2.1.3. Théories de la croissance
endogène
La santé fut longtemps ignorée dans les grands
concepts et les modèles de la macro-économie et de la croissance.
L'économiste ne se préoccupait guère de cette dimension,
la considérant généralement comme l'une des affectations
possibles des fruits de la croissance, voir plus souvent comme une contrainte
budgétaire pouvant peser sur le processus d'accumulation des
richesses.
L'émergence des nouvelles théories au milieu des
années 1980, à la suite des premiers travaux de ROMER P. (1983),
a permis de nuancer, voire de contester progressivement cette approche. Le
développement des théories de la croissance endogène est
en effet à l'origine de la prise en compte de la santé, aussi
bien en tant qu'investissement, qu'en tant que consommation, dans la croissance
économique.
Selon ce courant de pensé, la croissance est
influencée par le comportement des agents économiques, et
à ce titre l'évolution de l'économie a par essence un
caractère endogène. D'une part, l'une de ces principales sources,
le progrès
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
technique, est désormais perçu comme un facteur
déterminé par les actions des agents économiques en
connaissance de cause, alors qu'il était jusqu'alors
considéré comme exogène, c'est-à-dire engendre en
dehors du processus de croissance et intervenant sur celui-ci
indépendamment des actions des agents. D'autres part, d'autres
interventions sont désormais reconnues comme influençant
directement et significativement la croissance économique : les
dépenses publiques, la recherche et développement et
l'investissement en capital humain.
Or, ces approches révèlent que compatibles avec
une analyse liant croissance et santé. en effet, c'est surtout le
secteur de la santé, avec celui de l'éducation, qui
intégré les principaux facteurs explicatifs de la croissance
endogène, que sont la recherche, le capital humain et les
dépenses publiques. Toutefois, selon les auteurs, ces dernières
sont parfois considérées comme une source de croissance, parfois
comme une application des théories de la croissance endogène.
Nous nous plaçons ici dans le premier cas. Dès lors, on pourrait
penser que la santé est un fort générateur de la
croissance endogène. Ce constat pourrait constituer une aux divergences
des taux de croissance entre les pays à long terme, constat qui est
à l'origine des nouvelles théories de la croissance.
2.1.3.1. Dépenses publiques et
santé
Certains modèles de croissance endogène reposent
sur l'idée que l'investissement (y compris en capital humain) a des
effets externes positifs sur les possibilités de production, ce que les
firmes ne prennent pas en considération. Il appartient donc aux
instances décisionnaires de l'Etat de prendre des mesures requises pour
permettre une meilleures affectation inter temporelle des ressources, en fait
pour favoriser la réalisation d'un montant d'investissement plus
élevé, en particulier dans les domaines publics tels que
l'éducation e la santé.
Les théories de la croissance endogène mettent
donc en avant le rôle positif des dépenses publiques ayant un
effet d'entraînement sur la croissance. Or, il suffit de rappeler
l'importance du secteur de la santé dans ces dépenses pour en
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
déduire un lien évident entre la santé et
la croissance. En effet, au-delà de l'aspect productif direct de ces
dépenses de santé (infrastructures, matériels, etc.), ce
sont surtout les retours sur investissements à moyen et à long
terme qui justifient cette hypothèse.
Cependant, ceci ne nous permet pas d'avancer
l'hypothèse qu'en définitive la non maîtrise des
dépenses de santé pourrait donc avoir un rôle positif sur
la croissance, ainsi que sur la santé. En effet, partant du cadre
économique des pays européens à savoir des systèmes
de santé reposant sur le financement public ou parapublic, nous
démontrons que la progression incontrôlée des
dépenses de santé par rapport à la richesse nationale est
non seulement néfaste pour l'économie mais en plus ce
phénomène pourrait être nuisible à la santé
des populations.
Toute hausse de dépenses de santé plus rapide
que la croissance économique entraîne, ceteris paribus, dans un
système tel que celui des pays européens, une augmentation des
prélèvements obligatoires. De fait, ceci conduit
inéluctablement à un ralentissement du rythme de croissance.
Voici donc le premier effet néfaste sur la richesse nationale. Ensuite,
les travaux sur l'influence de la médecine sur l'état de
santé des populations, proposés par McKeown (1976) le premier
puis repris par différents auteurs, dont le haut Comité de la
santé publique, établissent très clairement que sur longue
période, en moyenne, la médecine ne jouait qu'un rôle
limité sur l'état de santé global des populations, de
l'ordre de 10 à 20%. Et qu'en définitive, les 80 ou 90% restants
étaient constitués des variables dites environnementales ou
socio-économiques. Bien évidemment, ces conclusions sont à
nuancer selon les périodes étudiées (rôle de la
vaccination, des antibiotiques, de l'imagerie médicale, etc.), mais dans
l'ensemble le rôle de la médecine reste limité dans nos
pays comme nous pouvons le constater au cours de deux dernières
décennies.
Dès lors, laisser croître les dépenses de
santé publiques à un rythme supérieur à celui de la
richesse nationale entraîne une détérioration de
l'économie (par rapport à une trajectoire optimale) qui se
répercute sur les variables socio-économique
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
(revenu, chômage, conditions de vie) et in fin joue un
rôle négatif sur l'état de santé global des
populations. Les gains d'état de santé réalisés
grâce aux dépenses supplémentaires, à supposer qu'il
existe ce qui n'est pas toujours démontré, ne suffiraient donc
pas à compenser l'effet négatif de la détérioration
de l'économie sur la santé.
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