Les engagements internationaux des etats face aux changements climatiques, mythe ou réalité ?( Télécharger le fichier original )par Cléo MASHINI MWATHA Université de Limoges - Master 2 en droit international de l'environnement 2013 |
Section 2 : Des engagements précis et différenciés dans le cadre du Protocole de KyotoAu travers du Protocole de Kyoto, les Parties au régime climat ont pris divers engagements afin de « stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique »19(*). Aussi, conviendrait-il d'en faire un bref descriptif (§1) et ensuite d'en relever l'apport dans les engagements des Parties à la CCNUCC (§2). § 1. Le Protocole de Kyoto à la CCNUCCLa CCNUCC, au regard de son caractère de convention-cadre ne contient pas d'engagements chiffrés et détaillés pays par pays, en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les États parties à la convention ont donc décidé, lors de la première conférence des Parties, qui s'est déroulée à Berlin en mars 1995, de négocier un protocole contenant des mesures de réduction des émissions pour la période postérieure à l'an 2000 pour les pays industrialisés. À la suite de longs travaux, le Protocole de Kyoto a été adopté. Celui-ci précise les engagements de réduction déjà pris par les Etats. Il convient, dans le cadre de la présente étude, d'en faire un bref descriptif et en préciser la nature, d'une part, et en relever les organes et les dispositifs qu'il met en place, d'autre part. 1. Présentation et nature juridique du Protocole de Kyoto Le Protocole de Kyoto, qui comprend 28 articles et 2 annexes, fut adopté le 11 décembre 199720(*) à la troisième Conférence des Parties à la CCNUCC (COP 3) à Kyoto au Japon, et concernait initialement les engagements pris pour la période allant de 2008 à 2012. A échéance, il a été décidé lors de la COP 18 tenue à Doha, de le proroger jusqu'en 202021(*). Le Protocole de Kyoto à la CCNUCC est aussi un instrument juridique contraignant au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. A la différence de la CCNUCC, il précise les engagements pris par les Parties dans la Convention-cadre afin d'en assurer le monitoring et la sanction en cas de non-respect. En effet, il est admis qu'il « représente un pas en avant important dans la lutte contre le réchauffement planétaire car il contient des objectifs contraignants et quantifiés de limitation et de réduction des gaz à effet de serre »22(*). Ce protocole de Kyoto partage le même objectif que la Convention, de même que ses principes et institutions, mais renforce de manière significative la Convention en engageant les Parties de l'Annexe I à des objectifs individuels, légalement contraignants, de réduction ou de limitation de leurs émissions de gaz à effet de serre23(*). Cependant, seules les Parties à la Convention qui sont également devenues Parties au Protocole (par ratification, acceptation, approbation ou accession), sont tenues par les engagements du Protocole. Les objectifs individuels des Parties de l'Annexe I sont listés dans l'Annexe B du Protocole de Kyoto. Ces objectifs constituent une réduction totale d'émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5% par rapport aux niveaux de 1990 durant la période d'engagement 2008-201224(*). Le Protocole de Kyoto tel que présentée a mis en place des dispositifs permettant l'atteinte de ses objectifs. 2. Les dispositifs du Protocole de Kyoto Le Protocole de Kyoto met en place deux types de dispositifs, à savoir : économiques et de contrôle (observance). 2.1. Les dispositifs économiques (appelés mécanismes flexibles) Ces mécanismes de flexibilités sont constitués par le trio mécanisme de développement propre (MDP), commerce d'émissions et application conjointe. 2.1.1. Le mécanisme de développement propre (MDP) Le mécanisme de développement propre (MDP), a été établi à l'article 12 du Protocole, à la suite notamment du constat selon lequel l'atmosphère continue à être menacée par le GES. C'est ainsi qu'il fallait au maximum faire participer au mieux les pays en développement n'ayant pas souscrits à des engagements contraignants. En effet, quoi que pour le Protocole de Kyoto les pays en développement ne représentent pas de danger pour le système climatique, ce qui justifie qu'aucune limitation d'émissions de GES ne leur soit imposée, « cela n'empêche pas que leurs émissions soient en croissance, surtout dans le cas des pays à taux de population élevé comme la Chine et l'Inde qui connaissent une rapide expansion de leur production industrielle »25(*). Ainsi, grâce au MDP, « le Protocole inclut des dispositions pour soutenir les réductions dans les pays non tenus par des objectifs d'émissions »26(*). Ce mécanisme « permet qu'un pays industrialisé de l'Annexe 1 du