Section 3. Approche interprétative de la
recherche
La tendance qui se dégage est tel que, celles que l'on
peut se permettre de qualifier « traditionnelles », la RTNC/Kisangani
et la RTA, accordent aux informations une importance, contrairement aux
nouvelles arrivantes dans le PAB qui consacrent le clair de leurs temps
télévisuels aux divertissements. Cela peut être lié
au fait et à la nature même de leurs missions poursuivies
distinctement.
Évidemment, pour une chaîne qui travaille pour sa
visibilité et sa lisibilité, il convient de privilégier,
dans une certaine mesure, dans sa programmation des programmes relevant du
genre « authentifiant » qui la rend assez crédible
vis-à-vis de son public. En fait, des programmes se rapportant aux
informations sont ceux qui déterminent, d'emblée,
l'existence-même de la radiodiffusion, parce qu'étant un type de
programme mobilisant peu de moyens que possible. Toutefois, une
vérité dans ces médias, est que l'apport extérieur
des programmes d'information est celui qui contribue le plus à cette
crédibilité. À la RTNC/Kisangani comme à la RTA, le
volume horaire de ces programmes est élevé à ceux locaux ;
pourtant elles devraient obéir à la « loi de la
proximité » qui caractérise les informations dans une
communauté donnée.
En revanche, les nouvelles chaînes apportent un type de
programme alternatif au premier en ce sens que comme le disent si bien LOCHARD
et BOYER64, « le contrat se fonde sur le plaisir et le
sérieux. Si le second tend à garantir la fiabilité de
l'information transmise et, donc, la crédibilité du média
émetteur, le premier vise à séduire le public et, donc,
à garantir la satisfaction de ses affects en mobilisant
différents imaginaires sociaux ».
Dans cette condition, l'enjeu n'est pas de marquer sa
préférence sur tel ou tel type de programme, mais c'est d'assurer
un équilibre des genres télévisuels afin de pouvoir
65 EKAMBO, (D.), Cours des theories de la communication,
IFASIC, 2011
conforter cette fiabilité du média ainsi que de
sa capacité à séduire ou mieux à satisfaire son
partenaire direct, le public.
Aussi, constatons-nous après analyse, une sorte de
suivisme dans l'élaboration des grilles de programmes. C'est à
peu près les mêmes émissions que chacune des chaînes
titre à sa manière, mais avec les mêmes formules de
présentation et philosophie voire la cible. Après la
déchéance du monopole dans le secteur audiovisuel, la grille de
la RTNC/Kisangani datant de plusieurs décennies, a servi de
modèle des autres. Toutes les chaînes du régime
privé ont parodié la programmation, la structure de la grille
ainsi que les techniques de programmation.
Nonobstant, cette programmation est fondée sur les
besoins supposés des publics et non sur les besoins exprimés des
bénéficiaires. Cela dit, l'on est devant une logique qui pense
que l'émetteur, la chaîne, est tout puissant, tandis que le
récepteur, le public, est passif. Et pourtant, selon Lee
THAYER65, l'acte communicationnel entre ces deux acteurs est
l'oeuvre d'une « co-création ». C'est-à-dire la
participation du public dans la détermination des contenus susceptibles
de lui intéresser devra constituer un enjeu indispensable de la part des
chaînes de télévision. Comme évoqué ci haut,
il faut au préalable étudier les besoins et les souhaits des
auditeurs pour en tenir compte dans l'élaboration des
émissions.
Quel qu'il soit du régime public ou privé, le
paysage audiovisuel boyomais découle du format généraliste
; cela dit, il s'adresse à un public plus
hétérogène et il doit tout au long de la journée
déterminer le public majoritaire. Ainsi, la règle fondamentale de
sa programmation sera d'exposer chaque programme à la case horaire qui
lui convient le mieux. Le programmateur doit retracer l'emploi du temps des
différents publics cibles et déterminer les heures où ils
regardent la télévision.
Au vu des résultats, la logique du découpage de
la journée en tranches correspondant à la disponibilité du
public-cible est loin d'être une préoccupation du PAB. Les
programmes sont placés de manière aléatoire. Des films
ainsi qu'une catégorie d'émissions intéressant la vie du
public sont diffusés à des heures inopportunes ; et une autre
catégorie de programmes est improvisée au gré des
programmateurs sur base de certaines convenances propres aux idées qui
dictent la vie de l'entreprise. C'est une sorte de grille que nous appelons
«implicite », c'est-à-dire qu'il s'observe des programmes qui
sont proposés par les chaînes liés à certaines
contraintes extérieures à la réalisation du programme.
C'est le cas des programmes improvisés concernant les
activités ou les tournées du gouverneur ; une messe dite par
l'Archevêque de Kisangani ; ou une action de certaines
personnalités ; ou encore un message des patrons de la chaîne...ce
qui installe une certaine imprévisibilité dans le flux
télévisuel. Alors que le principe horizontal de construction
d'une grille vise l'encrage des rendez-vous réguliers dans les habitudes
du public. Vis-à-vis du public c'est moins respectueux à son
égard et, loisible à lui de faire usage de son arme de
destruction, la télécommande. Des études des habitudes
d'écoute et sociologiques dans le chef du public ne sont pas
réalisées au départ.
Pour le bénéfice de la chaîne, l'acteur de
la programmation, le programmateur
qu'il soit du service public ou télévision
commerciale, joue le rôle essentiel d'acheteur et de sélectionneur
d'images, ainsi que de collecteur de ressources financières. Le
schéma du " sablier " montre qu'il se déroule un échange
des programmes contre du temps, le temps des téléspectateurs
transformés en audience pour les annonceurs. D'où, pour une
chaîne de télévision, les annonceurs est un autre public
très crucial et vital qu'il sied d'attirer également.
