II. 1999 : Instauration d'une REOM au volume du bac85
et mise en place de la collecte sélective
A Besançon, la décision du passage d'une TEOM
à une REOM au volume du bac en 1999 pour le financement du SPED est
directement liée à la volonté de réduire les
investissements dans des mises aux normes environnementales de plus en plus
onéreuses des usines d'incinération. Clairement, la
municipalité souhaite trouver des alternatives à
l'incinération d'autant plus que, dans un contexte marqué par la
mise en place d'une collecte sélective, le recyclage semble promis
à un bel avenir. L'enjeu est donc de transférer une partie des
tonnages de l'incinération vers le recyclage afin de maîtriser les
coûts croissants de traitement auxquels est confrontée la
municipalité. Cependant, le recyclage ne permettant pas de traiter un
volume important d'ordures ménagères, surtout dans les
premières années de la collecte sélective, la construction
d'un nouveau four est rendue nécessaire, d'autant plus que le
84 Ibid.
85 Cette redevance d'enlèvement des ordures
ménagères (REOM) était déjà incitative dans
la mesure où son montant variait en fonction de la production de
déchets (volume du bac). Cependant, avec l'instauration en 2012 d'une
redevance prenant également en compte le nombre de levées et le
poids de déchets produits, nous assistons à un déplacement
sémantique opéré par les élus et techniciens de la
CAGB quant à la définition de la « redevance incitative
». En effet, selon eux, la REOM au volume du bac instaurée depuis
1999 ne mérite plus aujourd'hui l'appellation « incitative »
car elle ne traduit que grossièrement la quantité de
déchets produits par chaque ménage par rapport au nouveau
système. C'est pourquoi nous utiliserons prioritairement le terme «
REOM au volume du bac » pour désigner le mode de financement du
SPED appliqué entre 1999 et 2012 et le terme « redevance incitative
» pour nommer celui en vigueur depuis le 3 septembre 2012.
41
premier qui a été construit en 1971 arrive en
fin de vie. En 2002, la nouvelle Unité d'Incinération des Ordures
Ménagères (UIOM) entre en fonctionnement et la plus ancienne est
arrêtée. Parallèlement, la loi dite «
Chevènement » de 1999 élargit les compétences de
l'intercommunalité, ce qui constitue un moment opportun pour mutualiser
la réflexion et les décisions avec les territoires voisins
concernant les solutions de traitement à privilégier. C'est ainsi
qu'est créé le Syndicat mixte de Besançon Et sa
Région pour le Traitement des déchets (SYBERT). Cette
coopération intercommunale renforce l'impératif de transparence
des coûts du SPED, et notamment du traitement. Seul un système de
REOM peut assurer cet objectif de transparence via la création d'un
budget annexe86. Enfin, l'instauration de la REOM implique un
changement de statut du SPED, qui passe d'un Service Public Administratif (SPA)
prélevant le coût de la prestation sur les contribuables à
un Service Public Industriel et Commercial (SPIC) facturant cette charge aux
usagers. Dès lors, il est nécessaire de définir un
système de « compteur »87, qui puisse mesurer la
quantité de déchets produite par chaque ménage afin de
servir d'assiette de facturation, et de mettre en place un système pour
recenser l'ensemble des futurs redevables, deux conditions difficiles à
satisfaire et qui sont des freins majeurs à l'instauration d'une
redevance. Or, la ville disposait déjà d'un fichier des
redevables puisqu'elle avait gardé la maîtrise du parc de
conteneurs en louant les bacs aux particuliers depuis 1975 et facturait cette
location en fonction du volume du bac. C'est donc assez naturellement que la
solution d'une redevance au volume du bac fut retenue.
Cependant, ce basculement vers une REOM n'était pas
sans poser un certain nombre de problèmes, notamment au niveau de
l'habitat collectif. En plus de l'impossible individualisation de la facture
d'ordures ménagères dans ce type d'habitat88, «
la redevance modifie le paradigme financier du service en le faisant passer
d'un principe d'égalité de la contribution vers un principe
d'équité »89. Assurément, la TEOM
comportait une dimension d'action sociale puisque celle-ci était assise
sur la taxe foncière et donc calculée en fonction de la valeur du
logement occupé : une famille nombreuse résidant dans un logement
HLM exigu s'acquittait d'une taxe d'un montant moins onéreux qu'une
personne seule résidant dans
86 Le passage à une REOM suppose que le mode
de financement du SPED soit dissocié de la taxe foncière, ce qui
clarifie les modalités de répartition des coûts et des
recettes du SPED.
