Afin de s'adapter à l'évolution de la demande
touristique en services de qualité personnalisés, et en dehors
des multiples formes d'hébergement touristique classiques, de nombreux
étrangers acquièrent des riads et demeures
traditionnelles pour de plus en plus, les convertir en maisons d'hôtes.
Les demeures anciennes de la médina de Fès acquièrent
ainsi rapidement une vocation touristique et rentrent en concurrence
désormais avec les fameux riads de Marrakech et d'Essaouira.
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Le potentiel particulier de ce type d'hébergement
suscite une demande touristique importante, en ce qu'il permet au touriste une
immersion dans l'ambiance traditionnelle locale et un certain
dépaysement fortement recherché. Le patrimoine domestique
dûment chargé de valeur devient ainsi un vrai support au
développement de nouveaux produits touristiques.
La première maison d'hôtes
étrangère à Fès a ouvert ses portes en 2000 au
quartier de Tala'a Kbira, et ce n'est qu'en 2007, qu'un bon nombre de maisons
d'hôtes est apparut officiellement dans la médina. Cependant, en
l'absence d'un bon encadrement de cette activité récente,
beaucoup de personnes opèrent de façon clandestine et ne
déclarent pas leurs activités. La cartographie de la localisation
des maisons d'hôtes étrangères est
représentée dans -la Carte 7-, cité
précédemment. Elle traduit comme nous l'avons souligné
auparavant des priorités d'investissement dans des zones bien
précises.
L'engouement pour les maisons d'hôtes à
Fès reste très modeste en comparaison avec Marrakech, qui se veut
être le laboratoire de cette formule d'hébergement.
L'ambiguïté due au vide juridique au moment de la
prolifération des premières maisons d'hôtes a
créé une certaine anarchie qui a fait coulée beaucoup
d'ancre du côté de la presse nationale. Mais dans cette
désorganisation qui marque le cadre global où ont
évolué les maisons d'hôtes, la ville de Fès
paraît être un bon exemple. En effet, contrairement à
Marrakech, ce sont surtout les autochtones aisés qui reprennent en main
ce type de commerce tout en veillant au respect des spécificités
locales. Des associations de défense et de sauvegarde de patrimoine
existent et une démarche qualité est initiée à
grande échelle. Les autorités marocaines se sont toujours
refusées à accorder aux investisseurs étrangers les
mêmes facilités qu'à Marrakech par exemple. C'est ainsi que
le respect de la diversité culturelle de la médina a mieux
préservé son authenticité qu'ailleurs.
Les premiers textes régissant le statut des maisons
d'hôtes ont été initiés par le ministère du
Tourisme en 1997. Il s'agissait de créer une législation
inspirée du modèle européen et adaptée au Maroc.
Les textes européens concernent généralement d'anciens
bâtiments historiques tels que les maisons d'hôtes, les gîtes
d'étapes et les relais château en France ou encore les
Paradores52 en Espagne. Ces textes prévoyaient que ces
riads soient faciles d'accès,
52 Il s'agit d'un type d'hébergement qui
propose de séjourner dans des châteaux anciens, des palais et des
édifices historiques.
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qu'ils fassent l'objet d'une réelle rénovation
pour une meilleure conservation du patrimoine et qu'ils répondent
à des normes d'hygiène aux standards
internationaux53.
