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Réflexions sur le concept d'états défaillants en droit international

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par Wenceslas MONZALA
Université de Strasbourg - Master II Droit International Public 2012
  

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Section 2 : Le cadre opérationnel de la reconstruction des Etats défaillants

Depuis la redéfinition par le rapport Brahimi des opérations de paix, la pratique onusienne en matière de maintien de paix est désormais orientée vers des missions de plus en plus ambitieuses et des fonctions plus élargies : de la sécurité aux droits de l'homme, de l'état de droit aux élections et à la gouvernance économique. La reconstruction des Etats, troisième phase des opérations de consolidation de la paix, s'inscrit naturellement dans cette dynamique au vu de ses enjeux. Pour souligner le caractère multidimensionnel de ces opérations et, partant de la pratique de la reconstruction des Etats, il faudrait s'intéresser au cadre opérationnel d'exécution de ces missions. Ainsi, au vu du travail effectué par les opérations de consolidation de la paix sur le terrain et d'après les termes de leur mandat, la reconstruction des Etats passe d'abord par l'amélioration des structures sécuritaires des Etats défaillants (Paragraphe 1). La réforme du secteur de la sécurité doit naturellement permettre la restructuration des autres secteurs afin de contribuer effectivement à la reconstruction des Etats et de leur assurer une paix durable (Paragraphe 2).

220 La CIJ dans plusieurs arrêts a déterminé les conditions de formation de la règle coutumière, Voir CIJ Affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord, arrêt du 20 février 1969, Rec. CIJ, §44 « Pour constituer l'opinio juris [...] non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en outre ils doivent témoigner, par leur nature ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'existence d'une règle de droit » ; Voir aussi CIJ Affaire de la délimitation maritime dans la région du Golfe du Maine, arrêt du 12 octobre 1984, Rec. CIJ, 1984, p. 299, §11 : la règle coutumière « [...] se prouve par voie d'induction en partant de l'analyse d'une pratique suffisamment étoffée et convaincante, et non pas par voie de déduction en partant d'idées préconstituées à priori [...] » ; Voir mutatis mutandis CAHIN G., La coutume internationale et les organisations internationales : l'incidence de la dimension institutionnelle sur le processus coutumier, Paris, A. Pedone, 2001, p. 782.

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Paragraphe 1 : Le volet sécuritaire de la reconstruction des Etats

La reconstruction des Etats, ayant pour ultime finalité l'instauration d'une paix durable, s'intéresse en premier lieu au traitement des armes dont la profusion était généralement à l'origine du développement du banditisme ou des situations conflictuelles dans les Etats défaillants. A cet effet, la reconstruction de l'État s'oriente primordialement vers la recherche d'une stabilité sécuritaire à travers les opérations de désarmement, démobilisation et réinsertion des anciens combattants (A). Ensuite, afin de promouvoir à l'avenir un État plus à même d'assurer et de garantir par lui-même une véritable paix durable, la reconstruction de l'État passe obligatoirement par la restructuration des forces de l'ordre (B).

