1.2. Influence des vers de terre
géophages sur la stabilité structurale du sol
L'activité des vers de terre endogés se traduit
par un impact positif majeur sur la stabilité structurale du sol,
lié notamment à la production d'agrégats plus stables que
le sol environnant (Shippitalo et Protz, 1988 ; Blanchart, 1992 ;
Blanchart et al., 1997 ; Blanchart et al., 1999 ;
Jouquet et al., 2008 ; Eltaif et Gharaibeh, 2009). Blanchart
et al. (2004) ont identifiés quatre mécanismes majeurs
impliqués dans les processus de stabilisation des turricules : (i)
la taille des particules et la teneur en argiles des turricules, (ii) la
porosité des turricules des vers de terre, (iii) leur teneur en
matière organique, (iv) leur teneur en cations et la nature de ces
derniers.
L'agrégation et l'effet liant induit par les particules
d'argiles, représentent un facteur très important dans les
mécanismes de stabilisation des turricules (Le Bissonais, 1996). La
plupart de formes endogées de vers ingèrent sélectivement
les particules minérales et organiques. Cette sélectivité
se traduit à l'intérieur des turricules, par une texture
généralement plus fine que celle du sol environnant et une forte
teneur en argiles, d'où une augmentation de la stabilité de ces
structures (Barois et al., 1999 ; Blanchart et al.,
1999). Les conséquences de cette sélectivité s'expriment
également au niveau de la porosité, significativement plus faible
à l'intérieur des turricules de vers de terre que celle du sol
environnant (Blanchart et al., 1993 ; Decaëns et
al., 2001). Ce réarrangement de la structure du sol constitue l'un
des facteurs responsables de la stabilisation des turricules. L'incorporation
de matière organique et spécialement de polysaccharides d'origine
microbienne dans les turricules représente également, un facteur
très important dans le processus de stabilisation de ces structures
(Zhang et Schrader, 1993 ; Flegel et al., 1998 ; Oyedele
et al., 2006 ; Botinelli et al., 2009). En outre,
l'augmentation de la stabilité des turricules des vers de terre serait
également liée à leur enrichissement en résidus
végétaux riches en carbohydrates (Shaw et Pawluk, 1986 ;
Guggenberg et al., 1996). Ces observations ont été
étayées par les travaux de Degens (1997), qui a adjoint à
ce mécanisme de stabilisation, une seconde composante liée
à la compression physique exercée sur la terre lors de sa
digestion, et qui stimulerait l'effet liant de la matière organique et
des carbohydrates. Enfin, la nature et le taux de cations,
particulièrement l'ion Ca²+, par leur impact sur les
processus de dispersion et de floculation des argiles (Le Bissonais, 1996),
influencent la stabilité des agrégats. L'enrichissement en
cations des turricules mis en évidence par une multitude de travaux
(Nijhawan et Kanwar, 1952 ; Nye, 1955 ; Roose, 1976 ; Mba,
1979 ; De Vleeschauwer et Lal, 1981 ; Lal et De Vleeschauwer,
1982 ; Mulongoy et Bedoret, 1989 ; Norgrove et Hauser, 1999 ;
Materechera, 2002), entraine une amélioration de la complexation des
colloïdes organiques et des argiles et une augmentation de la
stabilité de ces biogènes (Shippitalo et Protz, 1989 ;
Tisdall et Oades, 1992).
Toutefois, l'amélioration de la stabilité du sol
par l'activité des vers de terre dépend principalement du type de
turricules produits par l'espèce. A l'inverse des turricules
granulaires, facilement disperseables des espèces à effet
décompactant, et qui favorisent un effet de désagrégation
et une perte relative de la stabilité du sol, seules les
propriétés des turricules globulaires (produits par les vers
compactants) possèdent un effet positif sur la stabilité du sol,
son érodibilité et sa sensibilité à la battance
(Blanchart, 1990 ; Nooren et al., 1995 ; Blanchart et
al., 1999). Aussi, de nombreux auteurs ont décrit une augmentation
rapide du pourcentage de macroagrégats stables et du diamètre
moyen pondéral du sol ou MWD (Mean Weight Diameter), induit par
la présence ou l'inoculation d'espèces de vers de terre à
turricules globulaires dans le sol, sous conditions contrôlées en
laboratoire (Mackay et Kladivko, 1985 ; Blanchart et al.,
1990 ; Bossuyt et al., 2006 ; Loranger-merciris et
al., 2008), ou en mésocosmes sous conditions naturelles
(Gilot-Vilenave et al., 1996 ; Blanchart et al.,
1997 ; Blanchart et al., 1999 ; Garvin et al.,
2001 ; Coq et al., 2007 ; Eltaif et Gharaibeh, 2009). Or,
ces deux paramètres (MWD et macroagrégation) étroitement
liés à la stabilité du sol (Le Bissonais, 1996), jouent un
rôle prédominant dans l'évolution structurale du sol. Leur
augmentation met ainsi en évidence l'important potentiel de
stabilisation du sol lié à l'activité de ce type
d'espèces de vers de terre.
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