3. Institutions de microfinance formelles
Chapitre 3 : La microfinance 22
coopératives régulées et les credit
unions, les banques publiques, les banques spécialisées en
microfinance, les banques rurales et les institutions financières
privées (Holth, 2011).
Les IMF peuvent travailler en collaboration avec d'autres
fournisseurs de service de microfinance, telles que des ONG. Par ailleurs, leur
capacité à atteindre leur mission est reliée à
plusieurs facteurs du système de gestion interne de l'institution. Une
étude de Hartarska et Mersland (2009) a trouvé que
certains systèmes étaient plus efficients. Ils ont notamment
trouvé que les institutions qui évoluent dans un environnement
mature avec des outils de contrôle de gestion appropriés ont une
croissance plus soutenue et atteignent mieux leurs objectifs. Un tableau de
bord de gestion équilibré pourrait donc aider une IMF à
mieux performer.
En outre, Dieckmann (2007) affirme que l'un des
principes de la microfinance est la solvabilité des créanciers et
entrepreneurs à petite échelle, sous-entendant une possible
économie d'échelle pour les IMF. Toutefois, pour profiter de la
solvabilité de ces créanciers et atteindre une efficacité
dans l'utilisation des ressources, les institutions de microfinance ont
dû innover dans la manière d'offrir du crédit.
4. Des méthodes de prêts variées
i. Contexte général
La microfinance est surtout présente dans les pays en
voie de développement, dans lesquels les PME ont du mal à trouver
du financement pour l'expansion de leurs activités (Robinson, 2001).
Elle se définit comme un outil de développement qui propose
des services financiers similaires aux banques traditionnelles mais à
plus petite échelle, tels que les microcrédits, la
micro-assurance et le transfert d'argent. Certaines IMF n'hésitent pas
à offrir d'autres services d'intermédiation sociale pour le
développement de la confiance en soi et la formation des membres d'un
groupe à la littérature financière et de gestion
(Ledgerwood, 1999). Elles ciblent en général des
travailleurs indépendants et entrepreneurs à faible revenu. Le
principal apport de leurs produits et services reste toutefois d'ordre
financier, puisqu'elles offrent du crédit à des hommes ou femmes
ne possédant quasiment pas d'actifs tangibles, n'ayant pas accès
à des sources d'emprunt conventionnelles, et qui sont bien souvent
analphabètes (Von Pischke, 1998).
Chapitre 3 : La microfinance 23
Par conséquent, non seulement les ROSCAs aident-elles
les individus à créer un fond de sécurité pour la
consommation ou pour les cas d'urgence, mais elles encouragent aussi une
L'offre de produits de microfinance implique toutefois des
coûts de transaction pour sensibiliser et atteindre le public
visé. Certaines institutions se rendent même directement chez
leurs clients afin de leur éviter le fardeau des coûts de
déplacement (Yunus et Weber, 2007). Mais pour être
rentable et perdurer à long terme, les IMF sont contraintes d'afficher
des taux d'intérêts supérieurs aux taux d'une banque
commerciale traditionnelle afin de pouvoir couvrir la totalité des
dépenses et des risques supportés (Holth, 2011). Ces
taux sont souvent subventionnés (Robinson, 2001), et même
si les taux sont élevés pour les demandeurs, il n'en reste pas
moins que ceux-ci sont capables de rembourser et de renouveler le prêt
à plusieurs reprises (Yunus et Weber, 2007). Qui plus est, les
avantages sociaux qui en découlent excèdent les hauts taux
d'intérêts appliqués (Rosenberg, 2009).
Pour pallier les risques de non remboursement de leur
clientèle, les IMF ont mis sur pied de nouvelles manières
d'offrir du crédit, et qu'elles adaptent en fonction du client et de son
historique de crédit auprès de l'institution. L'industrie de la
microfinance a innové avec de nouveaux systèmes de prêts
tels que les associations d'emprunts et de dépôts (ROSCAs) et le
prêt de groupe.
ii. Les ROSCAs
Les associations d'emprunts et de dépôts, plus
connues sous l'abréviation anglaise de ROSCAs, Rotating and Credit
Associations, font partie des institutions financières informelles
les plus communément utilisées dans les pays en voie de
développement (Bari, 1998). Leur origine ne peut pas être
précisément définie dans le temps, puisque plusieurs
modèles semblables ont existé auparavant dans différentes
régions du monde sous des noms différents (Aniket, 2005).
Bouman (1994, cité par Aniket, 2005) donne comme
exemples les Totines au Cameroun et au Sénégal,
Esusu au Nigéria, Stokvel en Afrique du Sud, Bishi
et Chti Fund en Inde. Ardener (1964, pg. 201)
définit les ROSCAs ainsi : une association formée d'un
groupe de participants qui se sont entendus pour contribuer
régulièrement à un fond qui est donné,
entièrement ou en partie, à chaque contributeur tour à
tour.
Chapitre 3 : La microfinance 24
culture de l'épargne (Cotler, 2005). Les
participants des ROSCAs sont en général des femmes, et on peut
constater leur émancipation même dans les pays
industrialisés, auprès des communautés de nouveaux
immigrants tels que les coréens, vietnamiens et mexicains aux
États-Unis (Morduch, 1999). Ce type de modèle a
été repris et adapté par des institutions de microfinance
pour éduquer des nouveaux emprunteurs à l'épargne et
à la gestion d'un crédit.
iii. Village Banking
Les banques de village4 offrent des services de
crédit et d'épargne aux résidents d'un village.
