Le domaine réservé de l'Etat( Télécharger le fichier original )par Christian MUKENA MUKENA Université de Kinshasa - Graduat 2010 |
§2. Les compétences territorialesLe droit international confère à l'Etat souverain des compétences définies comme des aptitudes juridiques à exercer certains pouvoirs, à la fois à l'égard de l'espace à l'intérieur duquel il exerce sa souveraineté, c'est-à-dire le territoire, et à l'égard des pouvoirs et des biens rattachés à lui par le lien de nationalité. C'est ainsi que l'on distingue classiquement, les compétences territoriales des compétences personnelles. Dans ce paragraphe, nous allons tout d'abord analyser le contenu et portée de compétences territoriales (A) et ensuite nous allons examiner l'extraterritorialité (B). A. Contenu et portée1. Contenu A l'intérieur de son territoire, l'Etat souverain exerce l'ensemble des pouvoirs qui s'attachent à sa qualité d'autorité publique. Il assume ainsi toutes les fonctions nécessaires à l'organisation de la vie propre à la collectivité humaine sise sur le territoire : organisation constitutionnelle17(*) dont on a vu qu'elle est en principe laissée à l'entière liberté de l'Etat souverain, administration publique, pouvoir de police, défense nationale, normalisation des activités entreprises par les personnes privées sur le territoire nationales, etc. Ainsi, l'Etat est maître de réglementer et de gérer les institutions et les activités humaines les plus diverses et ceci dans le plus grand de détail. Dans les dernières décennies, sous la pression des revendications de pays en développement, un espace de la souveraineté territoriale a été particulièrement souligné, que l'on désigne souvent sous le terme de souveraineté économique. Affirmée notamment dans le cadre de plusieurs, résolutions de l'AG des Nations Unies par l'intermédiaire de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, la souveraineté économique de l'Etat concerne le plus largement, selon la maîtrise et la conduite de l'économie nationale, selon les options choisies librement par l'Etat concerné. Les modalités de cette politique économique nationale peuvent d'ailleurs varier dans le temps, ce qui explique notamment que l'Etat soit parfois amené à modifier la nature des contrats le liant à des entreprises privées étrangères. C'est en raison de cette souveraineté économique que toutes les clauses dites de stabilisation incluses dans des contrats établis entre Etats et personnes privées étrangères devraient selon la sentence de 1982 dans l'affaire Aminoil18(*) être interprétées de façon restrictive et en fonction de leur effet utile. Ainsi, qu'il a été affirmé dans la sentence du Lac Lanoux19(*) « la souveraineté territoriale joue à la manière d'une présomption ». Mais les arbitres ajoutaient tout aussi tôt après : « elle doit fléchir devant toutes les obligations internationale, quelle qu'en soit la source, mais elle ne fléchit que devant elle ». Or, dans la société internationale contemporaine, le nombre et la précision des obligations s'imposant à l'Etat et ayant une incidence directe sur les conditions de l'exercice de sa compétence territoriale se sont considérablement accrus sous l'effet du développement de l'interdépendance entre les uns et les autres. C'est ce qui a permis notamment d'affirmer le caractère fonctionnel de cette souveraineté. Celle-ci n'est plus aujourd'hui perçue comme un pouvoir absolu et inconditionné ; c'est un faisceau des compétences comme l'affirme le professeur Pierre Maire DUPUY20(*) exercées dans l'intérêt Général de la population nationale, mais aussi, quoique dans une bien moindre mesure, dans celui des intérêts généraux de la communauté internationale dans son ensemble. Cette idée a été exprimée dans la sentence de l'île de Palmes précitée dans laquelle elle est d'ailleurs rattachée aussi bien au caractère exclusif que général des compétences Etatiques. 2. Portée Le droit international étant d'abord affirmé comme celui de la coexistence entre entités également souveraines, la première limitation qu'il impose à l'Etat est celle d'exclure (sauf existence d'une règle territoriale) tout exercice de sa puissance sur le territoire et la population d'un autre Etat21(*). Le lien substantiel et son indépendance a été de nombreuses fois souligné par la jurisprudence internationale22(*). L'exclusivité et la globalité de la souveraineté territoriale se complètent. Elles permettent à l'Etat d'assurer la pleine maîtrise des utilisations de son territoire, y compris le droit d'en interdire l'accès, mais dans la limite des règles internationales plus au moins contraignantes, du droit qu'ont les êtres d'accéder à son territoire. L'une de conséquences directes du caractère exclusif des compétences territoires réside dans l'exercice d'un domaine de compétences réservées, c'est qu'en principe, elles ne sont pas liées par les prescriptions du droit international. La réalité du domaine réservé est notamment affirmée à l'époque contemporaine par l'article 2, 7 de la charte de Nations Unies, aux termes duquel aucune dispositions de celle ci n'autorise les nations Unies à s'ingérer dans les affaires intérieures qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat, ni n'oblige les membres à soumettre les affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application de mesures de coercition prévue au chapitre VII ». Le champ d'application des compétences caractérisant le domaine réservé est bien entendu variable. Il dépend pour chaque Etat des engagements qu'il aura souscrit dans l'ordre international. Ainsi, la CPJI a-t-elle eu l'occasion de souligner qu'en matière de nationalité : « la liberté de l'Etat de disposer à son gré est néanmoins restreinte par des engagements qu'il aura pris envers d'autres Etats. En ce cas, la compétence de l'Etat, exclusive en principe, se trouve limitée par des règles de droit international23(*). Le principe de l'exclusivité de compétences de poursuite interdit également l'exercice de tout droit de poursuite terrestre par les organes de l'Etat, sur le territoire d'un Etat étranger des délinquants ou auteurs individualisés des faits illicites commis sur son propre territoire. En France, la cour de cassation, dans la célèbre affaire Argoud du 4 juin 196424(*) a cependant jugé qu'au cas où l'arrestation par des personnes ne représentant pas l'Etat ou d'une expulsion hors d'un territoire étranger, les poursuites devant les juridictions Françaises restent possibles. En réalité, toute exception au principe de respect de l'exclusivité des compétences territoriales suppose un assentiment préalable dépourvu d'ambigüité émanant des autorités compétences de l'Etat intéressé. La cour Européenne des droits de l'homme a eu l'occasion de le rappeler dans l'affaire öCalan C. Turquie, du 12 mars 2003, il en va de même pour la chambre de première instance II de tribunal pénal pour l'ex Yougoslavie (TPIY) dans son arrêt Nicolic du 3 octobre 2002 dans lequel elle devait examiner dans quelles conditions un inculpé avait été enlevé en République fédérale de Yougoslavie et livré aux troupes alliées de la SFOR chargées du maintien de la paix en Bosnie. Dans un certains nombre de situations particulières, l'Etat peut-être amené à exercer, à l'égard d'un territoire donné un certain nombre de compétences fonctionnelles, sans pour autant disposer d'un titre de pleine souveraineté à l'égard du territoire ainsi administré. Plusieurs de ces institutions ont à peu près disparu d'autres subsistent ; sans entrer en détail, il s'agit de la cession à bail, de l'occupation militaire, du protectorat, du condominium, du mandat et de la tutelle, enfin des servitudes internationales. * 17 P.M DUPUY, op.cit, p.67 * 18 J, D, I, 1982, p.869 * 19 RSA, Tome XII, 281, p.301 * 20 CPI, arrêt du Lotus, série A, n°10, p.p.18-19 * 21 V.CIJ, affaire du détroit de Corfou, Rec., 1949, p.35 * 22 voir, la sentence arbitrale BEN TILLETT, du 26 décembre 1898, Belgique contre Royaume Uni, la fontaine, 581-585 : » on ne saurait contester à un Etat la faculté d'interdire son territoire à des étrangers quand leurs menées ou leurs présence lui paraissant compromettre sa sécurité », p.583 * 23 CPJI, discrètes de nationalité en Tunisie et au MAROC, Série B, n°4, pp23-24 * 24 JDI, 1965, pp98-100 |
|