable le conseil de famille et au besoin la famille paternelle. L'objectif d'une telle précaution étant d'avoir la caution de la famille avant la prise d'une décision aussi importante dans l'éducation de l'enfant. Le placement disciplinaire de l'enfant reste tout de même une mesure provisoire qui peut être révisée à tout moment, et l'enfant réintégré dans sa famille, s'il s'amende.236(*) b. Le placement de substitution En ce qui concerne cette forme de placement, elle correspond aux mécanismes de substitution de la famille originelle de l'enfant et s'applique chaque fois que celui-ci n'a pas de parents. Parmi les mesures de remplacement que prévoit le Cameroun il y a la substitution provisoire et la substitution définitive. - La substitution provisoire La substitution provisoire a deux composantes : la garde provisoire et le placement institutionnel. La lettre circulaire N° 90/02759/LC/MINASCOF/DPIF/SDPIF du 05 décembre 1990 portant rappel de procédure en matière de garde provisoire d'enfants abandonnés met en place les mécanismes de protection des enfants abandonnés relevant du domaine de la petite enfance (0 à 3 ans). Seul le Ministre des Affaires Sociales ordonne l'attribution de la garde provisoire d'enfants abandonnés auprès d'une famille agréée. Compte tenu des différentes difficultés d'acheminement des enfants retrouvés à Yaoundé, il est admis qu'en cas d'extrême urgence, l'Autorité administrative de la localité où l'enfant est trouvé, prenne un arrêté attribuant ledit enfant à une famille préalablement agréée à l'adoption. En ce qui concerne le placement temporaire administratif, il est ordonné par le Travailleur Social responsable de l'intervention. Pour l'exécution effective de toutes ces mesures de placement, il existe des Institutions publiques spécialisées de la petite enfance (0 à 3 ans).237(*) La substitution, lorsqu'elle est provisoire permet à l'enfant de retrouver ses repères et de revenir vivre dans le cadre familial lorsque les encadreurs estiment que ce retour peut se faire sans conséquences néfastes majeures ; lorsqu'elle est définitive, la substitution s'analyse d'une manière différente. Il s'agit du placement institutionnel permanent et de l'adoption, qui sont des mesures administrative et judiciaire. Le placement institutionnel permanent est prévu dans le cadre de deux projets de décrets : le premier concerne les institutions de la petite enfance, c'est-à-dire les pouponnières, les crèches garderies et les haltes-garderies. Le deuxième projet de décret porte sur les institutions destinées à l'enfance inadaptée et/ou délinquante, à savoir les centres de rééducation, les centres d'accueil et d'observation, des home-ateliers, les centre d'accueil et de transit et les centres d'hébergement. L'adoption c'est le moyen légal pour établir un lien de filiation juridique sans aucun rapport avec la réalité biologique. Elle résulte nécessairement d'un jugement, prononcé par le tribunal compétent qui doit vérifier sa conformité à l'intérêt de l'enfant...238(*) conformément 21 de la CDE. L'adoption au Cameroun est régie par un ensemble de textes épars dont les dispositions se trouvent dans le code civil239(*), dans l'Ordonnance N° 81/02 du 02 juin 1981 portant organisation de l'Etat civil qui renvoie au code civil240(*) et dans diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques. Il y est fait état aussi bien des catégories et effets de l'adoption que des procédures et des conditions requises de l'adoptant. On distingue deux catégories d'adoption : l'adoption simple241(*) et l'adoption plénière ou légitimation adoptive242(*). L'adoption est essentiellement judiciaire. Il convient de relever à propos de la légitimation adoptive particulièrement, que le Service social joue un rôle significatif en amont de la phase judiciaire. Dans cette phase pré-adoptive, en effet, les services sociaux en charge des pupilles de l'Etat, entreprennent des actions diverses notamment : l'enregistrement des personnes désireuses d'adopter, les enquêtes sociales, la sélection des