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Le phénomène d'acquisition des anciennes demeures par les étrangers, un processus de mise en tourisme de la médina de Fès?

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par Widad Jodie BAKHELLA
Université Mohammed V  - Master recherche en aménagement, développement local et gestion des territoires 2008
  

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2- Le phénomène de reconversion des anciennes demeures en maisons d'hôtes par les étrangers : Un support à la mise en tourisme de la médina

Afin de s'adapter à l'évolution de la demande touristique en services de qualité personnalisés, et en dehors des multiples formes d'hébergement touristique classiques, de nombreux étrangers acquièrent des riads et demeures traditionnelles pour de plus en plus, les convertir en maisons d'hôtes. Les demeures anciennes de la médina de Fès acquièrent ainsi rapidement une vocation touristique et rentrent en concurrence désormais avec les fameux riads de Marrakech et d'Essaouira.

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Le potentiel particulier de ce type d'hébergement suscite une demande touristique importante, en ce qu'il permet au touriste une immersion dans l'ambiance traditionnelle locale et un certain dépaysement fortement recherché. Le patrimoine domestique dûment chargé de valeur devient ainsi un vrai support au développement de nouveaux produits touristiques.

La première maison d'hôtes étrangère à Fès a ouvert ses portes en 2000 au quartier de Tala'a Kbira, et ce n'est qu'en 2007, qu'un bon nombre de maisons d'hôtes est apparut officiellement dans la médina. Cependant, en l'absence d'un bon encadrement de cette activité récente, beaucoup de personnes opèrent de façon clandestine et ne déclarent pas leurs activités. La cartographie de la localisation des maisons d'hôtes étrangères est représentée dans -la Carte 7-, cité précédemment. Elle traduit comme nous l'avons souligné auparavant des priorités d'investissement dans des zones bien précises.

L'engouement pour les maisons d'hôtes à Fès reste très modeste en comparaison avec Marrakech, qui se veut être le laboratoire de cette formule d'hébergement. L'ambiguïté due au vide juridique au moment de la prolifération des premières maisons d'hôtes a créé une certaine anarchie qui a fait coulée beaucoup d'ancre du côté de la presse nationale. Mais dans cette désorganisation qui marque le cadre global où ont évolué les maisons d'hôtes, la ville de Fès paraît être un bon exemple. En effet, contrairement à Marrakech, ce sont surtout les autochtones aisés qui reprennent en main ce type de commerce tout en veillant au respect des spécificités locales. Des associations de défense et de sauvegarde de patrimoine existent et une démarche qualité est initiée à grande échelle. Les autorités marocaines se sont toujours refusées à accorder aux investisseurs étrangers les mêmes facilités qu'à Marrakech par exemple. C'est ainsi que le respect de la diversité culturelle de la médina a mieux préservé son authenticité qu'ailleurs.

Les premiers textes régissant le statut des maisons d'hôtes ont été initiés par le ministère du Tourisme en 1997. Il s'agissait de créer une législation inspirée du modèle européen et adaptée au Maroc. Les textes européens concernent généralement d'anciens bâtiments historiques tels que les maisons d'hôtes, les gîtes d'étapes et les relais château en France ou encore les Paradores52 en Espagne. Ces textes prévoyaient que ces riads soient faciles d'accès,

52 Il s'agit d'un type d'hébergement qui propose de séjourner dans des châteaux anciens, des palais et des édifices historiques.

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qu'ils fassent l'objet d'une réelle rénovation pour une meilleure conservation du patrimoine et qu'ils répondent à des normes d'hygiène aux standards internationaux53.

