L'ONU et la démocratie dans les pays émergents( Télécharger le fichier original )par Amina FATNASSI faculté de droit et des sciences politiques de Sousse Tunisie - Diplôme de master de recherche en droit public ( LMD ) 2012 |
Section II : Le développement, une garantie pour ancrer la démocratieIl est évident que la démocratie est une politique qui se fonde sur plusieurs piliers. On peut considérer le développement comme étant parmi les plus importants. Paragraphe premier : La définition du développementLe développement est l'action de faire croitre, de faire progresser, de donner de l'ampleur au cours du temps. C'est un « processus de transformation des structures d'une société lié à la croissance»39. L'approche de l'ONU donne au développement une approche globale. De ce fait, le développement recouvre « toutes les formes de progrès sur le plan 38 (Linos Alexandre) Sicilianos, op.cit, p215. 39 Salmon(Jean), op.cit. , p336. 20 humain et implique une qualité de vie meilleure »40. On parle d'un développement global. Par conséquent, le développement ne se limite pas à une amélioration matérielle des conditions économiques. Cette notion globale du développement se retrouve dans les résolutions et déclarations des Nations Unies. La déclaration des Nations Unies sur le droit au développement a estimé que le développement est « un processus global, économique, social, culturel et politique, qui vise à améliorer sans cesse le bien-être de l'ensemble de la population et de tous les individus, sur la base de leur participation active, libre et significative au développement et au partage équitable des bienfaits qui en découlent »41. Malgré la vision globale de l'ONU en ce qui concerne la notion de développement, cette dernière reste ambigüe. L'ancien Secrétaire Général Mr Boutros Boutros Ghali a déduit que « la charte des Nations Unies a prévu des dispositions précises concernant le maintien de la paix, elle se révèle beaucoup moins prolixe sur la question du développement qui reste, jusqu'à aujourd'hui, un concept confus et controversé ». 42 L'ambigüité de la notion résulte du fait que le développement comprend plusieurs dimensions et, donc, il peut faire l'objet d'une interaction avec d'autres notions telles que la démocratie. 40 Shihata (Ibrahim F.I), op.cit, p1370. 41 http://www.un.org/fr/events/righttodevelopment/declaration.shtml 42 Ghali Boutros (Boutros), « le droit international à la recherche de ses valeurs », op.cit, p27. 21 22 Paragraphe deuxième : L'interdépendance entre le développement et la démocratieVu que la démocratie et le développement sont des processus, tous les pays ne connaissent pas un progrès similaires sur les deux niveaux. Il est à noter que la complémentarité entre la démocratie et le développement se concrétise essentiellement lors du régime libéral, il est clair que la libéralisation économique favorise la libéralisation politique. Par cette concrétisation, on arrive à identifier la substance même de la démocratie durable. « Pour être durable, la démocratie doit être enracinée dans le contexte local et résulter des forces mêmes de la société » 43. On peut ajouter à la libéralisation la mondialisation comme étant un élément d'accélération du processus de développement et de démocratie. En tout état de cause, la démocratie encourage le développement « il est certain que le sous développement encourage des régimes autoritaires et facilite les conflits comme il est facile de dire que le développement permet la démocratisation » 44. Il est à relever que la démocratie est, aussi, une garantie pour le développement, entre autre le développement équitable et effectif suppose la transparence, la responsabilité et la participation des citoyens. « La démocratie constitue de toute manière une condition favorable pour le développement du pays » 45. 43Shihata (Ibrahim F.I), op.cit, p1374. 44 Ghali Boutros (Boutros), « vers quelle réforme de l'ONU ? », Géostratégiques, n14, 2006, p192. 