A. L'implication des acteurs
Pour combattre efficacement la piraterie, il faut l'engagement
de tous les acteurs de la lutte : l'Etat, le BBDA, les artistes, les
auxiliaires de la création (producteurs-éditeurs, revendeurs...),
la justice, les forces de police, de douane et de gendarmerie, etc.
Tout d'abord, l'Etat ne doit pas se contenter seulement de
ratifier les conventions internationales sur les droits d'auteur et les droits
voisins, mais doit avoir la volonté politique réelle de combattre
le fléau. Ce faisant, le gouvernement doit continuer de condamner
publiquement la piraterie à l'instar des crimes et des assassinats comme
il l'a fait à Laongo le 14 février 2008. Cette attitude
amènera le public à comprendre l'hostilité que l'Etat
manifeste à l'égard de la piraterie qui a sans doute des
conséquences désastreuses. L'engagement réel du
gouvernement devra être imminent. Il s'agira pour l'Etat d'organiser
les acteurs culturels et poursuivre la réflexion sur le statut de
l'artiste, de veiller à la réglementation des professions
culturelles par filières et à l'établissement d'un code de
déontologie des intervenants dans le domaine culturel. En d'autres
termes, les métiers d'imprimeurs ou de duplicateurs, de distribution
(disquaires, revendeurs, de production) doivent être dotés d'un
statut professionnel. La mise en oeuvre de cette proposition évitera les
différentes plaintes des artistes contre les médiateurs culturels
et les arnaques dont les artistes sont victimes lors des tournées
artistiques à l'intérieur comme à l'extérieur du
pays.
Ensuite, nonobstant l'exonération sur le
matériel de production musicale par le BBDA, l'allègement des
mesures fiscales devra être la préoccupation de l'Etat puisque
68,18 % des consommateurs avancent qu'ils achètent les supports musicaux
piratés parce qu'ils sont moins chers (cf. annexes IV: tableau
n°10). La cherté des supports originaux est due au taux de
fiscalité très élevé du matériel de
production musicale. A titre d'exemple, les taxes à l'importation des
matières premières culturelles sont actuellement à 56,54%.
De même, les entreprises culturelles doivent honorer les taxes suivantes
(l'impôt sur les bénéfices industriels, commerciaux et
agricoles (IBICA), l'impôt sur les traitements et salaires (IUTS),
l'impôt sur les bénéfices non commerciaux, l'impôt
sur la contribution du secteur informel (CSI), la taxe sur la valeur
ajoutée (TVA)) ; ce qui affecte également les coûts
de production musicale et par ricochet les prix de vente des supports
légaux.
Cette multitude de taxes doivent, dans le cadre de l'UEMOA,
être allégées, voire supprimées dans le but de
rendre moins chers les produits licites. Cela découragerait les pirates
à s'adonner à la reproduction frauduleuse des oeuvres d'autrui
s'ils ne tirent pas profit de leur investissement. De ce fait, la suppression
de la taxe sur la valeur ajoutée et les droits de douanes des
matières premières culturelles, ne serait-ce que pour une
durée provisoire de 3 ans est envisageable. Par ailleurs, la forte
taxation des supports vierges dans la perspective d'élever le coût
de revient de la cassette pirate locale serait avantageux. On pourrait apposer
des timbres sur ces supports vierges, dont les montants serviront d'une part
à la rémunération des droits d'auteur et d'autre part au
financement de la lutte contre la piraterie.