87 La métaphore du compteur prend appui sur
le fonctionnement d'autres services publics à caractère
commercial tels que l'eau ou l'électricité.
88 En habitat collectif, les bacs sont communs aux
résidents d'un même immeuble. L'usager du SPED est donc le
bailleur (social ou privé) ou le syndic qui prélève des
charges aux habitants selon leur quote-part (généralement au
tantième) et non selon leur production d'ordures
ménagères. Le caractère incitatif de la redevance est donc
dilué.
89 BÉNARD François, « Gestion
des déchets et développement de la redevance incitative : exemple
de transformation du modèle économique d'un service public
», in Flux, 4/2008 : n° 74, p. 32.
42
une grande maison. En liant directement la facture de l'usager
à sa production de déchets, ce sont les ménages les plus
fragiles qui risquent d'être pénalisés par ce nouveau
système. Cette limite constitue ce que nous pouvons appeler le «
dilemme de la RI » et se situe au coeur des enjeux de la construction de
la grille tarifaire (conciliation du principe d'équité et du
principe d'égalité). En adoptant une grille tarifaire
dégressive en fonction du volume du bac de l'usager pour rendre,
proportionnellement, moins onéreux les grands conteneurs
(utilisés en habitat collectif) par rapport aux petits (utilisés
en habitat individuel), les élus conservent une forme de
solidarité dans la contribution des usagers au financement du
SPED90. L'objectif de cette modulation est de modérer les
augmentations de facture que peuvent connaître les usagers lors du
passage de la TEOM à la RI et ainsi d'assurer l'acceptabilité
sociale du nouveau système. Toutefois, cette modulation atténue
le caractère incitatif de la REOM pour l'usager puisque le montant de sa
facture risque d'être moins lié à la quantité de
déchets produite qu'au type de logement qu'il occupe.
Simultanément à l'instauration de la REOM au
volume du bac, la collecte sélective a été mise en place
de façon processuelle, quartier par quartier, par les conseillers du
tri. Ceux-ci effectuaient à la fois une mission opérationnelle
(enquêtes de terrain auprès des bailleurs sociaux et des gardiens,
installation des bacs jaunes) et une mission d'accompagnement (communication
écrite via la distribution de « mémotri » et affichage,
communication de proximité par le biais de porte-à-porte ou
d'animations en pied d'immeuble). Lorsque la collecte sélective a fini
d'être développée sur tout le territoire de la ville de
Besançon en 2004, les conseillers du tri ont pérennisé
leur rôle d'agents de terrain par le suivi d'indicateurs techniques
rendant compte des performances du nouveau système (taux de
présentation, taux de tri), l'intervention en cas d'incidents de
collecte (déchets non conformes, bacs non conformes, bacs
vandalisés, manque de volume, difficultés d'accès de la
benne à ordures ménagères, etc.), la communication de
proximité et la formation d'acteurs concernés par la mise en
place du tri (gardiens, personnels scolaires...). Dans les faits, l'action des
conseillers du tri s'est partiellement détournée de l'habitat
social collectif, faute de collaboration établie entre les services de
la ville et les bailleurs sociaux, pour se focaliser davantage sur le logement
individuel et les copropriétés plus aptes à
coopérer à la collecte sélective. Cette tendance s'est
renforcée en 2006 avec le passage à l'échelle
communautaire de la compétence « collecte des déchets
». Les conseillers du tri ont alors été mobilisés en
tant qu'interface de terrain pour aider à l'harmonisation des
modalités de collecte sur les 59 communes que
90 Cf. Annexe 2, Graphique 1 : Grille tarifaire de la
REOM pour l'année 2000. Ville de Besançon.
43
compte le Grand Besançon (enquêtes pour
actualiser le fichier des redevables, harmonisation des conteneurs,
communication auprès des usagers sur la modification éventuelle
du nombre de collectes ou des consignes de tri, etc). Bien que des actions
étaient mises en oeuvre en habitat social collectif, celles-ci restaient
conditionnées aux possibilités de collaboration avec les
bailleurs sociaux et d'ajustements empiriques des gardiens. Souvent,
l'adhésion et l'appui des gardiens à l'action de conseillers du
tri permettait la mise en place du tri in situ par les agents de
terrain pour pallier au manque de formalisation des modalités de
collaboration entre les bailleurs sociaux et les services municipaux.
|