1.1. Influence des vers de terre
géophages sur la porosité et le fonctionnement hydrodynamique du
sol
Les vers de terre endogés géophages constituent
la forme dominante des communautés de vers de terre des milieux
tropicaux humides (Lavelle, 1978). Ils représentent la part la plus
importante de la macrofaune du sol, en termes de biomasse. L'activité
des formes endogées a été décrite comme ayant un
impact majeur sur les caractéristiques physiques du sol. Ces
ingénieurs de l'écosystème (Jones et al., 1994),
améliorent la porosité, la macroagrégation, le drainage et
la stabilité du sol par le biais de leurs activités
mécaniques et métaboliques en l'occurrence le forage de galeries,
l'ingestion et le rejet de terre, et la production de structures
biogéniques (Blanchart, 1992 ; Gilot-Villenave
et al., 1996 ; Ketterings et al., 1997 ; Blanchart
et al., 1997, Blanchart et al., 2004).
Par leurs activités de consommation, les vers de terre
peuvent ingérer jusqu'à 1 150 tonnes par hectare et par an
dans les savanes humides (Lavelle, 1978). Les importantes quantités de
terre transitant dans le tube digestif de ces organismes couplées
à leurs déplacements verticaux et horizontaux dans les strates de
sol engendrent des modifications majeures au sein de la morphologie du sol. Ils
influencent ainsi, considérablement la formation et la distribution des
pores du sol (Gaucher, 1968, Lee, 1985 ; Lavelle, 1988 ; Barros,
1999 ; Blanchart et al., 1999). En effet, l'ingestion et le rejet
de particules organo-minérales à la surface provoque
l'accroissement du volume de vides dans le sol, affectant la porosité
à toutes les échelles d'observations. L'ingestion des
composés organiques et minéraux, modifient les assemblages des
particules élémentaires et la porosité résultante
de ces assemblages, c'est-à-dire la microporosité (Shipitalo et
Protz, 1989 ; Blanchart et al., 1993; Chauvel et al., 1999),
tandis que les pores résultant de l'agrégation des
déjections déposées dans le sol (pores de diamètre
équivalent compris entre 30 ìm et 1000 ìm)
représentent une grande partie de la mésoporosité
(VandenBygaart et al., 2000). Cette porosité d'assemblage se
différencie des réseaux de galeries par sa morphologie et son
fonctionnement hydrique : une grande quantité d'eau et de solutés
y circule, mais peut aussi y être retenue, d'où un impact
évident sur la capacité de rétention hydrique. En outre,
les galeries résultant de l'activité lombricienne
améliorent la macroporosité du sol. Ces réseaux de
macropores dont l'interconnexion est déterminée par la
présence de mésopores (Lamandé et al., 2004),
constituent des voies préférentielles d'écoulement
(Ehlers, 1975 ; Bouché et Fathel Al-Addan, 1997 ; Trojan et Linden, 1998
; Pérès, 2003) à travers lesquelles l'eau circule
rapidement sous l'action de la gravité (Germann et al., 1984).
L'influence des vers endogés sur la porosité se traduit ainsi par
une amélioration subséquente de la perméabilité et
du fonctionnement hydrodynamique du sol, bien que cette catégorie de
vers n'élabore pas de réseaux de galeries aussi denses que ceux
des anéciques (Casenave et Valentin, 1988) et rebouche souvent leurs
galeries de leurs déjections (Blanchart, 1990 ; Gilot-Vilenave
et al., 1996 ; Langmaack et al., 1999 ; Bastardie
et al., 2003).
Cependant, Aina (1984) a observé que certains vers de
terre par la production de biogènes compacts, peuvent entrainer des
effets contraires sur les propriétés du sol, se traduisant par
une baisse de l'infiltration et une augmentation de la densité du sol.
Ces observations ont été corroborées par des études
plus récentes qui ont montré que les effets des formes
endogées de vers de terre sur les propriétés physiques du
sol peuvent varier considérablement. Ainsi, en fonction de l'impact de
leur activité sur la structure générale du sol, on
distingue : les espèces « compactantes », et
les espèces « décompactantes » (Blanchart
et al., 1997 ; Lavelle et al., 1997 ; Hallaire et
al., 2000). Blanchart (1990) rapporte que l'activité des vers
endogés à effet compactant conduit à une augmentation du
volume poral, de la capacité de rétention hydrique, de la
stabilité structurale et à une réduction de la vitesse
d'infiltration de l'eau dans le sol. A l'inverse, l'introduction de vers
à effet décompactant entraine l'augmentation de la
perméabilité du sol et la réduction de la capacité
de rétention en eau.
En outre, ce groupe fonctionnel est responsable de la
destruction de la macrostructure du sol en agrégats plus petits et plus
fragiles. Derouard et al. (1997) confirment ces observations
grâce à une expérimentation en pots (mésocosmes)
dans laquelle ils ont mis en évidence le caractère compactant et
l'impact négatif de l'espèce Millsonia omodeoi
(Acanthodrilidae) sur l'infiltration, s'opposant aux effets des eudrilidae
Chuniodrilus zielae, et Hyperiodrilus africanus. De
même, les travaux de Gilot-Villenave et al. (1996) ont
relevé en mésocosmes, une baisse significative de l'infiltration,
induite par l'inoculation du géophage M. omodeoi. Ces auteurs
ont relié cette baisse à une réduction de la
microporosité du sol engendrée par l'activité du ver
étudié et aux caractéristiques spatiales des galeries
qu'il élabore (subhorizontales et souvent rebouchées par les
déjections du ver-lui-même).
Des observations analogues ont été faites dans
les ultisols péruviens inoculés avec l'espèce compactante
Pontoscolex corethrurus (Oligochaeta : Glossoscolecidae) (Alegre
et al., 1996 ; Chauvel et al., 1999 ; Barros et
al., 2004). Les
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fortes densités de ce ver, couplées à
l'absence d'espèces à effet décompactant dans le sol ont
entrainé une augmentation considérable de la densité
apparente, de la macroagrégation et une baisse de l'infiltration et de
l'humidité. L'étude de l'influence de ce ver sur la structure des
horizons supérieurs de sol, réalisée à partir de
l'analyse d'images de sections fines de sols, par Hallaire et al.
(2000), a révélé que les changements structuraux
observés étaient liés à la réduction de la
connectivité entre les pores et à l'augmentation de la compaction
des horizons superficiels, causée par la coalescence des turricules
produits par cette espèce. Les mêmes auteurs ont également
montré que l'apport de matière organique au sol se traduisait par
une stabilisation de la structure du sol caractérisée par
l'absence de compaction en dépit de la production élevée
d'agrégats denses, et l'augmentation de la connectivité au sein
du réseau poral.
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