Contrairement à d'autres systèmes de microfinance, ce sont les
résidents du village qui créent, possèdent et dirigent
ladite banque5. Ils élisent parmi eux un comité de
direction qui s'occupe de la gestion des opérations de la banque.
Certaines IMF ont utilisé ce même concept pour développer
de nouveaux services de microfinance.
Parmi les exemples les plus connus des ces IMF, FINCA
(Foundation for International Community Assistance) a
été créée en 1984 par John Hatch. Cette
fondation fait figure de pionnière dans le microcrédit de type
Village Banking. Un groupe de type village banking est
constitué de 10 à 15 membres auquel FINCA accorde un
crédit qui sera géré de manière autonome par des
groupes comportant 70% de femmes6. Le groupe décide
lui-même du montant à accorder à chaque membre et s'occupe
aussi de la gestion du recouvrement.
Ce modèle a été récemment
répliqué dans plusieurs pays pour encourager l'entrepreneuriat de
régions rurales et quartiers à faible revenu d'Amérique
latine, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie (Westley 2003, Nelson et
al. 1996, cités par Lavoie, 2009). Contrairement au
prêt de groupe, l'objectif de ce prêt est d'aboutir à la
constitution d'une institution de prêt autonome et
autogérée par ses membres dans un horizon de 3 ans
(Waterfield et Duval, 1996).
4 Traduction personnelle pour village banks
5 Informations tirées du Handbook for Village Bank
Management Committees and Support Organizations, 2008, publié par
la International Labour Organization, bureau régionale pour
l'asie de l'est. Disponible en ligne sur le site de l'organisation
http://www.ilo.org/ visité le 10 avril 2013.
6 Site web de l'organisation : http://www.finca.org/ ,
section Microfinance and Village Banking, visité le 02
décembre 2012.
Chapitre 3 : La microfinance 25
iv. Le prêt de groupe
Plusieurs banques de microfinance offrent des prêts de
groupe. Nous pouvons citer BancoSol (Bolivie) et la Grameen Bank (Bengladesh)
comme exemples. L'approche des prêts de groupe est différente de
celle des prêts individuels traditionnels, puisqu'elle a pour objectif de
compenser le manque de capital à offrir en garantie par les individus,
et de réduire le contrôle de la banque sur les emprunteurs
(Acevedo, 2007). Lorsqu'un emprunteur s'inscrit à un prêt
de groupe, aussi appelé prêt de solidarité, il rejoint
d'autres personnes pour lesquelles l'emprunt se fait de manière
conjointe. L'ensemble du groupe est ainsi responsable du remboursement de la
totalité de l'emprunt, de sorte que si une personne fait défaut
de payer, tout le groupe se verra refuser un emprunt futur et ce,
jusqu'à la couverture totale du montant (Yunus et Weber,
2007).
La formule la plus communément utilisée du
prêt de groupe s'applique à des groupes de 3 à
6 personnes (Acevedo, 2007). Ils ont en
général des taux de remboursement plus élevés que
les prêts aux individus puisqu'en cas de défaut de paiement de
l'un des membres, celui-ci se retrouve couvert par d'autres membres (Mitra,
2007). Pour mieux comprendre la distinction entre le prêt de
groupe et les prêts traditionnels (prêt individuel), le tableau
suivant présente les caractéristiques principales de chacun :
Caractéristiques distinctives
|
Prêt de groupe
|
Prêt individuel
|
Clients cibles
|
Groupes composés de 5 à 90 membres
|
Individus
|
Garantie pour l'emprunt
|
Prêt garanti par les pairs (mécanisme
de pression sociale)
|
Collatéral (co- signataire, actifs physiques)
|
Importance en Microfinance
|
Prédominant
|
Moins commun
|
Principales différences entre le prêt
de groupe et le prêt individuel7
7 Tableau tiré du mémoire de Frédéric
Lavoie, Conditions facilitating the replication of microcredit
methodologies, 2009, HEC Montréal
Chapitre 3 : La microfinance 26
v. Conclusion
Acevedo (2007) note trois principaux apports des
prêts de groupe à la société. D'abord, la
performance du marché financier local est améliorée
puisque les taux de remboursement augmentent et sont plus constants. De plus,
ceux-ci viennent réduire l'asymétrie de l'information et les
coûts de transaction, permettant aux banques d'offrir des taux
d'intérêts plus avantageux. Enfin, les prêts de groupe
créent un capital social et un réseau de contacts entre les
emprunteurs.
Quant aux ROSCAs, des modèles microfinanciers
similaires sont nés pour répondre à certains besoins dans
les communautés rurales et à moindre revenu (Van Bastelaer,
1999). Ils sont issus de groupes socialement interconnectés et exclus du
système financier commun (Besley, Coate et Loury, 1993, cités par
Van Bastelaer, 1999). Néanmoins, ces modèles ne constituent pas
des solutions suffisantes puisqu'on peut observer, par exemple, des situations
où des agents de crédit d'IMF accordent des prêts à
des taux plus élevés aux femmes sans raisons valables, et ce
malgré la transparence des procédures de l'institution. De tels
obstacles relèveraient davantage de préjugés culturels
quant à la capacité de la femme à être
financièrement autonome.
En conclusion, la microfinance pourrait être
identifiée comme une industrie non pas créée au
20ème siècle, mais plutôt
découverte et rendue populaire au 20ème
siècle. En effet, comme nous l'avons vu et nous continuerons de le voir
plus tard dans notre étude, elle semble issu du rassemblement de
plusieurs outils et méthodologies financières informels,
créés pour répondre aux besoins d'une population à
moindre revenu. Ces outils et méthodologies de gestion auraient donc
inspiré la naissance des institutions de microfinance modernes.
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