Protocole finance un projet dans un pays en développement afin de réduire les émissions de GES de ce dernier tout en contribuant à son développement durable. En contrepartie, le pays porteur du projet (ou l'investisseur ressortissant de ce pays) reçoit des crédits d'émissions qu'il pourra utiliser pour respecter son propre engagement de réduction »27(*). Le MDP intéresse aussi bien les pays riches que les pays pauvres et des mesures ont été prises pour le rendre opérationnel avant même l'entrée en vigueur du Protocole. Il est particulièrement rentable et offre un degré de flexibilité aux pays développés essayant d'atteindre leurs objectifs28(*). A côté de ce mécanisme, s'est également développé le commerce d'émissions. 2.1.2. Le commerce d'émissions Le commerce d'émissions institué par l'article 17 du Protocole au travers de la mise en place d'un marché de carbone permet « aux pays ayant épargné des unités d'émissions (nommées émissions permises mais non utilisées) de vendre cet excès aux pays ayant dépassé leurs objectifs d'émissions. Le marché du carbone est ainsi appelé car le dioxyde de carbone (CO2) est le gaz à effet de serre le plus largement produit et aussi parce que les émissions des autres GES sont enregistrés et comptabilisés en termes d'équivalent carbone. Ce marché est flexible mais réaliste »29(*). Ainsi, les pays ne remplissant pas leurs engagements ont la possibilité d'acheter le respect des engagements. Mais le prix peut en être prohibitif. Plus le coût est élevé, plus ils sentent la pression d'utiliser l'énergie de manière plus efficace, de faire des recherches et promouvoir le développement de sources alternatives d'énergie qui ont peu ou pas d'émissions »30(*). En substance, « les Etats industrialisés qui ont souscrit à des objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions vont recevoir des crédits qu'on appelle des « unités de quantité attribuée » (UQA). Un UQA correspond au droit d'émettre une tonne équivalent CO26 (teqCO2) dans l'atmosphère. Ainsi, la quantité d'UQA reçue par un Etat correspond au plafond d'émissions qu'il ne doit pas dépasser s'il veut respecter son objectif de Kyoto. Grâce au marché instauré par le Protocole de Kyoto, les Etats vont pouvoir s'échanger ces « UQA » mais dans la limite du plafond initialement fixé »31(*), tout comme ils peuvent opter pour une mise en oeuvre conjointe. 2.1.3. L'application conjointe L'application conjointe ou mise en oeuvre conjointe est un dispositif établi par l'article 6 du Protocole, et placé sous mandat du Comité de supervision de l'application conjointe. Ce dispositif vise l'assistance mutuelle des pays ayant des objectifs d'émissions. Cette application « permet aux pays développés d'atteindre une partie des réductions de gaz à effet de serre qui leur sont requises en finançant des projets qui réduisent les émissions dans d'autres pays industrialisés. Concrètement, ces projets consistent à construire des installations dans les pays d'Europe de l'Est et de l'ex-Union soviétique également appelés économies en transition. Les gouvernements offrant leur appui reçoivent des crédits qui peuvent être utilisés pour leurs objectifs d'émissions. Les pays receveurs gagnent en investissement étranger et en technologie avancée, mais pas en crédit pour leurs objectifs d'émissions. Ils doivent les acquérir par eux-mêmes. Le système a des avantages de flexibilité et d'efficacité »32(*). Précisons que le dispositif d'application conjointe « fonctionne de la même manière que le mécanisme précédent (le MDP) sauf que le projet doit avoir lieu entre deux pays industrialisés de l'Annexe 1 de la Convention »33(*). Toutefois, le recours à ces mécanismes de flexibilité doit être supplémentaire des actions des pays pour diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre sur leur propre territoire34(*). En effet, aux termes de l'article 17 du Protocole « tout échange de ce type vient en complément des mesures prises au niveau national pour remplir les engagements chiffrés de limitation et de réduction des émissions prévus dans cet article ». L'article 6.1.d renchérit en ces termes : « l'acquisition d'unités de réduction des émissions vient en complément des mesures prises au niveau national dans le but de remplir les engagements prévus à l'art 3 ». Outre les mécanismes de flexibilité, il a également été institué un mécanisme de contrôle dit d'observance. 