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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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Chapitre 3 - La gestion des déchets ménagers à Besançon

I. Mémoire locale

Pour mieux comprendre le contexte institutionnel dans lequel s'ancre la gestion des déchets à Besançon, il est nécessaire de s'intéresser à la « mémoire locale » de la gestion des déchets ménagers76. D'une façon générale, nous pouvons d'abord repérer certains traits caractéristiques non exhaustifs qui dessinent l'ethos de la ville en matière de politiques environnementales :

· La tradition socialiste de la mairie de Besançon a permis d'assurer un « continuum politique » favorable au développement de projets fédérateurs et novateurs en matière de développement durable77 ;

· Le rapport très singulier de la ville de Besançon à l'environnement : avec ses sept collines verdoyantes et le Doubs, Besançon est résolument une ville ouverte sur la nature qui promeut son statut de « première ville verte de France » accordé à diverses reprises par des enquêtes de quotidiens français ;

· La promotion de Besançon comme terre d'innovation, tant sur le plan technique que sur le plan social78.

En fait, à travers l'instauration de la redevance incitative, nous assistons aussi à la démonstration de l'exemplarité et à l'affirmation de l'identité singulière de la commune de Besançon.

Afin de retracer, plus spécifiquement, l'émergence et la structuration du SPED bisontin nous nous appuyons principalement sur les travaux de Denis Guigo79. Ce bref rappel

76 « L'action publique en développement durable s'inscrit dans des espaces de contraintes, qui ne correspondent pas uniquement à des variables socio-politiques (tel le portage des dossiers par les élus) mais aussi à des éléments morphologiques ou socio-économiques, portant la trace d'un certain passé, de longue durée, qui imprègne le territoire. ». HAMMAN Philippe, BLANC Christine, op. cit., p. 195.

77 La REOM au volume du bac a été instaurée en 1999 lorsque Robert Schwint était maire (1977-2001) et Jean-Louis Fousseret a pris la relève et même prolongé la démarche entamée sous son prédécesseur en instaurant une redevance incitative au poids et à la levée en 2012.

78 Jusqu'en 2005, le slogan qui figurait sur le logo de la ville était « Besançon l'innovation ». La capitale comtoise, forte de son passé horloger, s'est spécialisée dans les microtechnologies. Elle s'enorgueillit également du terreau d'innovation sociale que constitue son territoire, notamment à travers la création, en 1968, d'un Minimum Social Garanti préfigurant le Revenu Minimum d'Insertion qui ne sera mis en place que 20 ans plus tard au niveau national. Dans le même ordre d'idée, Besançon fait aussi figure de précurseur en matière d'Insertion par l'Activité Economique grâce à l'invention des « Jardins de Cocagne » sur ses terres de Chalezeule en 1991.

79 GUIGO Denis, « Sisyphe dans la ville. La propreté à Besançon au fil des âges », in Les Annales de la Recherche Urbaine, Décembre 1991 : n° 53, p. 46-57

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historique nous permettra de mieux appréhender le poids de la « mémoire locale » en matière de gestion des déchets. Jusqu'au milieu du XIXème siècle, le nettoyage des rues de Besançon s'effectue de façon informelle grâce au travail d'indigents employés par la Ville et de paysans collecteurs qui rachètent les boues urbaines pour les revendre en tant que fertilisant à la campagne. La qualité de ces boues se dégradant avec la présence croissante de déchets inertes, elles n'intéressent plus autant les campagnes périphériques et ce système tend à s'effriter pour déboucher sur une gestion en régie de ces excreta urbains à partir de la fin du XIXème siècle. Cependant, une réelle gestion publique, disposant de moyens conséquents, peine à se mettre en place du fait de l'hostilité des bisontins au paiement d'une taxe servant au financement de ce service80. C'est en 1927 qu'une taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est instaurée en application de la loi du 13 août 1926 qui autorise désormais les communes à prélever le contribuable pour assurer la propreté des rues. Malgré cela, il faudra attendre le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour que le service municipal de gestion des déchets se modernise enfin avec l'achat de « sept modernes camions-bennes électriques, dont quatre bennes tasseuses de 15m3 »81. Le gisement des ordures, ne faisant plus du tout l'objet d'une valorisation dans l'agriculture, est traité par une mise en décharge. La décharge municipale82 s'apparente à un dépotoir sauvage sur lequel on brûle les monticules de déchets afin de gagner de l'espace de stockage, ce qui faisait dire à Jean Minjoz, alors maire de la ville, que ce brasier produisait « un panache de fumée qui permettait aux aviateurs et à beaucoup d'autres voyageurs de localiser la ville de Besançon »83. En 1966, le site est transformé en « décharge contrôlée », ce qui consiste à entreposer les ordures par couches successives entre lesquelles on parsème de la terre. En 1971, Besançon ouvre sa première usine d'incinération, ce qui conduit à un transfert d'une partie des tonnages de la mise en décharge vers ce nouveau procédé de traitement. Cette unité d'incinération valorise la chaleur produite par la combustion des ordures bisontines en chauffage urbain qui alimente le jeune quartier de Planoise et, à partir de 1984, le nouvel hôpital. Avec la loi de 1975, la ville de

80 « Une entreprise locale de transport, la société des Monts-Jura, a d'ailleurs proposé en 1921 de prendre en charge l'enlèvement des ordures ménagères, ainsi que le nettoiement de la ville, pour 485 000 F par an. L'importance de la somme - près de 10 % du budget - fait reculer la municipalité qui décide finalement de concéder pour quinze ans aux Monts-Jura l'enlèvement des ordures ménagères par camions-bennes avec couvercle à charnières. Le coût de la prestation, évalué à 185 000 F par an, y compris l'entretien d'une décharge, aurait été couvert par une taxe perçue par poubelle : 50 F par an pour une poubelle de 15 litres correspondant aux besoins d'un ménage (la poubelle étant fournie par la Ville). Mais ce projet ne fut pas mis à exécution ; les variantes proposées ensuite par d'autres sociétés non plus. ». Ibid., p. 53.

81 Ibid.

82 Cette décharge se situait sur l'actuel Centre technique municipal où se trouvent aujourd'hui, entre autres, les locaux de la direction gestion des déchets de la CAGB.

83 Ibid., p. 54.

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Besançon poursuit la modernisation de son SPED en uniformisant les conteneurs poubelle, jadis très disparates car le choix des récipients était laissé à l'appréciation des riverains. Ces bacs sont loués aux usagers et permettent un gain de temps sur les circuits de collecte grâce au système de basculement dans les camions-bennes. La location de bacs aux usagers constitue en quelque sorte les prémices de la redevance incitative puisque le prix de location varie en fonction du volume choisi par l'usager. La modernisation du SPED marque également l'intronisation du « "service complet" : l'éboueur prend le conteneur dans la cour ou le jardin de l'immeuble, le vide puis le remet en place. »84. Enfin, les grandes orientations données par la ville de Besançon à la problématique de la salubrité urbaine au début des années 1990 sont les suivantes : sensibilisation des usagers sur les enjeux de cette problématique ; amorce d'une réflexion intercommunale sur le traitement des déchets avec la création du Conseil des Communes du Grand Besançon en 1990 ; développement d'un réseau de déchèteries municipales (la première a été ouverte en 1984).

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