B. Le renforcement des moyens juridiques
et institutionnels
Le Burkina Faso dispose d'une législation sur les
droits d'auteur et les droits voisins. Cependant, une relecture de la loi de
1999 est à envisager au regard des évolutions rapides des
pratiques liées à la piraterie. Cette relecture devrait prendre
en compte la piraterie numérique et la transaction. La loi dans ce sens
doit prévoir l'identification des utilisateurs des oeuvres en ligne, le
mécanisme de paiement des droits correspondants, la gestion des
responsabilités et le paiement des droits correspondants. Des sanctions
particulières aux importateurs devraient être prévues en ce
qui concerne le transit.
En plus des dispositions à prendre concernant la
piraterie en ligne, le législateur devrait songer à identifier
clairement les acteurs de la lutte contre la piraterie. En effet, l'opinion
publique confère au BBDA la mission principale de lutter contre la
piraterie, ce qui est contraire aux missions qui lui sont dévolues car
la loi ne l'autorise qu'à une contribution.
La piraterie persiste du fait que les sanctions prévues
par la loi semblent moins sévères. Ce faisant, une
révision des peines est indispensable car cela dissuaderait davantage
les pirates. Le législateur burkinabè devrait ainsi s'inspirer de
la législation américaine en alourdissant les peines en fonction
de la gravité de l'atteinte des droits des titulaires. Dans cette loi
américaine, les tarifs sont déterminés en tenant compte
de «l'ampleur de la piraterie et de la contrefaçon ;
l'amende ne dépasse pas vingt-cinq mille dollars dans la
généralité des cas, mais, en ce qui concerne la
contrefaçon par reproduction de phonogrammes, l'amende peut
s'élever jusqu'à deux cent cinquante dollars, la peine
d'emprisonnement étant l'objet de variations selon le nombre
d'exemplaires contrefaisants.» (COLOMBET Claude, op.cit., p.110).
La mise en application de ces instruments juridiques doit
être accompagnée de moyens techniques. La piraterie
numérique étant pratiquée au Burkina Faso, des mesures en
vue du cryptage électronique est nécessaire. Ainsi le cryptage
électronique et le verrouillage du matériel informatique au
niveau de la vidéo et des enregistrements sonores ou de logiciels, font
que les signaux vidéo d'origine sont augmentés d'un signal
parasite qui perturbe l'enregistrement pirate. Les copies ainsi produits sont
en général de qualité médiocre et inexploitable.
Ces deux moyens techniques sont des systèmes de protection
électronique contre le piratage auxquels doivent s'ajouter des moyens
institutionnels.
L'étroitesse du marché des supports licites et
la faiblesse des circuits de distribution sont parmi les causes de la
persistance de la piraterie. Ce faisant pour favoriser l'accès des
consommateurs aux produits licites, l'Etat devrait prendre des mesures
incitatives à l'investissement dans le domaine musical et en
favorisant l'implantation des unités de pressage ou de duplication. Cela
va accroître le marché des supports licites et les circuits de
distribution de ces produits. Les actions suivantes doivent être
également prises par l'Etat :
- favoriser l'accès aux licences d'exploitation car
les raisons principales avancées par les pirates pour justifier les
forfaits, c'est la difficulté d'accès aux licences d'exploitation
des oeuvres étrangères. Ainsi, l'engagement des
négociations avec les Majors et les éditeurs qui
détiennent l'essentiel des licences et l'encouragement du BBDA à
adhérer au Bureau International des Editeurs de Musique ( BIEM) pour
promouvoir la sous-édition au Burkina Faso s'avèrent
nécessaires ;
- Accroitre et rendre visible les actions du service du BBDA
chargé de lutter contre la piraterie en lui affectant de façon
permanente des forces de la police, de la douane, de la gendarmerie en
attendant le fonctionnement effective des brigades régionales
prévue dans le plan triennal de lutte contre la piraterie. En effet, le
BBDA ne dispose pas de moyens financiers substantiels pour mener de
façon régulière les opérations de saisie et de
perquisitions sur le terrain, la mise à sa disposition de quelques
agents des forces de l'ordre permettra de diminuer le nombre de supports
pirates sur le marché national ;
- veiller à long terme, à la création
d'une Brigade Nationale de Lutte contre la Piraterie et d'une juridiction
spécialisée en matière de propriété
intellectuelle. La brigade devrait être spéciale et
composée de policiers, de gendarmes, de douaniers, et d'expertises
diverses. Elle doit avoir un statut propre et des moyens en fonction des
missions qui lui seront assignées, une autonomie et des plans d'actions
propres sur le terrain qui seraient indispensables pour son bon
fonctionnement. Quant à la création d'une juridiction ou une
section spécialisée en propriété intellectuelle,
elle permettra de professionnaliser les magistrats et de former les personnels
judiciaires en matière de propriété
intellectuelle ;
- accorder des subventions au BBDA dans le cadre de la lutte
contre ce fléau. Le BBDA ne reçoit aucun soutien financier de
l'Etat alors qu'il doit supporter la rémunération d'une
cinquantaine de ses agents et les frais de fonctionnement. Ce faisant, l' Etat
doit venir en aide au BBDA par l'achat de véhicules qui seront
utilisés par des agents mobiles pour le contrôle, de concert avec
les forces de l'ordre, le recrutement des agents indicateurs qui pourront
contrôler l'exploitation des oeuvres dans les bars et dans les
médias.
La lutte contre la piraterie nécessite l'engagement de
tous. Si elle persiste c'est parce que les responsabilités et les
tâches de chaque acteur ne sont pas clairement identifiées. C'est
à tort que certains artistes pensent que seul le BBDA doit lutter contre
la piraterie. Que ce soient les artistes, les producteurs-éditeurs, les
revendeurs, le BBDA et l'Etat, tous devraient s'impliquer dans le combat du
virus de l'univers musical qu'est la piraterie, comme le soutient l'ancien
Directeur Général de l'OMPI, M. Kamel Idris qui affirme que seule
« une action concertée, une plus grande sensibilisation du
public et la galvanisation de la volonté politique de venir à
bout de ce problème et de ses effets négatifs sur la
société, tout cela est nécessaire. »
(PANETHIERE Darell, op.cit., p.20).
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