familles d'accueil, la délivrance d'agréments à l'adoption, la prise en charge et /ou le placement des enfants en garde provisoire dans des familles et la saisine des tribunaux pour adoption. L'adoptant doit remplir des conditions légales (Cciv. Appl., art. 344 et s)243(*) propres à l'adoption nationale. Quant aux conditions relatives à l'adoption internationale, elles sont prévues à la fois par la CDE244(*) et le Code civil. Aux termes de l'article 345 du Code civil, un camerounais peut adopter un étranger ou être adopté par un étranger245(*) ; l'adoption est sans effet sur la nationalité, mais peut conduire à la modification du nom de l'adopté par l'adoptant.246(*) En définitive, l'adoption internationale d'enfants, constitue une option exceptionnelle qui n'est en fait envisagée que lorsqu'on ne trouve pas localement de meilleures opportunités pour placer l'enfant. Elle est encadrée par le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.247(*) La protection du droit à l'éducation de l'enfant, malgré les efforts du législateur en la matière, souffre de quelques faiblesses dans sa concrétisation. * 234 CHE (C), « Estime de soi - Les effets du placement », http://www.passerelles-eje.info/dossiers/dossier_suite_213_209_estime+soi+-+effets+..., 3/12/2008. * 235 Art. 381 du Cciv. * 236 « Les placements d'enfants », in http://perso.dromadaire.com/ninou31/les_placements.html, 02/12/2008. * 237Pour la petite enfance, il y a par exemple, le Centre d'accueil d'enfants en détresse de Nkomo, d'une capacité de 40 places. * 238DEKEUWER-DEFOSSEZ (F)op. cit., p.53 * 239 Art.343-370 du Cciv., Codes et lois du Cameroun, Bouvenet (G. J.) et Bourdin (R), Tome II * 240Art. 42 de l'Ordonnance N° 81/02 du 29 juin 1981 : « Les conditions de fond de l'adoption sont celles prévues en droit écrit, sauf disposition contraires de la présente ordonnance ». * 241L'adoption simple est révocable et l'enfant garde ses liens avec ses parents biologiques, art * 242L'enfant n'a plus de liens avec sa famille biologique et dès lors, il a chez ses parents adoptifs les mêmes droits et obligations que s'il était né du mariage. * 243Les couples, aussi bien les personnes seules, sont habilitées à adopter. Lorsqu'il s'agit de personnes seules de l'un ou de l'autre sexe, celle-ci doit être âgée de plus de 40 ans ; dans le cas du couple, les époux doivent être mariés depuis plus de 10 ans, ne pas être séparés de corps et l'un au moins doit être âgé de plus de 35 ans. Quelqu'en soit le cas, les adoptants devront avoir en principe 15 ans de plus que les personnes qu'ils se proposent d'adopter. En outre, ils ne devront avoir au jour de l'adoption, ni enfant, ni descendants légitimes, mais l'existence d'enfants légitimés par adoption ne fait pas obstacle à l'adoption. * 244 Art. 21 al. b, c & d, de la CDE * 245Art. 345 Cciv. « Un Français (Camerounais) peut adopter un étranger ou être adapté par un étranger. L'adoption est sans effet sur la nationalité ». Il faut préciser ici que le Code Civil utilisé au Cameroun est celui de France adapté par Bouvenet et Bourdin. C'est dans ce sens que les juges du TGI du Wouri ont autorisé l'adoption de l'enfant NSOLO Beaudouin Audrey né le 25 août 1999 à Yaoundé, de nationalité camerounaise, par Sieur PACCOU François Xavier Etienne René de nationalité française. TGI Wouri, Jgt civil n° 593 du 10 mai 2006, aff. PACCOU François Xavier Etienne René C/ QUI DE DROIT. * 246 Dans l'affaire PERRAUD Boris de nationalité française et Dame PERRAUD née MELO Amandine Blanche C/ QUI DE DROIT, l'enfant KEDY DIPOKO Marie-Laure, née à Douala le 22 février 1993, de nationalité camerounaise, a été adoptée avec changement de filiation et de nom, pour s'appeler désormais PERRAUD Marie Laure. TGI WOURI, Jgt civil n° 143 du 17 novembre 2003, aff. PERRAUD Boris de nationalité française et Dame PERRAUD née MELO Amandine Blanche C/ QUI DE DROIT. * 247 COGLIATI (I), « Adoption internationale et respect de l'enfant », http://helios.univ-reims.fr/Labos/CERI/la_question_de_l_adoption_internationale.html, 3/12/2008. |
|