L'administration de tutelle a laissé couler beaucoup de temps avant qu'elles réagissent fin 2003 pour réglementer ce type d'hébergement et instaurer ses normes de classement. Les premiers rappels à l'ordre des pouvoirs publics en vue du contrôle du mode de gestion des maisons d'hôtes, datent de 2002. L'arrêté du ministre du Tourisme date du 18 décembre 2003 (B.O n°5192 du 4 mars 2004). Il est venu fixer les nouvelles normes dans ce secteur d'activités et déterminer le cahier des charges pesant sur chaque catégorie d'établissement touristique y compris les maisons d'hôtes. Cet arrêté a donné lieu à la mise en vigueur de la loi 61-00 portant sur les normes de classement, et qui distingue entre deux catégories de maisons d'hôtes, la première et la deuxième. La notion de maison d'hôte n'est plus utilisée à tord et à travers. Il faut, en effet, que la maison d'hôtes soit caractérisée « par son architecture marocaine traditionnelle, sa décoration et son ameublement de style typique marocain 54 ». Avec ces nouveaux statuts, toutes les maisons d'hôtes qui sont recensées par le ministère du Tourisme seront soumises aux mêmes taxes et impôts que tout autre établissement hôtelier.

Par ailleurs, et suite au décret n° 2-02-186 du 5 mars 2002, publié au B.O. n° 4984 en date du 07-03-2002, le classement des établissements touristiques, et donc des maisons d'hôtes, a été délégué au Wali de la région, après avis d'une commission consultative dite « commission régionale de classement55 ». Le Wali peut également modifier le classement de tout établissement si les conditions d'exploitation le justifient. Les demandes de classement doivent être adressées au délégué du tourisme deux mois au moins avant la date de la mise en exploitation de l'établissement, et un délai de deux ans est donné aux maisons d'hôtes déjà existantes pour se mettre à niveau.

L'application des classements supposés par la loi en vigueur présente, toutefois, des limites dues aux incompatibilités qui surgissent sur le terrain. Il s'agit d'incohérences entre, d'une part, les exigences du classement et les projets des patrons de maisons d'hôtes, et d'autre part,

53 Economie & Entreprises, juillet-août 2000, p 73.

54 Selon l'arrêté du ministre du tourisme N° 1751.02 du 23 chaoual 1424(18 décembre 2003) fixant les normes de classement des établissements touristiques, p 95.

55 Cette commission est présidée par le délégué du tourisme, et est composée des chefs de la division économique et sociale du service d'hygiène, du représentant de la protection civile de la préfecture ou de la province du lieu d'implantation, du directeur de l'école hôtelière relevant du département du tourisme, des présidents des associations régionales de l'industrie hôtelière, d'agences de voyage et de restaurateurs.

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entre les exigences de confort et de modernité que supposent la loi et les attentes des touristes ayant choisi cette forme d'hébergement. Ceci est dû en partie à la réalité particulière de la médina et de ses demeures, mais aussi au fait que les pouvoirs publics n'arrivent pas encore à bien cerner ce nouveau mode d'hébergement.

En effet, la classification établie des normes standards aux maisons d'hôtes incompatibles avec leur vocation (A-C.KURZAC SOUALI, 2006, p233.). L'offre en services exigée pour le classement d'une maison d'hôtes s'applique généralement aux hôtels classiques. Elle est, par conséquent, difficilement réalisable et surtout non souhaitée par les touristes, dans le cas d'une maison d'hôtes. La loi suppose par exemple, que la maison d'hôtes soit dotée d'un parking gardé jour et nuit ou de lieux d'arrêts à proximité de la maison d'hôtes, réservés spécialement pour les clients. Elle suppose également que la maison d'hôtes dispose d'un minimum de 5 chambres qui doivent avoir chacune une superficie minimale de 14m2. Ceci va parfois à l'encontre de la spécificité des demeures traditionnelles et des réalités de l'accès dans la médina, généralement labyrinthique.