A. Les opérations de désarmement, démobilisation et réinsertion des anciens

combattants

Aujourd'hui, les opérations de désarmement, démobilisation et réinsertion des anciens combattants (ci-après DDR) font partie intégrante du package standard de toute intervention internationale post conflictuelle221 et constituent la première étape du long processus de reconstruction des Etats défaillants ayant sombré pendant de longues années dans la guerre. Le DDR s'inscrit ainsi dans une logique d'instauration d'un climat de stabilité et sécurité nécessaire au démarrage des activités de développement du pays. Né de l'idée que le développement de l'État post-conflit est intimement lié à sa capacité à garantir la sécurité sur son territoire, le DDR a été adopté, au sein de l'ONU, par les communautés de la sécurité et du développement, à telle enseigne qu'il se révèle assez susceptible quand il s'agit de préciser sa définition et de circonscrire son périmètre. Expérimenté pour la première fois en Amérique centrale à travers le mandat du Groupe d'observateurs des Nations Unies en Amérique centrale222, le DDR est désormais incorporé dans le mandat de toutes les opérations de consolidation de la paix et de reconstruction des Etats après les conflits223. Il peut être défini comme l'ensemble des activités ayant trait à la collecte et au contrôle des armes, au cantonnement et à la démobilisation des anciens combattants, à l'aide à leur réintégration et réinsertion dans la vie civile224. A travers cette définition, on peut appréhender les trois étapes de ce processus : le désarmement, la démobilisation et la réintégration/réinsertion. De l'avis du conseil de sécurité, ces trois étapes sont consécutives et doivent être envisagées de manière intégrée dans le processus de reconstruction des Etats : « Le Conseil de sécurité reconnaît que le désarmement, la démobilisation et la réinsertion ne peuvent être envisagés isolément, mais

221 Voir POULIGNY B., Les anciens combattants aujourd'hui. Désarmement, démobilisation et réinsertion, CERI et SGDN, Paris, Septembre 2004, p. 60

222 Résolution 650 (1990) du 27 mars 1990

223 Voir S/2000/101, Rapport du secrétaire général sur le rôle des opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans le Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion, 11 février 2000.

224 MUGGAH R., « Désarmement, Démobilisation et Réintégration », in CHETAIL V. (Sous la dir.), op. cit., p. 144

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doivent être considérés comme un processus continu, fondé sur l'objectif plus général de la recherche de la paix, de la stabilité du développement (...) »225.

Le désarmement, première étape de ce processus, consiste concrètement en la collecte, le stockage et la gestion des armes de petit calibre, des munitions, des explosifs détenus par des combattants après l'obtention d'un cessez le feu sur un théâtre conflictuel226. Cette opération qui est le souvent incluse dans les accords de paix de sortie de crise, doit idéalement s'effectuer sur une base volontaire. Comme le souligne le conseil de sécurité dans le cadre u mandat de l'ONUSOM II, la réussite du désarmement, support de la reconstruction pacifique de l'État, nécessite une bonne volonté politique de la part des mouvements et factions devant être désarmés227. Dans ce cadre, pour encourager les anciens combattants à rendre leurs armes, on leur attribue le plus souvent des indemnités financières ou la garantie d'échapper à des poursuites judiciaires.

Sont souvent associées au désarmement, les opérations de déminage des territoires. Le déminage des territoires s'avère tout aussi important que le désarmement lui-même et consiste à dépolluer entièrement les régions dans lesquelles ont été disséminées des mines pendant la période des affrontements. Cette mission complémentaire au désarmement a été incorporée par exemple dans le mandat de l'Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge. L'APRONUC devait, en vertu de la résolution 745 (1992), assister le Cambodge en matière de déminage et lancer des programmes de formation en matière de déminage et de sensibilisation aux mines parmi la population cambodgienne228.

Après le désarmement, intervient ensuite la deuxième phase du processus à savoir la démobilisation. A la lumière du travail effectué par la mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), on peut apprendre que la démobilisation consiste en l'inscription et l'accueil des soldats à démobiliser dans des centres spécifiques, la délivrance des cartes d'identité, l'enregistrement et l'entrepôt des armes et le cas échéant leur destruction229. Cette deuxième phase du DDR doit aboutir obligatoirement à la réinsertion des combattants démobilisés car, comme l'a si bien remarqué l'ancien secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, la démobilisation serait incomplète sans une véritable réinsertion230. Dans la pratique du DDR, la réinsertion constitue une étape intermédiaire entre la démobilisation et la réintégration des anciens soldats dans la vie civile. Elle consiste en une assistance transitoire, ponctuelle apportée aux démobilisés afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins fondamentaux. Cette assistance peut parfois prendre la forme d'une indemnité de sûreté transitoire, de denrées alimentaires, des vêtements, d'un abri, des services médicaux, des services