L'administration de tutelle a laissé couler beaucoup
de temps avant qu'elles réagissent fin 2003 pour réglementer ce
type d'hébergement et instaurer ses normes de classement. Les premiers
rappels à l'ordre des pouvoirs publics en vue du contrôle du mode
de gestion des maisons d'hôtes, datent de 2002. L'arrêté du
ministre du Tourisme date du 18 décembre 2003 (B.O n°5192 du 4 mars
2004). Il est venu fixer les nouvelles normes dans ce secteur
d'activités et déterminer le cahier des charges pesant sur chaque
catégorie d'établissement touristique y compris les maisons
d'hôtes. Cet arrêté a donné lieu à la mise en
vigueur de la loi 61-00 portant sur les normes de classement, et qui distingue
entre deux catégories de maisons d'hôtes, la première et la
deuxième. La notion de maison d'hôte n'est plus utilisée
à tord et à travers. Il faut, en effet, que la maison
d'hôtes soit caractérisée « par son architecture
marocaine traditionnelle, sa décoration et son ameublement de style
typique marocain 54 ». Avec ces nouveaux statuts,
toutes les maisons d'hôtes qui sont recensées par le
ministère du Tourisme seront soumises aux mêmes taxes et
impôts que tout autre établissement hôtelier.
Par ailleurs, et suite au décret n° 2-02-186 du 5
mars 2002, publié au B.O. n° 4984 en date du 07-03-2002, le
classement des établissements touristiques, et donc des maisons
d'hôtes, a été délégué au Wali
de la région, après avis d'une commission consultative dite
« commission régionale de classement55 ». Le
Wali peut également modifier le classement de tout
établissement si les conditions d'exploitation le justifient. Les
demandes de classement doivent être adressées au
délégué du tourisme deux mois au moins avant la date de la
mise en exploitation de l'établissement, et un délai de deux ans
est donné aux maisons d'hôtes déjà existantes pour
se mettre à niveau.
L'application des classements supposés par la loi en
vigueur présente, toutefois, des limites dues aux
incompatibilités qui surgissent sur le terrain. Il s'agit
d'incohérences entre, d'une part, les exigences du classement et les
projets des patrons de maisons d'hôtes, et d'autre part,
53 Economie & Entreprises, juillet-août
2000, p 73.
54 Selon l'arrêté du ministre du
tourisme N° 1751.02 du 23 chaoual 1424(18 décembre 2003) fixant les
normes de classement des établissements touristiques, p 95.
55 Cette commission est présidée par
le délégué du tourisme, et est composée des chefs
de la division économique et sociale du service d'hygiène, du
représentant de la protection civile de la préfecture ou de la
province du lieu d'implantation, du directeur de l'école
hôtelière relevant du département du tourisme, des
présidents des associations régionales de l'industrie
hôtelière, d'agences de voyage et de restaurateurs.
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entre les exigences de confort et de modernité que
supposent la loi et les attentes des touristes ayant choisi cette forme
d'hébergement. Ceci est dû en partie à la
réalité particulière de la médina et de ses
demeures, mais aussi au fait que les pouvoirs publics n'arrivent pas encore
à bien cerner ce nouveau mode d'hébergement.
En effet, la classification établie des normes
standards aux maisons d'hôtes incompatibles avec leur vocation
(A-C.KURZAC SOUALI, 2006, p233.). L'offre en services exigée pour le
classement d'une maison d'hôtes s'applique généralement aux
hôtels classiques. Elle est, par conséquent, difficilement
réalisable et surtout non souhaitée par les touristes, dans le
cas d'une maison d'hôtes. La loi suppose par exemple, que la maison
d'hôtes soit dotée d'un parking gardé jour et nuit ou de
lieux d'arrêts à proximité de la maison d'hôtes,
réservés spécialement pour les clients. Elle suppose
également que la maison d'hôtes dispose d'un minimum de 5 chambres
qui doivent avoir chacune une superficie minimale de 14m2. Ceci va
parfois à l'encontre de la spécificité des demeures
traditionnelles et des réalités de l'accès dans la
médina, généralement labyrinthique.
D'autre part, la maison d'hôtes doit également
répondre à des critères de confort et de services, qui
sont reproduits selon le modèle de fonctionnement d'un hôtel
classique. Nous citons en exemple, les critères relatifs aux sanitaires
dans les locaux communs (sèche mains électrique, boîtes
à rebuts et distributeurs de savon liquide), ou encore des cabines
téléphoniques insonorisées dans le hall de la
réception, d'une piscine (si l'infrastructure le permet), d'un mini-bar
dans le cas des maisons d'hôtes de deuxième catégorie. Ceci
est loin de répondre aux critères de l'authenticité
recherchée par les touristes. Il serait plus approprié
d'intégrer et d'adapter la notion du confort au cadre urbain original,
sans pour autant nuire à ce qui fait la particularité de cette
formule d'hébergement qui prend les pratiques et les modes de vie en
médina comme des supports d'activité en soi.
