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Analyse sociopolitique de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso: Cas de l'université de Ouagadougou

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par SIDI BARRY
Université de Ouagadougou (UO) - DEA Droit Public: Option: Science Politique 2011
  

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DEUXIEME PARTIE : FACTEURS SOCIAUX ET POLITIQUES DE LA CRISE DE L'ENSEIGNEMENTSUPERIEUR

CHAPITRE 1 : LES DÉTERMINANTS SOCIAUX DE LA CRISE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

SECTION 1 : LA PRÉCARITÉ DES CONDITIONS SOCIALES D'EXISTENCE ET D'ÉTUDE DES ÉTUDIANTS

L'enseignement supérieur au Burkina Faso est resté pendant longtemps public et entièrement pris en charge par l'Etat. En effet, le fonctionnement de l'administration, la construction des Amphithéâtres, des salles de cours, le recrutement des enseignants, l'équipement des laboratoires et des bibliothèques, la restauration, l'hébergement et enfin les allocations d'études étaient assurés par l'Etat. De ce fait, le sort de l'Université était étroitement dépendant de celui de l'Etat. Or, la crise économique depuis les années 1990 qui a engendré l'application des mesures du PAS a réduit considérablement son intervention dans le secteur public. Par exemple, alors qu'en 1989, 98 % des étudiants étaient boursiers, cette proportion est tombée à 7,2 % en 200837(*).

La réduction du budget alloué à l'enseignement supérieur et l'application de la politique du « tout primaire » prônée par les institutions de Bretton Woods a conduit non seulement à la « clochardisation » des étudiants et des enseignants.

PARAGRAPHE 1 : LA DÉGRADATION DES CONDITIONS DE VIE

Autour des années 1970 et 1980, les principales causes des grèves à l'Université de Ouagadougou tenaient plus à des motivations idéologiques que sociales. Mais pour des raisons d'ordre sociologique cette tendance s'est inversée au cours des deux dernières décennies.

En effet, l'origine sociale, le revenu, les conditions matérielles d'existence produisent des effets générateurs de comportements et des attitudes qui orientent les choix politiques et idéologiques des étudiants. Ces caractéristiques sociales unissent les étudiants et déterminent leur rapport à la contestation. Par ailleurs, ces facteurs sociaux président non seulement à l'émergence d'une conscience estudiantine mais expliquent aussi la participation de ces derniers à l'espace syndical et aux actions protestataires visant une amélioration de leur condition de vie et d'étude. Cette précarité de la situation des étudiants joue un rôle majeur dans l'engagement syndical de ces derniers.

Les remous sociaux ont commencé sur le campus depuis que l'Etat Burkinabé s'est progressivement désengagé des secteurs sociaux de base suite à l'application des mesures du PAS. Cette réduction des ressources financières accordées à l'enseignement supérieur a eu pour conséquence non seulement la dégradation rapide des conditions de vie des étudiants mais aussi une montée de la contestation autour des plates-formes de luttes liées à l'amélioration de leur vécu social.

Pour cet enseignant de l'UFR SEG38(*) : « Il s'agit d'une situation de crise qui n'est pas spécifique à l'Université de Ouagadougou mais qui frappe la plupart des universités francophones en Afrique de l`ouest qui ont calqué le modèle français. L'enseignement supérieur coûte cher et nos Etats allouent un faible budget à l'enseignement supérieur et un peu partout en Afrique, ce budget ne dépasse pas les 30%. Dans notre pays le discours officiel parle de 20% mais dans la réalité cela vaut à peine 12% ».

Un responsable d'un syndicat enseignant affirme que l'origine de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso est liée à la réduction des financements publics dans ce secteur. En effet, selon lui: « La situation n'est pas reluisante et il est difficile que nous puissions nous en sortir avec ce défaut criard de financement. Par exemple, entre 2000 et 2005 l'Université de Ouaga recevait un financement qui tournait autour de 5 milliards par an. Entre 2005 et 2007, théoriquement il ya eu une petite augmentation qui était de 500 millions mais la présidence de l'Université de Ouagadougou recommandait que le gouvernement prenne en charge un certain nombre de dépenses notamment l'eau et l'électricité. Il fut un moment ou Madame la présidente Nacoulma demandait qu'on fasse la part des choses entre les salaires versés et le budget car dans les 5 milliards il y avait les salaires des enseignants et le personnel. Alors quand on sait que les salaires prenaient les 2/3 du budget et cela veut dire que c'est le tiers qui était utilisé pour le fonctionnement de l'UO. Si vous prenez le cas de l'université de Bobo, il fut un moment où leur budget atteignait à peine 100 millions de telle sorte qu'il fut une année et je crois que c'est en 2008 où les enseignants avaient déposé la craie parce qu'ils ont protesté. Quand je dis qu'ils ont déposé la craie, il n'y avait même plus de craie à déposer ». 39(*)

A. La réduction des allocations d'études et la paupérisation de la masse estudiantine

« Dans les années 90, la plupart des pays africains ont adopté des programmes d'ajustement structurel qui ont mis l'accent sur la réduction des dépenses publiques. Ils ont ainsi réduit les budgets de l'éducation, éliminé les aides aux étudiants et dévalué leurs monnaies, suivant ainsi les convictions de la Banque mondiale selon lesquelles l'enseignement de base était socialement plus rentable (26%) que l'enseignement secondaire (17%) et supérieur (13%) et donc plus à même de réduire la pauvreté »40(*).