225 S/PRST/1999/21, Déclaration du président du Conseil de sécurité, 8 juillet 1999, p. 1

226 Département des Opérations de Maintien de la Paix des Nations Unies, Integrated Disarmament, Demobilisation and Reintegration Standards (IDDRS), New york, 2006, p. 2 ; A/C.5/59/31, Note du secrétaire général sur les Aspects administratifs et financiers du financement des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, 24 mai 2005

227 S/RES/814 du 26 mars 2003, § 7 - 8.

228 S/RES/745 du 28 février 1992.

229 S/2004/972, Cinquième rapport du secrétaire général sur la Mission de l'organisation des Nations Unies au Libéria, 17 décembre 2004, §21 - 24.

230 S/2000/101, Rapport du secrétaire général, op. cit. §58 - 61.

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d'éducation, de formation et d'emploi231. Le processus de DDR se conclut par une véritable réintégration des anciens soldats dans la vie civile. La réintégration s'inscrit dans le long terme et permet aux anciens soldats d'acquérir le statut de civil grâce à un emploi stable. Elle offre ainsi la possibilité de transformer les combattants en de véritables citoyens productifs, aptes à contribuer au relèvement de leur pays. Cet effort de reconstruction sécuritaire, au moyen du DDR, implique inéluctablement la réforme des structures militaires policières afin de bâtir une véritable armée opérationnelle capable de contribuer à l'établissement d'une paix durable.

B. La restructuration des forces de l'ordre

Après le DDR, la réforme du secteur sécuritaire des Etats défaillants passe nécessairement par une véritable restructuration des forces de l'ordre. En effet, au vu de la situation qui prévaut généralement dans les Etats défaillants où l'armée et la police nationale sont transformées en instruments de répression, la création d'un État de droit dans les Etats défaillants doit nécessairement passer par la subordination des forces de l'ordre à l'autorité civile et par la limitation de leur rôle quant au maintien de la sécurité intérieure. Dans ce domaine, l'objectif du projet de reconstruction des Etats défaillants est de transformer l'armée et la police nationale, considérées autrefois comme des éléments déstabilisateurs de la paix, en de véritables garants et promoteurs de la paix. L'action internationale en vue de la restructuration des forces de l'ordre des Etats défaillants doit d'une part permettre la rationalisation232 des effectifs des forces de l'ordre et, d'autre part, le renforcement des capacités opérationnelles et professionnelles de celles-ci.

Pour ce qui est de la restructuration des forces armées, l'action de la communauté internationale en Centrafrique et au Congo permet de saisir la portée des réformes accomplies dans ce domaine. En Centrafrique, il faudrait observer que le projet de restructuration des forces armées a été incorporé au mandat de la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine (MINURCA) par la résolution 1182 (1998). En vertu de cette résolution, la MINURCA devait conseiller et fournir une assistance technique en vue de la restructuration des forces de sécurité du pays233. Dans ce cadre, la MINURCA, avec le concours des autorités nationales, a permis l'élaboration de quatre projets de lois visant à préciser le rôle de chacune des composantes de l'armée nationale dans le maintien de la sécurité et la défense nationale ; mission qui était dévolue à un conseil suprême de défense nationale et de la gestion des crises. En outre la MINURCA a aussi contribué à la formation des cadres de l'armée nationale du

231 A/C.5/59/31, Note du secrétaire général sur les aspects administratifs et budgétaires du financement des opérations de maintien de la paix, 24 mai 2005

232 Cette rationalisation peut se faire soit par l'augmentation des effectifs souvent insignifiants des forces de l'ordre soit par la réduction des effectifs de ces dernières.

233 S/RES/1182 du 14 juillet 1998, §9.

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pays afin de rendre plus efficaces l'administration et la gestion des forces armées centrafricaines234.

