Les enjeux de la
programmation d'une mixité de fonctions
Le territoire du Bas Chantenay est majoritairement
économique, notamment sur sa partie ouest. Sur la partie est,
l'accès au fleuve n'étant plus indispensable comme il
l'était à l'époque des chantiers navals, il faut se poser
la question de l'introduction d'une certaine mixité par l'habitat, le
tertiaire, les commerces, équipements et lieux culturels, comme
l'étude de définition de Pierre Gautier l'avait abordé en
2008, et en prenant en compte les préconisations de l'étude
économique menée par Nantes Métropole.
Marcel Smets 2011
Il faudra aussi garder en tête la volonté
politique de conserver une activité économique dominante sur le
quartier, et de faire avec ces acteurs du monde de l'entreprise, en les
impliquant dans la conception du projet. Car en effet, comme l'explique
simplement Laurent Théry (2009), ancien directeur de la SAMOA
aujourd'hui directeur d'Euralille et Grand Prix d'urbanisme, « quand
un territoire a un projet, il gagne en attractivité pour les
entreprises. Et quand on rencontre des chefs d'entreprises, la plupart du
temps, ils s'intéressent en réalité beaucoup moins aux
aides financières qu'à l'évolution du tissu dans lequel
ils vivent. (...) Quand on est capable de leur montrer que ce tissu est en
mouvement, qu'il a un projet, qu'il va quelque part (...), c'est quelque chose
qui compte beaucoup dans le développement d'une
entreprise. »
Les enjeux
règlementaires : intégrer des contraintes fortes
Le Bas Chantenay est un territoire contraint. Par la taille de
ses emprises, par l'enchevêtrement de réseaux de transports peu
coordonnées, mais aussi par des contraintes latentes que sont la
pollution liée à l'histoire industrielle du site et le risque
d'innondabilité, ce malgré la présence de berges
urbanisées.
Ainsi, si l'eau est un élément très
important sur ce territoire et en fait toute la qualité, cet
élément représente aussi de fortes contraintes
(enclavement, risque d'inondation). Le nouveau PPRI (Plan de Prévention
du Risque d'Inondation) est en cours de finalisation et fait ressortir une
cartographie plus fine des zones sensibles. Le secteur du Bas Chantenay devrait
être ainsi soumis à un aléa inondation moyen à fort
sur les berges, et faible à moyen sur certaines zones du territoire plus
au nord, notamment des espaces identifiés comme porteurs de projets, tel
le boulevard de Chantenay (ancien canal). Cette contrainte forte devra donc
influencer les mesures proposées par l'urbaniste, duquel il sera attendu
une approche sensible.
En termes de pollution, à priori, le territoire du Bas
Chantenay a subi l'influence de deux types de pollution :
- La pollution liée aux produits chimiques et
matériaux utilisés pour les activités industrielles
elles-mêmes ;
- La pollution des matériaux utilisés pour
remblayer, notamment en bord de Loire, et dont l'origine est bien souvent
inconnue.
Ces contraintes ne sont pas identifiées
précisément aujourd'hui. Elles vont avoir comme
conséquences :
- Une intégration de cette préoccupation
dès la phase de conception générale avec des orientations
adaptées aux niveaux de pollution suspectés ou
constatés ;
- Une prise en compte plus fine des faisabilités
d'aménagement ou de changement de destination, proposant des
morphologies adaptées au confinement ou autres mesures de gestion de la
pollution ;
- Une rationalisation des mouvements de terres et mises en
décharge.
L'ensemble de ces contraintes est, de manière
étonnante, cartographiée par un des candidats, l'équipe
formée par Christian Devillers. Nous nous permettons donc de reprendre
sa production afin de synthétiser ces enjeux.
Devillers, note d'intention (2012)
Sur la pollution du sol, nous apprécions l'approche de
l'atelier Reichen & Robert, qui considère cet élément
comme une ressource pour le projet. Comme d'autres équipes, il
préconise d'intégrer cette question dès les phases
initiales de conception du programme et du projet, afin de s'y adapter au
mieux, tout en gardant « une plasticité suffisante au projet
pour permettre des adaptations au cours de sa mise en oeuvre ». Mais
il aborde aussi une approche pragmatique qui nous semble juste : pour ce
candidat, le sol, « matière et ressource, est largement
oublié dans la conception des villes aujourd'hui ». Ainsi il
affirme vouloir « régénérer, réutiliser,
recouvrir ; (car) le sol est une matière vivante, jamais un
déchet ». L'équipe réunie autour de GOA propose
une approche identique, en affirmant que « l'ensemble doit rester sur
le site quelle que soit sa transformation, dépollution, recomposition,
remodelage, réutilisation... Les matériaux de
déconstruction (...) peuvent être réutilisés pour un
nouvel usage : les déblais pour former les reliefs d'un projet, les
gravats pour les fonds de chaussées, le bois de charpente pour le
mobilier urbain (...). Ces principes participent à l'évolution du
site dans le temps, ils lui donnent un visage, une vocation et une organisation
spatiale selon les procédés employés ».
De ces contraintes, et particulièrement sur le sujet de
l'innondabilité, nous sommes également sensibles à
l'approche de l'équipe réunie autour de l'atelier Roland Castro.
Ce dernier a produit, dans le cadre du Grand Paris, un travail intitulé
« Vivre le fleuve », issu des publications « Les
Chemins de l'Urbanité » menées par l'Atelier Castro
Denissof et Nexity Ville & Projets, dans lequel il explicite sa vision des
possibilités d'urbanisation des berges de cours d'eau.
« Vivre le fleuve », Atelier Castro
Denissof et Nexity Villes & Projets (2012)
L'équipe exprime ainsi dans sa note d'intention un
argumentaire appuyé pour une culture de projet davantage que le strict
respect d'un cadre règlementaire. Il énonce que « la
culture juridique du principe de précaution ne prend pas toujours en
compte la réalité des territoires, ni le formidable potentiel
d'innovations techniques en la matière. Tout en prenant en
considération les contraintes imposées par le PPRI, nous
promouvons une culture de projet et souhaitons mettre en valeur la
géographie, la poésie, la beauté de ce quartier au bord de
l'eau ». L'atelier exprimera sa position en ces termes :
« L'eau et la végétation pourraient s'installer au sein
même du quartier en aménageant par exemple des bassins qui
évoqueraient le rivage proche (...) ».
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