L'effectivité en droit privé camerounais des droits proclamés en faveur de l'enfant par la convention relative aux droits de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Annick MAHTAM ENDALE NJOH-LEA épouse SOLLE Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies. option : droit privé fondamental 2006 |
2°- L'avortementIl existe en droit camerounais des mesures sévères (a) qui ne réussissent malheureusement pas à enrayer la pratique des avortements (b). a. La sévérité des mesures de protection L'avortement est le fait de procurer ou tenter de procurer l'interruption de la grossesse d'autrui, avec ou sans son consentement. C'est aussi l'acte posé par la femme enceinte sur elle-même ou contre sa propre grossesse. Qualifié dans le nouveau Code pénal français d' « interruption illégale de la grossesse », 48(*) il est prévu par l'article 337 du CPC. L'avortement thérapeutique et l'avortement des suites de viol autorisés par l'article 339 du CPC, peuvent être considérés comme des avortements rendus nécessaires au plan médical et psychologique pour sauver la mère d'un péril grave pour sa santé49(*). Le législateur camerounais prouve sa volonté de protéger l'enfant simplement conçu en réprimant de façon sévère toute action, tout comportement en faveur de l'avortement50(*). D'une manière générale, les tribunaux appliquent les peines prévues par l'article 337 du CPC. En effet, le Tribunal de Première Instance de Bafang51(*), a sanctionné Dame NYADJI Anne, qui avait commis un avortement, à une peine privative de liberté de 06 mois et 5.000 francs d'amende. Les nommés NKANA Paul et FOTSO Sylvain ont fait l'objet de la même peine le 31 octobre 2005 au Tribunal de Première Instance de DOUALA-NDOKOTI52(*). Les prévenus ont été condamnés à 06 mois d'emprisonnement ferme pour avoir procuré l'avortement à Mademoiselle POUOMBE Marie Laure. Tel a été aussi le cas devant le Tribunal de Première Instance de Yaoundé, dans une affaire opposant, le Ministère Public et Sieur NTSANGUE Roger contre Dame NTSANGUE née MBOLO Françoise.53(*) Cette dernière, coupable d'avortement, fut condamnée à un an d'emprisonnement ferme et 50.000 francs d'amende ; Plus sévère encore est la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance du Wouri à Douala, dans une espèce opposant le Ministère public et Sieur Gabriel ZIBI à Dame TONDA Cécile et Sieur NGUEKAM LIEUNOU. Ici, le juge de fond avait retenu leur culpabilité pour avortement et condamné Dame TONDA Cécile à 08 mois d'emprisonnement ferme après bénéfice de circonstances atténuantes et Sieur NGUEKAM LIEUNOU à 18 mois d'emprisonnement et 200.000 francs d'amende54(*) ; b. la persistance paradoxale des avortements La répression des pratiques d'avortement n'empêche pas le développement des avortements clandestins. Ce qui nous amène à nous demander pourquoi malgré la sanction sévère de l'acte d'avortement, ce fléau est sans cesse croissant ? Plusieurs réponses à cette question peuvent intervenir à savoir, pour ce qui est de la jeune fille, l'abandon, la crainte des représailles, l'atteinte à l'honneur et la réputation, l'absence d'éducation sexuelle et l'absence d'aide. S'agissant de la femme en couple, l'avortement trouve sa cause dans la pauvreté, la honte liée à la présence d'un bébé et l'adultère de la femme55(*). Nous croyons que des solutions doivent intervenir urgemment car, la question de l'avortement cause des ravages parmi les populations féminines56(*). La sensibilisation (Information, Education et Communication) est le moyen le plus efficace pour lutter contre ce fléau. Faute de moyens financiers et surtout humains, l'Etat peut travailler de concert avec les associations et ONG dans la présentation publique de l'avortement comme un fléau grave qui menace les jeunes et déstabilisant de ce fait les familles voire la société toute entière. Outre les associations et les ONG, d'autres acteurs encore plus proches des populations peuvent véhiculer le message étatique, notamment les Enseignants à travers les cours d'éducation sexuelle dont le programme est préalablement mis en place par les spécialistes en la matière. Ces cours, doivent être instaurés dès l'école primaire en vue de familiariser les jeunes aux réalités sexuelles et à leur expliquer toutes les conséquences néfastes qui découlent des actes sexuels intempestifs ou précoces. Les hommes d'Eglises au cours des messes et cultes peuvent aussi jouer un rôle très important dans cette sensibilisation. Ces deniers, doivent surtout parler aux parents pour leur dire de prendre leurs enfants en main afin de les convaincre du bien fondé de l'abstinence et des dangers de l'avortement et pour eux-mêmes, les méthodes de contraception pour éviter les grossesses indésirables. Il est vrai que dans notre société, les relations sexuelles font partie des tabous qui empêchent la relation parent-enfant d'être fluide. Autant l'avortement menace la vie de l'enfant, autant sont dangereuses les violences subies par la femme enceinte. * 48 GUILLIEN (R) et Vincent (Jean), op. cit., p. 63 * 49 TCHOKOMAKOUA (V), le phénomène d'avortement au Cameroun : Etude criminologique et juridique, P. 5, (inédit) * 50Art. 337 du CPC qui dispose : « (1)Est puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de 5.000 à 200.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement la femme qui se procure l'avortement à elle-même ou y consent.(2) Est puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 100.000 à 200.000 francs celui qui, même avec son consentement, procure l'avortement à une femme. (3)Les peines de l'alinéa 2 sont doublées : a) A l'encontre de toute personne qui se livre habituellement à des avortements ; A l'encontre d'une personne qui exerce une profession médicale ou en relation avec cette profession ; * 51 TPI Bafang, Jugement n° 385/cor du 06 mars 2000, (inédit). * 52 TPI Douala-Ndokoti, Jugement N° 319/Cor du 31/10/05, Aff. MP et YIMBEKET épouse TOUNA Jeannette C/ NKANA Paul et FOTSO Sylvain. * 53 TPI Yaoundé, Jugement du 17 juillet 1991, TCHOKOMAKOUA (V),op. cit. , p. 25. * 54TGI du Wouri, Jugement n° 37/crim, du 25 octobre 1984, Affaire le Sieur ZIBI Gabriel au Sieur NGUEKAM et Dame TONDA Cécile (inédit). * 55 TCHOKOMAKOUA (V), idem., P. 5. * 56Le Directeur de l'Hôpital de district de Nylon à Douala que nous avons rencontré, a même utilisé le mot « catastrophe ». Nombreuses sont les femmes qui arrivent dans des structures sanitaires dans un état de délabrement total des suites d'avortements mal réalisés. Il y en a qui ne peuvent plus jamais procréer et gardent à vie les séquelles de ce profond traumatisme. Nous croyons dès lors qu'il est impératif que des actions soient menées rapidement afin de freiner cette course effrénée vers l'avortement. |
|