Pour ce qui est de la République Démocratique du Congo, la Mission de l'Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC) a été investie, par la résolution 1565 (2004) du mandat, d'une mission de conseil aux autorités nationales afin de mener à bien « la réforme du secteur de la sécurité, y compris l'intégration des forces de défense nationale et de sécurité intérieure (...) en s'assurant de leur caractère démocratique et pleinement respectueux des droits de l'homme et des libertés fondamentales »235. Ainsi, d'après le rapport du secrétaire général Kofi Annan, l'assistance de la MONUC a permis la réduction de l'effectif des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, la formation des éléments intégrés dans la nouvelle armée constituée et leur entrainement236. Il conviendrait aussi de souligner le rôle de la MONUC dans la supervision de l'assistance apportée par les autres partenaires dans la restructuration des forces armées congolaises. On peut citer pour exemple, la mission EUSEC - RD. CONGO237 déployée par l'Union Européenne afin d'accompagner les réformes du secteur de la sécurité en République Démocratique du Congo238.

La reconstruction des forces de l'ordre des Etats défaillants doit permettre de mettre sur pied des structures efficaces dans le maintien de l'ordre civil afin de créer un véritable climat de paix et de sécurité au plus près de la population. A ce titre, dans son rapport de 2006 sur la situation en Haïti, l'ancien secrétaire général de l'ONU considère que la mise en place d'une police professionnelle et efficace constitue une condition préalable et indispensable à la création d'un tel environnement favorable à une paix durable239. Dans les opérations de reconstruction des Etats défaillants, la restructuration de la police nationale de ces Etats est dévolue aux Observateurs de police civile des Nations Unies dont la mission, selon le Rapport Brahimi, consiste non seulement à recenser les abus et autres comportements inacceptables mais doit avant tout impliquer la réforme et la réorganisation des forces de police locales240. Dans la même dynamique que celle de la restructuration des forces armées, le conseil de sécurité va intégrer au mandat des forces internationales déployées dans les Etats défaillants en vue de leur reconstruction, la mission de renforcement des capacités opérationnelles et des compétences professionnelles des forces de police. C'est ainsi que l'Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB) est investie par la résolution 1545 (2004) de la mission de mener à bien des réformes institutionnelles ainsi que de la constitution des forces intégrées de sécurité intérieure, en particulier la formation et la supervision de la police, en s'assurant de leur caractère démocratique et pleinement respectueux des droits de l'homme et des libertés

234 S/1999/788, 7ème rapport du secrétaire général sur la mission des Nations Unies en République Centrafricaine, 15 juillet 1999.

235 S/RES/1565 du 1er octobre 2004, §7, b)

236 S/2004/251, Quinzième rapport du secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, 25 mars 2004.

237 Mission mise en place à la demande du gouvernement de la République Démocratique du Congo par la Décision 2010/565/PESC publiée au Journal officiel de l'Union Européenne du 21 septembre 2010.

238 S/RES/1693 du 30 juin 2006, §5.

239 S/2006/60, Rapport du secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti, 2 février 2006, §65.

240 A/55/305 - S/2000/809, Rapport du Groupe d'étude sur les opérations de paix de l'Organisation des Nations Unies du 21 août 2000, §39.

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fondamentales241. Dans cette même optique, le conseil de sécurité a également chargé la Mission des Nations Unies au Timor Oriental (MANUTO), établie en 2002 en remplacement de l'Autorité Transitoire des Nations Unies au Timor Oriental (ATNUTO), du mandat d'assurer le maintien de l'ordre et de la sécurité publique et d'aider à la mise en place du Service de police du Timor Oriental, nouvel organisme chargé du maintien de l'ordre public dans le pays242.

Ainsi, dans plusieurs autres Etats défaillants, la reconstruction des forces de l'ordre s'est effectuée à travers la rationalisation des effectifs mais surtout par le renforcement des capacités opérationnelles des éléments de l'armée et de la police nationales. Dans la reconstruction des Etats défaillants, ces réformes du secteur de la sécurité doivent préparer le terrain à d'autres réformes visant à asseoir l'autorité politique de l'État à reconstruire et à faciliter de cette manière son développement économique et social.

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