Paragraphe deuxième : La protection de la
démocratie est la garantie d'une paix durable
Le rapport de complémentarité entre la paix et
la démocratie paraît évident et logique mais, en
réalité, il n'est pas absolu « ce pendant, une fois le
principe général admis, et étant donc entendu qu'un
régime démocratique est sans doute plus favorable à la
paix que des régimes d'autocratie, il faut bien admettre que la
règle n'est pas absolue et que ce n'est pas toujours le cas... A notre
ère aussi, il n'ya pas vraiment bien longtemps que les grandes
démocraties n'ont pas hésité à mener des
expéditions coloniales et à manier le `gros bâton ', comme
-on l'a dit, sur le dos de plus faible pays » 28 .
A Notre ère, on remarque l'existence de beaucoup de
régimes autoritaires qui arrivent à maintenir « la paix
» sociale en l'absence de la démocratie ou plutôt « une
paix forcée » maintenue par la force et non pas sur la base d'un
consensus collectif. La décision pour ce type des régimes est le
choix du dirigeant autoritaire et par le biais des moyens
antidémocratiques.
De ce fait, on peut déduire que la paix est une
garantie de la démocratie qu'est un gage pour préserver la
liberté et combattre l'autocratie.
Ce lien est affirmé par l'agenda pour la paix
adoptée le 31janvier 1992 par l'Assemblée Générale.
C'est un rapport élaboré par l'ancien Secrétaire
Général Boutros Boutros Ghali suite à une demande de la
part du Conseil de Sécurité. « Cet agenda s'inspire
directement des dispositions prévues par la charte, et il est, dans
l'ensemble, conforme aux buts et aux principes de ce texte fondateur»
29 , comme l'a considéré son auteur.
28 Valticos (Nicolas ), ... op.cit., p1410.
29 Ghali Boutros (Boutros), « le droit
international à la recherche de ses valeurs », RCADI, tome
286, 2000, p23.
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On doit mettre ce rapport dans son contexte international, il
faut souligner qu'il est le résultat d'une prise de conscience
doctrinale et onusienne d'une faillite de l'ONU à mettre fin et à
prévenir le déclenchement des tensions.
« L'ONU a failli à sa mission principale de
maintien de la paix et de la sécurité internationales .Plus
exactement, l'innovation principale de la sécurité collective n'a
guère fonctionné et est tombée dans une
quasi-désuétude» 30.
Cette paralysie de l'ONU devrait être rattrapée
par un besoin d'innovation au niveau des opérations de maintien de la
paix.
Les opérations de maintien de la paix, qui sont
apparues depuis 1956, ont changé de nature. Ce sont des
opérations d'une nouvelle génération, elles sont
constituées de deux composantes : une composante civile et une
composante militaire.
L'opération ne se limite plus à mettre fin au
conflit par les moyens militaires mais elle s'étend à accomplir
d'autres fonctions pour traiter les raisons profondes des tensions.
Ces fonctions sont telles que l'acheminement des recours
humanitaires mais aussi la surveillance du déroulement
d'élections ,la vérification du respect des droits de l'homme et
l'aide à mettre en place des institutions étatiques telles que
l'institution policière et législative, des taches qui ont un
lien direct et étroit avec la promotion de la démocratie .
30 Ben Achour (Rafaa), « l'action des Nations
Unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales », Etudes internationales (Tunisie), t1,
N°54, 1995, p5.
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Mais, cet agenda a des effets limités puis qu'il
était incapable d'éviter le déclenchement des autres
conflits. En fait, quatre ans, après sa publication, étaient
suffisants pour montrer les limites des mesures prévues par ce rapport
surtout lors du conflit somalien et le conflit de l'ex-Yougoslavie.
Ce qui conduit le même auteur à émettre un
rapport supplémentaire en 1995 et surtout à élaborer un
deuxième agenda à savoir l' « agenda pour la
démocratisation » le 2 décembre 1996.
L'enthousiasme de Mr Boutros Boutros Ghali n'est qu'une
expression d'un enthousiasme de l'ONU à l'égard de la
démocratie. « En un mot, l'ONU est désormais convaincue
que la démocratie est une condition essentielle à la
concrétisation de la paix » 31.
Cet agenda est une initiative personnelle du Secrétaire
général et il prend en considération l'évolution
des opérations de maintien de la paix, c'est pour cela son auteur l'a
considéré comme étant « le plus important des
rapports » 32 qu'il a présentés à
l'Assemblée Générale même s'il connait une censure
de fait.
Dans ce même acheminement, le Conseil de
Sécurité a condamné les coups d'Etat lorsqu'un
gouvernement dictatorial remplace un gouvernement démocratiquement
élu.
31 Rich (Roland), « l'Organisation des Nations
Unies et la promotion de la démocratie », le monde des
parlements, N°31, septembre 2008, p12.
32 Ghali Boutros (Boutros), « le droit
international à la recherche de ses valeurs », op.cit., p35.
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En fait, le Conseil l'a considéré dans plusieurs
reprises comme une menace contre la paix sur la base de l'article 39 de la
charte des Nations Unies33.
Pour le cas burundais, les coups d'Etat de 1993 et 1996 ont
conduit à une guerre civile et interethnique. L'ONU a réagi,
à l'époque, pour imposer la restauration de la
démocratie.
« Les prises de position des organes
compétents de l'ONU suggéraient de façon nette que ...la
démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme se
renforçaient mutuellement et que l'interruption brutale du processus de
démocratisation risquait d'affecter sérieusement le maintien de
la paix et de la sécurité régionales » 34.
Entre autre, la résolution 1040(1996) sur la situation
au Burundi a souligné dans son paragraphe deuxième le rapport
étroit existant entre la démocratie et la sécurité
et le rétablissement de l'ordre au Burundi35.
Pour le cas haïtien, la résolution 940 (1994) met
l'accent sur le lien évident entre la démocratie et la
paix36.
Il est notoire de signaler que cette résolution permet
« un élargissement significatif à la notion de la menace
contre la paix» .37
33L'article 39 de la charte prévoit que
« Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace
contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des
recommandations ou décide quelles mesures seront prises
conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la
paix et la sécurité internationales. »
34 (Linos Alexandre ) Sicilianos, l'ONU et la
démocratisation de l'Etat : Systèmes régionaux juridiques
universels, Paris, Pédone, 2000, p214.
35 La résolution 1040 du 26 janvier 1996
« sur la situation au Burundi » prise par le Conseil de
Sécurité mentionne dans son deuxième paragraphe « 2.
Déclare qu'il appuie sans réserve l'action menée par le
Secrétaire général et par d'autres ... pour faciliter un
dialogue politique global visant à promouvoir la réconciliation
nationale, la démocratie, la sécurité et le
rétablissement de l'ordre au Burundi ;... »
36 S/Rés/940 du 4 aout 1994 sur « Question
concernant Haïti (autorisation force multinationale) ».
37 Ibid, p215.
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La normativité de la pratique onusienne en la
matière va être ancrée essentiellement par la
résolution 1132 (1997) lors d'un coup d'Etat militaire du 25 mai 1997
qui a donné l'occasion aux juntes militaires en Sierre Léone
d'arriver au pouvoir et qui n'ont pas une légitimité
démocratique.
Cette résolution a considéré la violence
comme une menace contre la
paix.
Il en résulte que « le coup d'Etat contre un
gouvernement démocratiquement élu est considéré, en
tant que tel comme un facteur de déstabilisation qui peut avoir des
répercussions sur le maintien de la paix et de la sécurité
internationales ».38
La paix est une condition pour la promotion de la
démocratie, et une démocratie sans développement n'est
qu'une utopie.
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