En outre, la classification des maisons d'hôtes ne
prend pas en compte le contexte local pour ce qui est des normes relatives au
personnel, et qui supposent que « Tout le personnel de
l'établissement doit être issu d'une école
hôtelière ou d'un centre de formation spécialisé ou
bien, justifier d'une formation ou d'un apprentissage adéquat »,
et que le directeur de la maison d'hôtes « doit être
de bonne moralité, titulaire d'un diplôme en tourisme ou avoir
bénéficié d'une formation en hôtellerie ou justifier
d'une expérience en matière de gestion d'unités
touristiques ». Ceci est loin de correspondre à la
réalité. En effet, les promoteurs des
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maisons d'hôtes ont investis pour la plupart dans de
vieilles demeures qu'ils ont ensuite restaurées avant de s'improviser
eux-mêmes hôteliers. En plus, les critères de recrutement du
personnel ne correspondent pas au profil des personnes employées dans
les maisons d'hôtes dans la médina. La plupart du personnel requis
est non diplômés. Il s'agit, de personnes habitants la
médina, des voisins généralement, qui sont recrutés
sur la base de leur expérience ou de leur dynamisme.
Au cours de l'année 2007, l'ensemble des patrons des
maisons d'hôtes dans la médina de Fès avait tenu une
réunion avec le Wali de la ville afin de discuter de la
nouvelle réglementation régissant les normes auxquelles doivent
obéir les maisons d'hôtes. La plupart de ces patrons,
généralement étrangers, souhaitent convertir leur demeure
en une maison d'hôtes, s'acquitter de leurs taxes et impôts et
régulariser leur statut. Or, la nouvelle loi de classement semble ne pas
les aider. Le Wali avait donné son accord, suite à cette
réunion, pour qu'ils opèrent en attendant de leur trouver une
solution, mais depuis rien n'a changé. « Ils mettent les
bâtons dans les roues des investisseurs étrangers »,
nous affirme avec déception, un patron étranger d'une maison
d'hôtes en attente du classement de son hébergement. Les patrons
de maisons d'hôtes demandent des dérogations multiples qui
concernent dans la plupart des cas le nombre minimum des chambres devant
exister dans la maison d'hôtes, ou encore leur taille, l'introduction du
salon marocain, le respect de l'architecture et autres dispositifs
réglementés par la loi 61-00 citée
précédemment.
En tout état de cause, le phénomène
« Riad-maisons d'hôtes56 » constitue une bonne
solution pour Fès afin de remédier au déficit en
capacité d'hébergement dont elle souffre, surtout que la demande
touristique semble préférer de plus en plus, le logement dans des
structures pareilles plutôt que de s'adresser à un hôtel
cinq étoiles.
L'implantation de maisons d'hôtes dans les espaces
résidentiels les plus anciens, à forte valeur patrimoniale et
à proximité des espaces fréquentés par les
touristes, participe fortement dans la valorisation touristique de la
médina de Fès. Cette mise en tourisme est moins perceptible quand
il s'agit d'acquisition de maisons à titre privé. Il y a ici
comme l'affirme M. BERRIANE, un besoin mutuel entre le tourisme et le
patrimoine architectural (BERRIANE,
56 Pour reprendre la locution utilisée par le
chercheur Rachida SAÏGH BOUSTA, pour qualifier les anciennes demeures des
médinas, transformées en maisons d'hôtes.
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2003). Le premier ayant besoin de diversification et
d'originalité et le deuxième en quête de reconnaissance, de
restauration et d'entretien.