La conséquence directe de l'application des mesures du PAS est qu'« en 1989, 98 % des étudiants étaient boursiers, cette proportion est tombée à 36 % en 1997 puis 16,5 % en 1999 et à 7,2 % en 2008. Certes, près d'un étudiant sur trois bénéficie d'une aide, mais non seulement cette aide est loin de couvrir les besoins des bénéficiaires mais elle ne concerne que le premier cycle et s'arrête par conséquent au moment où les besoins augmentent avec l'accroissement du niveau académique ». 41(*)

Donc, l'identification du statut d'étudiant à celui de boursier a été remise en cause avec l'imposition des mesures du PAS qui a entraîné le contingentement des bourses et l'institutionnalisation de l'aide et du FONER. En effet, l'année 1991/1992 a vu non seulement l'application de la mesure du contingentement de la bourse mais aussi la diminution du taux de celle-ci qui passe désormais de 37500 F/mois en (1ère année) à 27500 F/mois.

La bourse qui constituait la principale source de revenus des étudiants a été progressivement remplacée par le système de prêt et d'aide au grand mécontentement de ces derniers.

Cette situation a eu pour conséquence le faible revenu et la baisse du pouvoir d'achat des étudiants dans un contexte général d'inflation plongeant ces derniers dans une situation de précarité et de vulnérabilité. Ils sont désormais exposés à toutes sortes de maux sociaux,  à savoir le chômage, les problèmes de logement, le dénuement matériel, la prostitution, les maladies et la délinquance.

Rappelons que l'origine sociale modeste et la faiblesse du capital social et économique a pour corollaire l'accentuation de la paupérisation et la vulnérabilité de la masse estudiantine d'autant plus que de nombreux étudiants sont issus des couches sociales défavorisées.

D'ailleurs, cette paupérisation croissante des étudiants est dénoncée par l'ANEB qui déclare que : «Par un jeu de prestidigitateur, le gouvernement burkinabè retire chaque année 500 bourses en faisant croire qu'il attribue 500. En corollaire, le restaurant universitaire a été privatisé entraînant une baisse de la qualité des repas. Le nombre de lits en cité universitaire est de 700 lits pour environ 8500 étudiants, soit une couverture en logement de 8%, le système de transport est inexistant. Le service de santé est réservé uniquement aux 19% des boursiers»42(*).

Et un enseignant en fait l'analyse suivante43(*) : « Théoriquement on donne entre 500 et 1000 bourses chaque année alors qu'on enregistre entre 15000 et 20000 nouveaux bacheliers. Donc, cela est insuffisant. La conséquence est que les étudiants sont dans la pauvreté. Ceux qui ont des parents qui peuvent les soutenir viennent à l'université et ceux qui sont issus de familles démunies restent à la maison. Et on remarque que la tendance actuelle au niveau de l'université s'inverse car dans les années 1980 c'était les fils de paysans qui étaient les plus nombreux. Mais de nos jours cette tendance s'inverse car les fils de paysans qui n'ont pas un parent qui peut les supporter à Ouaga ne peuvent plus venir à l'université car il ne suffit pas de payer les 15000F mais il faut aussi vivre à Ouaga. On remarque plutôt que ce sont les enfants de la petite bourgeoisie qui viennent s'inscrire à l'Université de Ouagadougou et qui attendent l'aide ».

En outre, l'éloignement des parents d'étudiants dont la plupart vivent soit à l'étranger ou à l'intérieur du pays constitue un obstacle à leur épanouissement socio-affectif. Cela aussi réduit le soutien économique dont ceux-ci peuvent bénéficier de la part des parents. Dans ces conditions, les réseaux d'amitié et de camaraderie dans lesquels les étudiants sont inscrits apparaissent comme les seuls canaux par lesquels ces derniers, confrontés à des difficultés d'ordre financier, matériel et moral, passent pour trouver des solutions à leurs problèmes.

Et l'Etat reste impuissant face à la résolution de ces difficultés comme en témoigne les propos du Ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique qui déclare que : « Certes au plan humain, je peux être sensible au sort d'un étudiant laissé à lui même, mais il faut que les uns et les autres sachent que l'Etat n'est pas un organe de pitié qui fait du messianisme.....Si j'étais un cousin de Bill Gates, cela aurait pu se faire, mais en entendant, je suis responsable d'un département et à ce titre, je ne peux pas prélever des sommes n'importe comment.»44(*)

Ainsi, la précarité de la situation socio-économique a toujours joué un rôle déterminant dans la mobilisation et l'engagement syndical des étudiants d'où l'étiquette de `'syndicats corporatistes'' collée aux syndicats estudiantins.

Et la persistance de la revendication du maintien de la bourse et l'augmentation des allocations d'étude montre le rôle incontournable de celles- ci dans le quotidien des étudiants et dans les mobilisations estudiantines.

* 37Fernand SANOU, Maryvonne CHARMILLOT, l'éducation supérieure dans les politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009, P15

* 38 Entretien avec O.M enseignant à l'UFR SEG ; le12/02/2011

* 39 Entretien avec S.M responsable du SYNDEC ; le 13/02/2011

* 40Fernand SANOU, Maryvonne CHARMILLOT, l'éducation supérieure dans les politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009, P10.

* 41 Idem, P15.

* 42 Etudiant burkinabè, novembre 1999, n°26.

* 43 Entretien avec M.S enseignant à l'UFR/SH; le 20/02/2011

* 44 Le Pays du Lundi du 31 Mai 2004 ; n°3135

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand