2-A propos de la notion de gentrification
Depuis la fin des années 1990, les opérations
d'acquisition de logements, souvent dégradés en médina, se
fait de plus en plus par une population de catégorie
socio-professionnelle aisée. Ces gens vont, en fait, parier sur l'avenir
en investissant dans des bâtisses et en mettant de l'argent pour les
restaurer ou les rénover. Ce retournement de fortune s'apparente
à ce que les sociologues appellent "la gentrification".
Rappelons que la gentrification est un concept forgé
dans le champ de la sociologie et qu'il a été
développé dans le monde anglo-saxon. Il s'agit de
l'arrivée d'une population au niveau social élevé dans un
espace urbain populaire, au bâti dévalorisé, et de la
réhabilitation de ses logements, appropriés par les nouveaux
habitants.
Ce processus a commencé dans les années
1960-1970 dans les grandes villes anglaises et nord-américaines et le
concept le définissant a été utilisé pour la
première fois en 1963 par Ruth GLASS27. Dans son ouvrage, R.
GLASS s'était attaché à comprendre les raisons qui
poussaient une partie de la classe moyenne londonienne à s'installer
dans des quartiers jusqu'alors dégradés du centre ancien au lieu
d'emprunter l'itinéraire jugé normal, qui consistait à
habiter dans la banlieue bourgeoise. Cette notion a été, à
partir des années 1970, utilisée par les géographes, ainsi
C.HAMNET définit la gentrification comme "un phénomène
à la fois physique, économique, social et culturel. Elle implique
un changement social mais aussi un changement physique du stock de logements,
à l'échelle de quartiers, enfin un changement économique
sur les marchés foncier et immobilier28."
Par ailleurs, le Dictionnaire de la géographie et de
l'espace des sociétés29 définit la
gentrification comme "le processus d'installation de résidents d'un
niveau socio-économique plus élevé que celui des
populations initialement résidentes..."
27 Ruth GLASS, (1963), Introduction to London:
Aspects of change, London, Center for urban studies. Cité par A-C.
KURZAC-SOUALI, (2006).
28 C. HAMNET, (1995), Les changements
socio-économiques à Londres, Sociétés
contemporaines, n°23, pp.15-32, in: A-C. KURZAC-SOUALI , (2006).
29 Jacques LEVY, Michel LUSSAULT (dir.), (2003),
Dictionnaire de la géographie et de l'espace des
sociétés, Ed. Belin.
28
Le déroulement de ce processus a été
détaillé par Alexandre DJIRIKIAN30, il le
représente comme une suite logique d'événements qui
peuvent se ressembler dans un nombre important de quartiers centraux des villes
anciennes. En effet, à partir du moment où les quartiers sont
découverts, ils commencent à attirer les investisseurs, et c'est
à ce moment que les pouvoirs publics interviennent dans ce mouvement en
qualifiant ces quartiers d'historiques, traditionnels ou patrimoniaux tout en y
développant des équipements collectifs nécessaires
à leur valorisation. C'est à partir de ce moment que les prix de
l'immobilier flambent et le niveau de vie devient insupportable par les
habitants. Ce processus est simplifié dans le schéma ci-dessous,
élaboré par Alexandre DJIRIKIAN:
Le processus de gentrification
logements dégradés à potentiel
Mise en valeur du parc de logements
Hausse des prix de
l'immobilier
Caractéristiques du stock résidentiel
Dynamiques de la structure socioprofessionnelle
afflux de capitaux Privés et/ou publics
Départ des classes populaires
arrivée de classes moyennes
Source : Alexandre DJIRIKIAN, La
Gentrification Du MARAIS : quarante ans d'évolution de la population et
des logements, Université Paris I, maîtrise de
Géographie sous la direction de M. BERGER et Y. CHAUVRE, juin 2004.
Cité par : A. ARDALANE, 2007, p.125.
Il y a donc là des points de similitudes, malgré
la dissemblance des contextes, avec la représentation du concept de
gentrification, tel qu'il se présente dans le contexte médinal.
L'arrivée massive d'une population d'un niveau social
élevé au sein d'une population dont le niveau social frôle
des fois le seuil de la pauvreté, crée bien là un
différentiel concernant les
30 Alexandre DJIRIKIAN, La Gentrification du
Marais: Quarante ans d'évolution de la population et des logements,
Université Paris I, Maîtrise de Géographie, juin 2004,
cité par: Abdellah ARDALANE, Le tourisme dans la ville d'Essaouira,
Impact socio-économique et spatial sur la médina (2007).
29
niveaux de vie. Cette installation de nouveaux
propriétaires s'accompagne généralement
d'opérations de restauration et de rénovation. Les
investissements vont s'accélérer et le marché immobilier
va s'enflammer. La conséquence logique de ce mouvement est
l'augmentation des prix, ce qui pousse les propriétaires ou les
locataires à céder leurs logements et quitter la médina.
Il reste que chez nous, ce n'est pas un phénomène de classes
sociales appartenant à la même société mais bien de
nationalités différentes et surtout de cultures
différentes. (BERRIANE, 2003).
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