Par ailleurs, il est important de souligner le fait que le
paysage audiovisuel
boyomais fait place généralement aux programmes
dits de « flux », entendons par là en rappel, qui perdent leur
valeur à la première diffusion ; ils sont donc
éphémères. Ils sont considérés dans une
certaine mesure comme des programmes de « stock », dans le PAB
étant donné qu'une fois après leur diffusion, ils sont
rediffusés. Il est monnaie courante de voir des JT être
rediffusées à deux ou trois reprises. Ce qui dénote un
enjeu important de production dans les différentes chaînes. Les
matériels, les professionnels qualifiés, et les sources de
financement déterminent cette production.
Pourtant, la plupart de ces chaînes comptent sur les
maigres moyens financiers
provenant de recettes engrangées de communiqués,
annonces, messages et publicités. Ces moyens insuffisants ne permettent
pas le financement des productions internes. Le plus souvent, les
émissions sont produits en studio et en direct ; au moment où
certaines productions médiatiques n'obéissent plus à ces
formules de présentation et d'habillage « traditionnels » et
sont avides de décors naturels qui confèrent à
l'émission sa fiabilité.
D'ailleurs, la coutume actuelle est celle d'enregistrement
préalable des programmes. Aussi, quand on a les moyens, l'on peut se
procurer des programmes extérieurs très originaux et non ceux
limités à des films d'action que quiconque peut se trouver au sur
le marché. La télévision est le domaine de la
nouveauté ou de l'inconnu significatifs mis à la disposition du
public pour son information et sa formation.
66 Op. cit., p. 9
En outre, la nature de formation des professionnels
relève de l'expérience mitigée, d'autant que, nombre
d'entre eux ont subi une formation sur l'état. La petite goutte des
professionnels issue d'un cursus académique butte contre une force de
pesanteur qu'est le système des anciens dans l'entreprise. Ce qui limite
la visée créative qui doit dicter les professionnels quand ils
professent.
L'autre contrainte se rapporte à l'équipement
technique à la disposition des chaînes. Après exploration
dans les entreprises respectives, comme vous pouvez le voir au deuxième
chapitre, il ressort que les équipements ne sont pas suffisants quant
à la production. Certains matériels tels que caméra et
autres, se limitent à l'émission du signal à partir du
studio uniquement.
Il est difficile de savoir les motivations qui dictent les
promoteurs de ces médias à en créer. A vrai dire,
l'observance des textes réglementaires fait défaut. Selon les
Cahiers de charges des médias audiovisuels en RDC66, parmi
les conditions d'obtention de licence d'exploitation, « une étude
de faisabilité et de rentabilité évaluant notamment la
capacité de rémunérer les compétences
utilisées, de manière décente pendant deux ans et de
disposer d'un compte bancaire ».
Nous insistons sur le fait que les objectifs ou les missions
qu'on assigne aux entreprises audiovisuelles doivent faire l'objet d'un soin
particulier dans leur formulation. Dit-on, ce qui se conçoit bien,
s'énonce bien et les mots pour le dire viennent aisément. Notre
intérêt réside dans le fait qu'une mission ou un objectif
bien défini permet de déterminer les conditions
nécessaires et suffisantes pour parvenir à la réalisation
de ce que l'on veut entreprendre.
Il n'en demeure pas moins vrai que des entretiens avec les
responsables de la programmation de notre milieu d'étude, il ressort
qu'en général ils estiment que la mission ou l'objectif
assigné à leurs chaînes est celle, traditionnelle, reconnue
aux médias : information, éducation/culture et divertissement. Et
nous en convenons dans une certaine mesure. Néanmoins, ce n'est pas par
un hasard ou par un besoin instinctif qu'il arrive aux promoteurs de
créer des entreprises de radiodiffusion. Leurs motivations sont
importantes afin d'affiner le contenu qui véhicule une quelque
philosophie directrice de laquelle se décline le projet éditorial
ou la fameuse « ligne éditoriale » tant évoquée
par les médias boyomais pour justifier certaines actions.
67 GAUDEFROY, (A.), « Une ligne
éditoriale, à quoi ça sert ? », article mis en ligne
le 8 décembre 2008, consulté le 19 mai 2011 à
13h00.
« La ligne éditoriale désigne le
thème, le public et le but d'une publication...elle apporte une
cohésion globale à un ensemble de contenus. Sa formulation permet
de construire l'identité d'une publication, d'établir clairement
son territoire (ses domaines) et éventuellement sa couleur
idéologique ».67 Dans un cas de figure, nous avons la
RTNC qui est divisée en trois compartiments : les RTNC1, 2, et 3 dont
chacune à un but tout à fait particulier et qui permet à
chacune de remplir sa fonction. Ces éléments se trouvent bien
consignés dans des textes précis : soit des statuts (chaîne
publique) soit un cahier des charges (chaîne privée). C'est quand
l'on s'en détache que télévision-média perd sa
valeur sociale et se réduit à un support de secours uniquement
lorsque l'on veut écouter de la musique ou regarder un film. Et c'est la
mort même de cette chaîne. Conséquence dialectique,
considérant que dans ces conditions, le média audiovisuel
rivalise avec la programmation individuelle de plus en plus en vogue avec la
possibilité d'avoir par devers soi un lecteur VCD ou DVD.
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