Quant au BBDA, il devrait renforcer les actions
déjà entreprises à savoir : la sensibilisation, la
formation et la répression. La sensibilisation doit s'intensifier sur
l'étendue du territoire national en vue de toucher le plus de
consommateurs. Les média communautaires pourraient être
exploités à cette fin. Des jeux concours ou radiophoniques sur le
thème de la piraterie doivent être permanents. Aussi la
création d'un magazine traitant de la propriété
intellectuelle en partenariat avec le ministère du commerce, permettra
au public de mieux comprendre la piraterie et ses effets néfastes. Pour
mener à bien le combat contre les pirates, le BBDA doit :
- encourager ou organiser des concours pour la création
d'oeuvre abordant la question de la piraterie ;
- organiser des caravanes d'information sur l'ensemble du
territoire national et saisir toute opportunité, surtout les
émissions radiophoniques et télévisuelles et les
manifestations culturelles pour parler de la piraterie ;
- travailler en partenariat avec le Conseil Supérieur
de la Communication dans le but d'amener les animateurs des média
à remplir correctement les fiches d'identification des oeuvres
exploitées ;
- veiller à créer un cadre de concertation entre
la douane, les titulaires de droits, les importateurs et exportateurs de
supports musicaux ;
- veiller à renforcer la formation continue et
approfondie de toutes les personnes chargées de la lutte contre la
piraterie. Cette formation, par exemple aidera les représentants de la
loi à reconnaître les produits piratés et à faire
respecter les droits de propriété intellectuelle ;
- réaménager les programmes des institutions de
formation de sorte à y introduire des cours sur la protection du droit
d'auteur et sur la piraterie. Il s'agit des écoles de police, de
gendarmerie, de douane, de l'Ecole Nationale d'Administration et de
Magistrature (ENAM) surtout dans toutes les sections de la culture et de
l'administration générale ;
- organiser des séminaires de formation et de
sensibilisation à l'intention de tous les agents du ministère en
charge de la culture et des autres institutions, des artistes, des
auxiliaires de la création et des revendeurs.
- les actions de contrôle et de répression
doivent être renforcées avec les brigades de lutte contre la
piraterie. La douane doit être plus agressive et redoubler de vigilance
au niveau des frontières en diligentant des enquêtes ou des
investigations pour reconnaître les voies de transit des supports
pirates. Cela demande l'implication des artistes.
Les artistes et les auxiliaires de la création sont les
mieux placés pour lutter contre l'exploitation abusive de leurs oeuvres.
Ils doivent ainsi apporter toute l'aide nécessaire aux services
de police et des douanes pour parvenir à détecter les oeuvres
pirates et les pirates.
La création d'associations de maisons de duplication de
cassettes, de producteurs et des syndicats d'artistes musiciens et chanteurs
qui s'adonnent à la lutte contre la piraterie sera la bienvenue . C'est
le cas par exemple en Afrique du Sud, où l'Association des Industriels
de Cassette (ASAMI) a organisé une journée « enterrons
la piraterie ». Ce jour, tous les produits piratés saisis ont
été transportés dans un corbillard en présence du
public qui a participé à la destruction de ces produits pirates,
après avoir reçu des gadgets de l'ASAMI. Les supports pirates
détruits sont estimés à une valeur de 96 Millions de CFA
(SORY Moussa, La lute contre la piraterie ces oeuvres musicales, FDSP,
université de Ouagadougou, 1997, p.58).
L'appartenance de ces créateurs et auxiliaires de la
création à une organisation de lutte contre la piraterie est un
moyen pour les titulaires de droits d'influer sur les décideurs, pour
qu'ils fassent respecter la législation en la matière. Leurs
activités pourraient consister à aider leur membre à
conduire des enquêtes sur les produits piratés, à maintenir
la liaison avec les services de répression des fraudes en leur
fournissant les informations nécessaires, et à faire
connaître les dommages causés à leurs membres du fait de
l'atteinte portée à leurs droits de propriété
intellectuelle ,faire pression pour que des instruments appropriés
soient adoptés afin de faire respecter les droits de
propriété intellectuelle. Il s'agira aussi pour eux de mener des
études sur la piraterie, en vue de faire des publications de
statistiques sur l'impact du piratage et de collecter des statistiques et
informations du marché musical et leur diffusion aux différents
acteurs.
La tenue régulière des campagnes de
sensibilisation auprès du public et des revendeurs par les titulaires de
droits pourraient informer les clients. Ils pourraient les mettre en garde
contre les risques liés aux cassettes et aux CD pirates et les inviter
à respecter les règles de commercialisation de ces supports.
La lutte contre la piraterie passe inéluctablement par
une solidarité des artistes et une synergie d'action entre les
différents acteurs. C'est pourquoi, tous les acteurs doivent coordonner
leurs actions respectives en vue de pouvoir atténuer la piraterie, tout
en tenant compte de la législation en vigueur.
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