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Conclusion
L'installation des étrangers dans la médina de
Fès s'est développée peu à peu à travers le
temps, soutenue par une forte image liée au lieu, pour se transformer
d'une installation de quelques personnes pionnières à un
phénomène plus généralisé. Ceci a produit
des transformations sur les fonctionnalités du lieu, en le faisant
évoluer d'un espace à vocation résidentielle en un espace
pratiqué par des étrangers qui en font le plus souvent un espace
d'activité commerciale, appuyant de la sorte la mise en tourisme du
patrimoine en médina. La médina devient alors leur espace de vie,
de vacances ou de leur business.
Les aménagements et les politiques de valorisation, de
sauvegarde et de patrimonialisation du tissu urbain ancien relèvent
d'une planification stricte et volontariste. On pourrait donc parler de mise en
tourisme. Toutefois, le développement touristique en médina est
fortement livré à lui-même, c'est-à-dire, au bon
vouloir de particuliers et d'entreprises privées (résidences
secondaires, maisons d'hôtes, cafés, restaurants, agences
immobilières et de restauration...etc.), ce qui nous permet aussi de
parler d'une touristification. Sous l'effet du développement du tourisme
culturel en médina, suscitant des initiatives nombreuses,
dispersées et de formes différentes, cet espace se `touristifie'
peu à peu. Le temps aussi fait progressivement passer la médina
de Fès d'un processus à l'autre. Les extensions planifiées
pendant des années dans la médina tirent cet espace vers une mise
en tourisme.
Compte tenu du bilan de ce deuxième chapitre, le
troisième chapitre mettra en évidence le profil des
différents acteurs étrangers de la mise en tourisme et les modes
de fonctionnement de ces communautés étrangères dans leur
vie quotidienne et à travers les rapports qu'ils entretiennent avec les
Marocains. Nous allons mettre l'accent par la suite sur la répartition
spatiale des propriétés étrangères et les logiques
d'implantation de ces nouveaux venus.
Il s'agirait en fait de monter que l'arrivée d'une
population étrangère nouvelle et exogène participe
à la structuration et à la mise en tourisme de la médina
en fonction de ses points de fixation et de ses pratiques urbaines.
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Chapitre III :
Les nouveaux « touristes-résidents »
dans la
médina
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Introduction
L'étude des formes et des phases d'expansion du
nouveau marché lié à l'installation des étrangers
dans la médina de Fès, a montré à quel point dans
le cadre d'une volonté des acteurs publics pour la mise en valeur de la
ville de Fès, les acteurs étrangers ont été des
éléments déclencheurs de la mise en tourisme de la
médina. Une mise en tourisme qui s'inscrit plus globalement dans une
patrimonialisation élargie de ce même espace. Ce qui est entrain
d'installer dans la médina de Fès, un système touristique
tournant dans une sphère de développement, de modernisation et de
valeurs marchandes.
L'engouement récemment manifesté pour les
demeures traditionnelles de la médina de Fès est porté par
des étrangers de profils variés et dont les choix de localisation
répondent à des logiques sélectives. Loin d'être
globale, cette mise en tourisme concerne des quartiers spécifiques et
des axes privilégiés. Par ailleurs, l'arrivée de nouveaux
habitants dans les quartiers traditionnels, est accompagnée par le
départ de familles marocaines en quête d'un logement plus
fonctionnel en ville nouvelle, ce qui crée dans ces quartiers anciens,
de nouveaux systèmes sociaux.
A travers ce chapitre, nous distinguerons dans un premier
temps, les logiques d'installation de ces nouveaux habitants étrangers.
Nous nous arrêterons, ensuite sur le phénomène de
reconversion des maisons traditionnelles en des maisons d'hôtes. Un
phénomène qui joue un rôle considérable dans la mise
en tourisme du patrimoine domestique et sa réutilisation
fonctionnelle.
Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons
aux profils variés de ces nouveaux venus que nous qualifions de «
touristes-résidents », et là, nous nous arrêterons sur
une question : Pourrait-on qualifier ces nouveaux résidents
étrangers de touristes ? La définition couramment admise du
« touriste » selon les normes internationales retenues par la
commission statistique de l'ONU, englobe « toute personne voyageant
hors de son domicile habituel pour au moins une nuit et au plus un an
». Au-delà d'une année hors de son domicile habituel,
le touriste est
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qualifié de « résident ». Or, le
désir récemment manifesté par des étrangers de
séjourner en médina, et de plus en plus y habiter pourrait
être assimilé à une nouvelle forme de tourisme. Si l'on se
base sur les écrits de R. BARTHES, « Le résident est en
somme un touriste qui répète son désir de rester
» (Roland BARTHES, 1972, p.144)50. Le chercheur A.-C.
KURZAC SOUALI qualifie à son tour, cet enthousiasme des étrangers
pour l'installation en médina de tourisme de résidence tout en
appelant ces nouveaux venus, des touristes-habitant.
Nous essaierons finalement d'introduire certains aspects
liés à la vie quotidienne de ces étrangers dans leurs
rapports entre eux et avec la population locale.
50In:
http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETHN&ID_NUMPUBLIE=ETHN_023&ID_ARTICLE=ETHN_023_05
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