45 Valticos (Nicolas), op.cit, p1412. L'ancien secrétaire général Mr Boutros Boutros Ghali a présenté un rapport intitulé « agenda pour le développement » le 6 mai 1994 suite à une demande de l'Assemblée Générale à ce propos. Dans cet agenda, son auteur a fait le lien entre 5 éléments à savoir la paix, l'économie, l'environnement, la justice sociale et enfin la démocratie. « Pour Boutros Boutros Ghali, le développement a cinq dimensions: la paix « fondement du développement, l'économie « moteur du progrès », l'environnement « base de durabilité », la justice sociale « pilier de la société » et la démocratie « modèle de fonctionnement de l'Etat. Il s'agit là d'une conception originale et novatrice du développement» 46. En plus, l'auteur de l'agenda « a cherché à démontrer l'existence d'un lien naturel entre les deux processus » 47. En fait, la démocratie et le développement sont complémentaires et indissociables pour quatre raisons : Tout d'abord, la démocratie est une clé pour éviter les conflits internes ce qui va garantir, a priori, une paix sociale pour la promotion du développement. Ensuite, promouvoir le progrès sur ces deux niveaux peut être même un mode de conciliation pour garantir la stabilité et l'état de paix. Puis, la démocratie est l'essence pour consacrer le droit à un développement équitable et durable en tant qu'un droit fondamental. 46Ben achour ( Rafaa) , « la contribution de Boutros Boutros Ghali à l'émergence d'un droit international positif de la démocratie », in. Mélanges Boutros Boutros Ghali, vol.II, Bruxelles, Bruylant, 1998. 47 (Linos Alexandre ) Sicilianos, op.cit, p140. 23 Enfin, la participation à la prise de décision ou ce qu'on appelle souvent « la démocratie participative » accélère et rationnalise le développement dans sa conception globale. Donc, sans démocratie réelle le développement est en danger et sans un développement équitable, la démocratie reste une idée purement utopique. Cette vision a été consolidée à plusieurs reprises, c'est le cas par exemple de la résolution 51 /31 (1997) qui mentionne que « la démocratie, le développement et le respect des droits de l'homme et les libertés fondamentales sont interdépendants et synergiques ... » 48 . La pratique onusienne cristallise cette interdépendance entre ces deux préoccupations et non pas la priorité de l'un sur l'autre. La preuve est que la Banque Mondiale - qu'a comme mission principale l'aide au développement-peut être obligée par le Conseil de Sécurité à interrompre ces relations économiques avec des Etats non démocratiques sur la base des articles 40,41 et 42. Les régimes autoritaires peuvent réaliser un développement qui reste souvent un développement fragile alors que les régimes démocratiques arrivent à réaliser dans la plupart du temps un développement durable et continu. « Le développement humain n'est possible que dans un cadre démocratique et la démocratie et le développement sont difficilement réalisables sans une coopération plus élargie à l'échelle internationale » 49. Mr Boutros Boutros Ghali, dans son agenda pour la démocratisation, a conclu ce rapport complexe de complémentarité existant entre la démocratie et 48 A /RES/51/31 du 10 janvier 1997.relatif à « 51/31. Appui du système des Nations Unies aux efforts déployés par les gouvernements pour promouvoir et consolider les démocraties nouvelles ou rétablies » 49 Berrezoug (Mohamed), « l'ONU : Paix et développement », Etudes internationales(Tunisie),n°58, 1/1996, p43. 24 le développement. « La corrélation entre le développement et la démocratie est plus complexe .On a vu des pays se développer sous des régimes qui n'étaient pas démocratiques .Toutefois, rien ne semble indiquer qu'un régime autoritaire est nécessaire pour assurer le développement, alors que tout tend à prouver à long terme, la démocratie est un facteur essentiel de développement durable. Le développement, quant à lui, est primordial pour qu'existe une société véritablement démocratique dont toutes les composantes peuvent, au delà de l'égalité de principe, participer effectivement au fonctionnement de leurs institutions » 50. La paix et le développement sont des conditions pour promouvoir la démocratie. Le respect et la diffusion des droits de l'homme sont indispensables pour fonder un régime démocratique. En fait, une démocratie sans le respect des droits de l'homme reste un rêve inachevé. |
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