CHAPITRE V :
Analyses et discussions
La vision est constituée de quatre (04)
éléments constitutifs à savoir : la gouvernance, le
social, la politique extérieure et l'économie. Nous nous
proposons, de voir si, au regard de la situation et dynamiques actuelles des
secteurs-clés de cette vision, il y a quelques chances de
réaliser nos ambitions à l'horizon 2025.
I. De la capacité du Burkina à
réaliser la vision prospective sur le plan de la gouvernance
Nous avons appréhendé la gouvernance selon ses
dimensions politique, administrative, locale et économique.
En ce qui concerne la gouvernance politique, on relève
des avancées significatives en matière de liberté
d'expression et de droit à l'information depuis la publication du
rapport du Collège des Sages le 30 juillet 1999.
Rappelons que, l'Etat de droit est à la gouvernance
politique ce que l'oxygène est à l'organisme humain. L'Etat de
droit implique que tous les niveaux, sans exception aucune, soient soumis au
droit. La constitution étant une source importante du droit, le juge
constitutionnel ne devrait pas être nommé. Ce qui est pourtant le
cas dans notre pays. En effet, le Conseil est composé d'un
Président nommé par le Président du Faso, de trois (03)
magistrats nommés toujours par le Président du Faso sur
proposition du ministre de la Justice et de trois (03) personnalités
nommées encore par le Président du Faso. Au total, le premier
magistrat de notre pays nomme sept (07) membres sur dix (10) du Conseil ; les
trois (03) autres membres étant nommés par le Président de
l'Assemblée Nationale. Cette procédure de nomination limite
l'indépendance de cette structure et de son premier responsable.
Ces travaux ont été financés par le Projet
REGE 23
Une faiblesse majeure du Conseil Constitutionnel c'est qu'il
ne peut être saisi que par un cercle restreint de personnalités
politiques : le Président du Faso, le Premier Ministre, le
Président de l'Assemblée Nationale et un cinquième (1/5e)
des députés de l'Assemblée soit vingt-trois (23)
députés. A cet état de fait, il faut ajouter l'état
de corruption qui existe au sein du système judiciaire et qui le place
ainsi parmi les seize (16) institutions les plus corrompues3. En
outre, l'accès à la justice par le justiciable, chose qui
concourt à l'édification de l'Etat de droit, agonise pour
plusieurs raisons dont l'analphabétisme de la population, les
procédures qui sont longues et compliquées à comprendre,
la cherté de la justice et l'accessibilité géographique
car les Tribunaux de Grande Instance (TGI) se trouvent uniquement au niveau des
chefs-lieux de régions.
Pour ce qui est de la gouvernance administrative, nous
relevons que le MEF, a réduit les budgets des organes administratifs
à travers le Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT). Cela
rend la réalisation des missions difficile. A titre d'exemple, le
Secrétariat Permanent de la Politique de Bonne Gouvernance (SP-PNBG) a
vu son budget se réduire de moitié entre 2009 et 2010, soit de 30
millions de FCFA à 15 millions de FCFA. Il faut aussi noter le
déficit de ressources humaines qualifiées. En effet, le stock de
capital humain du Burkina est faible, avec moins de 0,45 année
d'éducation moyenne. En somme, le manque de ressources humaines
qualifiées et le manque de ressources matérielles et
financières semblent être les grands maux qui sont à la
base du dysfonctionnement de l'administration burkinabè. Cet état
de fait se traduit, entre autres, par la corruption au sein du système.
Ladite corruption est généralisée et varie d'une
institution à une autre en fonction de l'existence ou non de relations
directes entre les agents de l'Etat et le public. A coté de cette
corruption, la Banque mondiale en a repéré une autre qu'elle
qualifie de « discrète ». Par ailleurs, le système
administratif burkinabè se caractérise par une culture de
l'urgence, ainsi que par un cloisonnement intra et interinstitutionnel. Au sein
de certains départements étatiques, les agents de tel ou tel
service travaillent entre eux. C'est le même phénomène qui
se produit d'une institution à une autre. Chaque institution constitue
alors un vase clos si bien qu'il y a peu de coordination au moment de l'action.
Aussi les initiatives se mènent-elles sans mémoire, et ne peuvent
être donc intégrées dans un continuum.
3 Rapport 2006 du REN-LAC sur la corruption au
Burkina
Ces travaux ont été financés par le Projet
REGE 24
Quant à la gouvernance locale, nous avons
constaté que les textes au Burkina consacrent la décentralisation
à travers le transfert des compétences du centre vers les
communes rurales, pour un développement à la base. Cependant,
force est de reconnaître que le transfert des compétences n'est
pas effectif. Cela est dû aux moyens limités dont dispose l'Etat.
C'est alors que les maires se voient presqu'obligés de procéder
à des lotissements massifs pour obtenir des fonds communaux, et ce
malgré le risque de conflits sociaux. De surcroît les élus
locaux sont pour la plupart analphabètes et les maires sont à
majorité citadins. Cela handicape fortement le transfert des
compétences au niveau local.
Sur le plan de la gouvernance économique, le Burkina
regorge de cadres compétents. Cependant, ces capacités ne sont
pas employées de façon optimale, si bien que l'homme qu'il faut
n'est pas souvent à la bonne place. De plus, il y a des changements
perpétuels de politiques de développement dus à la
pression des Partenaires Techniques et Financiers (PTF). Pourtant, la
Déclaration de Paris stipule que les Pays en Voie de
Développement (PVD) doivent s'approprier leurs politiques de
développement.
De ces analyses, il semble que le Burkina est encore loin de
la voie menant à la réalisation de la vision prospective sur le
plan de la gouvernance. Le pays souffre d'une assez faible pratique
démocratique due à sa jeunesse et à
l'analphabétisme, d'une décentralisation mal engagée et de
la corruption « classique » couplée à celle «
discrète » comme l'atteste le dernier rapport de la Banque Mondiale
sur les « indicateurs du développement en Afrique en 2010 ».
Ce rapport indique que 87% des entreprises burkinabè usent de corruption
« discrète » pour obtenir les marchés publics. Nos
résultats sont semblables à ceux de l'ENP (2005) concernant la
situation de la gouvernance.
Les insuffisances, elles, tiennent à :
V' la faiblesse de la démocratisation et de la
décentralisation à la base due au fait que le jeu
démocratique national n'a pas encore suffisamment pris appui sur la
démocratie locale , ·
V' un développement du phénomène de
corruption. La transparence et la rigueur dans la gestion des ressources
publiques semblent relever d'un passé révolutionnaire à
jamais révolu , ·
V' aux germes de conflits en rapport avec la
décentralisation ou liés aux mutations sociales,
économiques et politiques [...].
Ces travaux ont été financés par le Projet
REGE 25
D'une part, les textes sont présents mais leur
application pose problème. D'autre part, concernant la gouvernance
économique, il y a des capacités, mais celles-ci ne sont pas
optimisées. A notre avis, cela pourrait être dû à un
manque d'engagement politique. L'ENP a procuré aux politiques, comme
nous l'avions précédemment indiqué, un cadre de long terme
dans lequel devraient s'intégrer les politiques de court et de moyen
terme. Il apparaît alors logique que la SCADD, document cadre qui doit
remplacer le CSLP, s'inscrive dans l'ENP. Pourtant, comme l'a confié
l'une de nos personnes ressources, c'est à la suite d'une lutte de
longue haleine que le MEF a enfin décidé d'intégrer la
SCADD dans l'ENP. Ce qui est paradoxal.
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