2.2. Le mécanisme de contrôle (observance) Un mécanisme de contrôle, dit d'observance, est mis en place à la COP 7 de Marrakech, sur base de l'article 18 du Protocole de Kyoto. Cette disposition recommande à la Conférence des Parties d'approuver, lors de sa première session, des procédures et mécanismes pour déterminer et étudier les cas de non-respect du Protocole. Dès la COP 4 tenue à Buenos Aires en 1998, il est institué un groupe de travail commun à cet effet. Après des âpres négociations, c'est à la COP 7 que « les Parties adoptèrent une décision sur le régime du respect des dispositions du Protocole de Kyoto, l'un des plus détaillé et rigoureux sur la scène internationale. Le régime du respect des dispositions donne du caractère au Protocole de Kyoto, en facilitant, promouvant et en faisant respecter ses engagements »35(*). Ce dernier a été mis en place à Montréal en novembre 2005, à l'occasion de la 1ère conférence des Parties au Protocole de Kyoto et a pour objectif « de faciliter, de favoriser et de garantir le respect des engagements découlant du Protocole de Kyoto »36(*). Ce régime, que nous analyserons dans le chapitre suivant, consiste en un comité composé de deux branches, « à savoir: - une branche « facilitatrice » : chargée de donner l'alerte, par voie de recommandations et d'avis, aux Etats qui risquent de ne pas atteindre leur objectif. - une branche « coercitive » : chargée de sanctionner le non-respect des dispositions du Protocole (sanctions : suspension du droit de vendre des permis d'émissions, déduction de son autorisation à émettre pour la période suivante de 1,3 fois le nombre de tonnes avérées en dépassement, obligation de mettre en place un plan permettant de respecter, sous 3 ans, l'engagement souscrit) » 37(*). Plus généralement, le Protocole de Kyoto a instauré une obligation de surveillance de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre. Son article 5 § 1 prévoit que les Parties de l'annexe I doivent mettre en place des systèmes nationaux d'estimation de leurs émissions anthropiques. Des communications nationales, ayant pour objet de fournir des informations sur les politiques et mesures nationales de réduction des émissions, sont également requises38(*). Le Protocole de Kyoto tel que présenté précisé les engagements pris par les Etats dans la CCNUCC. * 19 Préambule CCNUCC * 20 Il « fut ouvert à la signature du 16 mars 1998 au 15 mars 1999 au siège des Nations Unies, à New York. A cette date, le Protocole avait reçu 84 signatures. Les Etats qui n'avaient toujours pas signé le Protocole de Kyoto pouvaient y accéder à tout moment. Aujourd'hui, on compte 192 Parties (dont 191 États et 1 organisation d'intégration économique régionale) : UNFCCC, Status of Ratification of the Kyoto Protocol, http://unfccc.int/kyoto_protocol/status_of_ratification/items/2613.php, consulté le 26/06/2013 * 21 Décision 1/CMP.8 prise conformément aux articles 20 et 21 du Protocole * 22 Protocole de Kyoto sur les changements climatiques, accessible sur : http://europa.eu/legislation_summaries/environment/tackling_climate_change/l28060_fr.htm, consulté le 11/02/2013 * 23 Les gaz à effet de serre dont les émissions sont visées sont : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbones (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC), l'hexafluorure de soufre (SF6) ; ceux-ci sont listés à l'annexe A du Protocole. * 24 Le Protocole de Kyoto, accessible sur : http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/items/3274.phpn, consulté en le 8/02/2013 * 25 UNFCCC, Le Mécanisme de Développement Propre, accessible sur : http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3297.php, consulté le 07/08/2013 * 26 Idem * 27 Réseau Action Climat France, Dix ans du Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives pour les négociations de l'après-2012, Paris, Novembre 2007, p.7, accessible sur : http://www.rac-f.org/IMG/pdf/10_ans_de_Kyoto.pdf, consulté le 30/07/2013 * 28 UNFCCC, Le Mécanisme de Développement Propre, op.cit. * 29 UNFCCC, Le Commerce d'émissions, http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3295.php, consulté le 26/06/2013 * 30 Idem * 31 Réseau Action Climat France, Dix ans du Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives pour les négociations de l'après-2012, art.cit, p.7 * 32 UNFCCC, L'application conjointe, http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3298.php, consulté le 26/06/2013 * 33 Réseau Action Climat France, Dix ans du Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives pour les négociations de l'après-2012, art.cit, p.7 * 34 Idem * 35 UNFCCC, Contrôle du respect des dispositions dans le Protocole de Kyoto, accessible sur : http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/compliance/items/3277.php, consulté le 27/06/2013 * 36 S. MALJEAN-DUBOIS et M. WEMAERE, op.cit., p.26 * 37 Réseau Action Climat France, Dix ans du Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives pour les négociations de l'après-2012, art.cit, p.7 * 38 Idem |
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