CONCLUSION.
Au terme de cette réflexion sur l'action corporative au
Burkina Faso, trois points nous paraissent essentiels. Il s'agit d'abord de
l'action corporative et des libertés publiques, ensuite de l'action
corporative et le contentieux administratif et, enfin de l'avenir de l'action
corporative au Burkina Faso
L'action corporative est longtemps apparue comme une menace
potentielle aux libertés publiques. Elle a longtemps été
perçue notamment en France comme une ingérence de personnes
privées dans les affaires publiques. Mais, l'action corporative va
s'imposer à la puissance publique comme un moyen efficace de
contrôle de l'action administrative et de ce fait comme un moyen de
garantir les libertés publiques. Depuis, l'action corporative sera
souhaitée voir même encouragée. Cependant avec le
phénomène de foisonnement des groupements, associations et
syndicats de tout genre, partout dans le monde, une crainte légitime est
née dans les Etats : celle de voir leurs actions embrigadées
ou prises en otage par les divers systèmes corporatifs, minimisant de ce
fait leur rôle avant-gardiste de garants des libertés publiques.
Désormais, chaque parcelle de la vie sociale est susceptible
d'être transformée en un intérêt, objet de
regroupement d'une catégorie socioprofessionnelle donnée en
association, syndicat et autre.
L'action corporative en tant que symbole de la lutte de chaque
corporation pour la défense de ses intérêts
matériels ou moraux propres ou ceux de ses membres pris collectivement
ou individuellement, est l'expression même de leur raison d'être.
Cette raison d'être a pour leitmotiv la liberté dans ses
composantes : libertés individuelles, libertés publiques et
enfin droits sociaux et économiques.
Ainsi serait-on tenté de dire que chaque action
corporative qui a obtenu gain de cause, fait un pas en avant vers une
liberté publique de plus en plus grande, dans la mesure où cette
liberté serait mieux comprise et aurait permis de ce fait aux
corporations et à leurs membres d'en tirer tous les profits qu'ils sont
en droit d'attendre.
Ce succès apparent de l'action corporative ne doit
cependant pas cacher les interventions souvent arbitraires des associations
dans le contentieux administratif individuel, pour prendre faits et causes au
profit des individus en leur lieu et place, sans mandat de leur part. Cette
tendance à empiéter sur les prérogatives individuelles est
déplorable, dans la mesure où elle remet en cause les
libertés individuelles et le droit de la défense, essentiel aux
particuliers. Les associations n'ont pas le monopole de l'action en justice.
Heureusement d'ailleurs ! Elle devrait en prendre conscience et
tempérer leurs excès de zèle, au risque de constituer des
obstacles sérieux à l'exercice des droits et libertés
individuelles.
Avec l'apparition des droits de troisième
génération (droit à l'information, à la paix, a un
environnement sain ...), le développement des droits de l'homme et le
phénomène de la mondialisation, l'action corporative va
s'internationaliser, ouvrant ainsi la possibilité pour les associations
et syndicats de saisir les cours et tribunaux institués dans le cadre
d'institutions à vocation économique, politique ou sociale,
internationale, régionale ou sous régionales. En d'autres termes,
c'est la défense des libertés publiques à l'échelle
planétaire.
Le contentieux administratif à travers le recours pour
excès de pouvoir et le recours de plein contentieux rend à
l'action corporative toute sa noblesse et cela, à un double niveau.
Premièrement, le contentieux administratif permet,
à travers le contentieux de l'excès de pouvoir, de faire un
procès à un acte. C'est un contentieux qui a pour objet la
sauvegarde de la légalité. De même à travers le
plein contentieux, le contentieux administratif permet de mettre en cause la
responsabilité de la puissance publique à travers les actes que
celle-ci pose, mais surtout d'obtenir la réparation de préjudices
incombant à cette dernière.
Deuxièmement, l'action corporative n'est pas à
elle seule, l'unique type d'action capable de provoquer un contentieux
administratif. Seulement, les interférences quasi continuelles entre les
intérêts corporatifs et l'intérêt
général d'une part et le soutien d'une telle initiative à
la fois par plusieurs adhérents (et les sympathisants
éventuellement ) d'autre part, donnent à l'action corporative un
éclat assez singulier qui surpasse toute autre forme d'action devant le
juge administratif, à travers bien entendu, le contentieux de
l'administration. Elle n'en pourrait que mieux se porter.
L'action corporative au Burkina Faso est très souvent
liée à l'action des syndicats devant le juge administratif
burkinabé qu'à celle des associations ou autres groupements de
personnes. Cela vient du fait que les syndicats sont apparus très
tôt dans le champ social et ont très vite pris conscience de la
préciosité de l'action corporative comme forme d'action par
excellence pour défendre leurs intérêts moraux et
matériels et, ainsi garantir leur indépendance vis-à-vis
de l'administration. Ainsi, l'action corporative a longtemps et majoritairement
été exercée par les syndicats jusqu'à une
période récente. Dès lors il y a eu des périodes de
notre histoire ou elle a semblé se raréfier. Cela est du au fait
que durant la période révolutionnaire la liberté
d'association n'existait quasiment pas.
Aujourd'hui, l'action corporative n'est plus l'apanage des
seuls syndicats ; tous les groupements se sont appropriés cette
action. Il reste maintenant à souhaiter qu'il en fasse un bon usage. Un
effort remarquable est entrain d'être accompli par le gouvernement
burkinabé dans le sens de fournir à tous les justiciables les
mêmes chances d'avoir accès aux tribunaux et de se voir rendre une
justice de qualité ; toute chose qui est de nature à
favoriser l'action corporative.
Avec les multiples remises en question de la justice au
Burkina ces dernières années, force est de constaté que
les citoyens s'intéressent encore plus à l'institution,
commencent à comprendre ses mécanismes et prennent conscience de
la nécessité dans une société résolument
tournée vers la modernité, de la préciosité d'un
tel instrument pour faire valoir leurs droits. Aussi pourrions affirmer sans
hésitation que l'action corporative est promise à un bel avenir
au Burkina, à condition que ses principaux animateurs fassent les leurs
les questions de son efficacité.
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