D'autre part, la maison d'hôtes doit également répondre à des critères de confort et de services, qui sont reproduits selon le modèle de fonctionnement d'un hôtel classique. Nous citons en exemple, les critères relatifs aux sanitaires dans les locaux communs (sèche mains électrique, boîtes à rebuts et distributeurs de savon liquide), ou encore des cabines téléphoniques insonorisées dans le hall de la réception, d'une piscine (si l'infrastructure le permet), d'un mini-bar dans le cas des maisons d'hôtes de deuxième catégorie. Ceci est loin de répondre aux critères de l'authenticité recherchée par les touristes. Il serait plus approprié d'intégrer et d'adapter la notion du confort au cadre urbain original, sans pour autant nuire à ce qui fait la particularité de cette formule d'hébergement qui prend les pratiques et les modes de vie en médina comme des supports d'activité en soi.

En outre, la classification des maisons d'hôtes ne prend pas en compte le contexte local pour ce qui est des normes relatives au personnel, et qui supposent que « Tout le personnel de l'établissement doit être issu d'une école hôtelière ou d'un centre de formation spécialisé ou bien, justifier d'une formation ou d'un apprentissage adéquat », et que le directeur de la maison d'hôtes « doit être de bonne moralité, titulaire d'un diplôme en tourisme ou avoir bénéficié d'une formation en hôtellerie ou justifier d'une expérience en matière de gestion d'unités touristiques ». Ceci est loin de correspondre à la réalité. En effet, les promoteurs des

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maisons d'hôtes ont investis pour la plupart dans de vieilles demeures qu'ils ont ensuite restaurées avant de s'improviser eux-mêmes hôteliers. En plus, les critères de recrutement du personnel ne correspondent pas au profil des personnes employées dans les maisons d'hôtes dans la médina. La plupart du personnel requis est non diplômés. Il s'agit, de personnes habitants la médina, des voisins généralement, qui sont recrutés sur la base de leur expérience ou de leur dynamisme.

Au cours de l'année 2007, l'ensemble des patrons des maisons d'hôtes dans la médina de Fès avait tenu une réunion avec le Wali de la ville afin de discuter de la nouvelle réglementation régissant les normes auxquelles doivent obéir les maisons d'hôtes. La plupart de ces patrons, généralement étrangers, souhaitent convertir leur demeure en une maison d'hôtes, s'acquitter de leurs taxes et impôts et régulariser leur statut. Or, la nouvelle loi de classement semble ne pas les aider. Le Wali avait donné son accord, suite à cette réunion, pour qu'ils opèrent en attendant de leur trouver une solution, mais depuis rien n'a changé. « Ils mettent les bâtons dans les roues des investisseurs étrangers », nous affirme avec déception, un patron étranger d'une maison d'hôtes en attente du classement de son hébergement. Les patrons de maisons d'hôtes demandent des dérogations multiples qui concernent dans la plupart des cas le nombre minimum des chambres devant exister dans la maison d'hôtes, ou encore leur taille, l'introduction du salon marocain, le respect de l'architecture et autres dispositifs réglementés par la loi 61-00 citée précédemment.

En tout état de cause, le phénomène « Riad-maisons d'hôtes56 » constitue une bonne solution pour Fès afin de remédier au déficit en capacité d'hébergement dont elle souffre, surtout que la demande touristique semble préférer de plus en plus, le logement dans des structures pareilles plutôt que de s'adresser à un hôtel cinq étoiles.

L'implantation de maisons d'hôtes dans les espaces résidentiels les plus anciens, à forte valeur patrimoniale et à proximité des espaces fréquentés par les touristes, participe fortement dans la valorisation touristique de la médina de Fès. Cette mise en tourisme est moins perceptible quand il s'agit d'acquisition de maisons à titre privé. Il y a ici comme l'affirme M. BERRIANE, un besoin mutuel entre le tourisme et le patrimoine architectural (BERRIANE,

56 Pour reprendre la locution utilisée par le chercheur Rachida SAÏGH BOUSTA, pour qualifier les anciennes demeures des médinas, transformées en maisons d'hôtes.

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2003). Le premier ayant besoin de diversification et d'originalité et le deuxième en quête de reconnaissance, de restauration et d'entretien.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein