B. L'autonomie
Comme la plénitude de compétence, l'expression
« autonomie des compétences » peut donner lieu elle aussi
à une interprétation naïve.
Elle signifie pour les volontaristes que l'Etat est
maître de sa compétence et que c'est dans l'exercice
spontané de cette liberté sans bornes qu'il décide
souverainement de limiter ses propres compétences.
Sans doute cette manière de voir n'est-elle pas
totalement irréelle. Elle se plaît toutefois à flatter
l'orgueil de l'Etat en justifiant par la liberté ce qui s'explique par
la nécessité de la vie en collectivité. L'Etat
naît et grandit dans un système international qui le plie à
ses règles de fonctionnement. Devenu membre de la « famille
des nations », l'exercice autonome de ses compétences ne
signifie rien d'autres que sa liberté éclairée et
finalisées par ses propres intérêts, articulés
eux-mêmes sur ceux des tiers et subordonnées à ceux de la
communauté internationale dans son ensemble ; loin d'autoriser
l'Etat à trancher en conscience la question de la guerre et de la paix
ou celle du génocide et de la l'action d'humanité, l'autonomie
des compétences résulte d'une délibération
collective où chaque Etat n'a d'autre liberté que celle
définir son rôle dans un système international
déjà structuré par des valeurs fondamentales
irrécusables.
Le principe de l'autonomie des compétences de l'Etat
postule simplement que l'Etat n'a pas compétence lié dans son
action internationale licite et qu'aucune Contrainte illégitime ne doit
peser sur ses choix et sa conduite. C'est en quelque sorte le principe de vie
de l'indépendance.
1°) L'autonomie juridique de
l'Etat :
La qualité propre à l'Etat d'être un
pouvoir suprême et indépendant, fusionnée avec la notion de
constitution ou d'ordre juridique interne, aboutit à clôturer le
système juridique sur lui-même et à le doter d'une
cohérence et d'une identité propres que son instinct de
conservation tend à reproduire par le contrôle de
compatibilité imposé à toute norme
étrangère. « L'exclusivisme » est le
trait naturel de tout ordre juridique constitué.
Expression radicale de l'autonomie juridique, il porte l'Etat
à faire le DI selon sa volonté, à le lire selon ses
propres signifiés et à l'intégrer à son droit
interne au regard des seules normes de l'ordre juridique national.
Toute ordre juridique se perçoit comme originaire et
suprême et en conséquence comporte des mécanismes de
contrôle de ses communications avec les ordres juridiques concurrents.
En France par exemple, le contrôle de
constitutionnalité des engagements internationaux ne s'effectue pas au
regard des normes du DI. Par ses décisions des 9 avril et 2 septembre
1992 le conseil constitutionnel a définitivement levé toute
équivoque quant à la nature des normes de
références en matière de contrôle de
compatibilité constitutionnelle des engagements internationaux :
les clauses des accords internationaux ne peuvent être confrontées
qu'aux normes constitutionnelles, à l'exclusion des normes du DI
conventionnel ou général.
2°) La liberté d'engagement
international de l'Etat :
L'autonomie de la volonté de l'Etat dans les relations
internationales ne s'exerce pleinement que dans les matières où
il a la liberté de renoncer à certaines de ses
compétences ou de s'imposer des obligations notamment par voie d'accords
internationaux.
La CPJI l'avait indiqué dans l'affaire du vapeur
Wimbledon par un attendu bien connu : la cour « se refuse
à voir dans un traité quelconque, par lequel un traité
s'engage à faire ou à ne pas faire quelque chose, un abandon de
souveraineté.
Sans doute, toute convention engendrant une obligation de ce
genre apporte une restriction à l'exercice des droits souverains de
l'Etat, en ce sens qu'elle imprime à cet exercice une direction
déterminée.
Mais la faculté de contracter des engagements
internationaux est précisément un attribut de la
souveraineté de l'Etat ». La cour indique par ce
considérant que l' « acceptation- renonciation» qui
est aussi une manifestation de la souveraineté confirme
précisément l'étendue réelle de l'autonomie des
compétences.
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