Problématique de la fondation épistémologique des sciences de la culture chez Ernst Cassirer( Télécharger le fichier original )par Marcellin Tibérius KALOMBO MBUYAMBA Université catholique du Congo - Master 2011 |
CHAP.IAPPROCHE HISTORIQUE ET METHODOLOGIQUE DES SCIENCES DE LA CULTUREI.0. Introduction
L'objectif principal de notre étude est de montrer la spécificité scientifique des sciences de la culture par rapport aux sciences de la nature. La réalisation d'un tel projet, nécessite un préalable que nous impose l'histoire des sciences. En effet, il nous semble impérieux de révéler l'ordre suivant lequel les domaines scientifiques se sont émancipés avec le bénéfice de montrer comment a émergé la difficulté qui nous a amené à cette étude à savoir, le statut épistémologique des sciences de la culture au regard offert par les sciences physico- mathématiques. Brièvement, il faut déjà noter qu'au départ ce sont les sciences de la nature ou empirico formelles qui se sont émancipées mais avec le temps, la communauté scientifique a compris que les faits humains pouvaient aussi être objet d'étude de la science, puisque les sciences physico-mathématiques amassaient du succès, on a naturellement voulu calquer les sciences humaines sur ce modèle. Mais, petit à petit, on s'est rendu à l'évidence la vanité d'une telle entreprise. D'où, a vu le jour une recherche encore chancelante sur la scientificité particulière des sciences de la culture. Nous décrirons ce parcours historique en trois phases. Il s'agira de montrer comment s'est constitué et s'est particularisé l'objet des sciences de la culture dans l'histoire des sciences, ensuite nous verrons l'émergence des sciences de la culture au XIXe siècle, finalement nous parcourons les approches méthodologiques des sciences de la culture. I.1. Constitution de l'objet des sciences de la culture dans l'histoire des sciences.Cette partie annonce déjà l'entrée dans l'histoire des sciences au cours de laquelle, le développement accéléré des sciences de la nature a fait qu'elles soient naturellement le modèle de scientificité d'abord à travers une généralisation des paradigmes, et tellement que ce développement a donné du succès à ces sciences, elles se sont considérées par la suite comme modèle de l'harmonie, de l'ordre dans l'univers. Enfin, le couronnement de cette hégémonie des sciences exactes a été atteint par l'affirmation de la mathématique universelle comme la science de référence au temps moderne. I.1.1. Hégémonie des sciences de la nature et généralisation des paradigmes.Depuis l'antiquité, au cours du développement des sciences, les recherches scientifiques ont été orientées vers la quête de la première matière qui constitue chaque réel. C'est ce qui s'appelait « archè phusis ». Les premiers penseurs qui étaient aussi des hommes des sciences, ont réfléchi notamment sur les problèmes physiques et astronomiques. Cette influence s'est remarquée également dans les religions primitives et le monde mythique à travers l'adoration des astres. En plus, l'on se rappellera que les philosophes qui ont élaboré leurs pensées avant Socrate étaient appelés aussi naturalistes ou physiologues, parce qu'ils se sont intéressés au fonctionnement de la nature. C'est dans ce cadre qu'il faudrait inscrire la philosophie platonicienne qui affirme que, la pensée a commencé avec l'étonnement. Mais, s'agissait-il de quel étonnement ? Ce qui est sûr, l'objet principal de cette interrogation philosophique a été le monde physique, astronomique4(*). Ainsi, les premières connaissances scientifiques s'évertuaient à expliquer les phénomènes naturels par des causes naturelles. Comme nous venons de le dire, ces philosophes tiennent un discours rationnel sur la nature. L'on voit les penseurs comme Thalès et Pythagore qui ont contribué à la naissance des mathématiques, de l'astronomie et de la théorie de la musique. En outre, ils ont cherché tous à imputer la constitution du monde à un principe naturel unique. Eu égard à ce qui précède, depuis l'antiquité jusqu'à XIXème siècle, il y a eu l'explosion des théories des sciences de la nature avec le prototype de la physique, dont l'essence était dans les mathématiques. Déjà dans l'antiquité, l'on observait l'élan de la mathématique-géométrique chez certains philosophes. Au fronton de l'académie platonicienne il est écrit : que nul n'entre ici s'il n'est géomètre5(*). En effet, Platon analyse les formes géométriques et les appliquent aux atomes proposées par les présocratiques. Dans ce cadre, on dira qu'il inaugure une nouvelle voie qui sera essentiellement approfondie par Descartes et les autres modernes par le principe de la mathématique universelle. Comme on peut le constater, Aristote était plus attaché à l'observation directe de la nature que Platon. En plus, celui-ci suivait l'orientation de Pythagore, qui à l'origine de la cause formelle et pour laquelle, la connaissance de l'harmonie mathématique était la clé de la structure de l'univers. Ainsi, Platon cherche le système des régularités et réduit le mouvement à son squelette algébrique : pour expliquer les transformations chimiques fondamentales, il a recouru aux types de triangles et aux formes géométriques6(*).Cette théorie de la mathématisation et de la géométrisation platonicienne est encore utilisée dans la pensée contemporaine, le cas de la mécanique quantique. Avec Aristote, la théorie systématique des sciences de la nature devient effective. Ainsi, la nature ou la phusis, demeure la référence incontournable dans la classification des sciences aristotélicienne7(*). Dans cette classification, c'est le troisième groupe, celui des sciences théoriques comme les mathématiques, la physique et la métaphysique, qui occupe la plus haute considération. D'ailleurs, chez Aristote, deux axiomes épistémologiques confirment ce que nous avons dit : le principe d'uniformité de la nature et le principe d'économie. En effet, le fait que la nature est uniforme, c'est-à-dire elle se présente comme une unité, doit tout de même être intérieur à notre intelligibilité et susciter en elle le modèle de la concordance observée dans la nature. Cependant, le développement accéléré des sciences de la nature a commencé à partir de temps moderne où l'on observait également la généralisation des paradigmes scientifiques. Dans ce sens, un paradigme se présente comme étant une matrice qui conduit la recherche à l'intérieur du domaine scientifique qu'il régit8(*). A l'époque moderne, on cite Galilée, Kepler, Copernic et Newton, qui ont révolutionné l'astronomie, la cosmologie et la physique. Ainsi, la cosmologie classique moderne trouve ses racines et ses fondements dans l'astronomie antique, qui avait le caractère géométrique. En effet, parmi les révolutions cosmologiques du temps moderne, on cite celle de Nicolas Copernic qui transférait le centre de l'univers, de la terre au soleil (héliocentrique). En plus, le système copernicien devrait être complété par celui de Galilée et par Kepler également. Galilée vers 1590, était convaincu que la vérité de l'astronomie copernicienne est son hypothèse héliocentrique. Aussi, il était le créateur de la nouvelle science de la dynamique et le précurseur en faveur du combat de la vision copernicienne du mode. Kepler est le premier dans sa théorie du mouvement des planètes, à formuler les lois exactes de la nature. Eu égard à ce qui précède, le système Newtonien était admis comme le prototype de toute connaissance parvenue à son état d'achèvement définitif. Aussi, il faut dire que les diverses disciplines qui sont nées vers la fin du XIIIème siècle ne procèdent pas du seul développement de la méthode. Mais, elles résultent plutôt d'une inspiration centrale, unifiante, à partir de la mécanique céleste. Avec Newton, on obtient le premier paradigme : « la loi de l'attraction universelle et la théorie corpusculaire de la lumière qu'il reliait à sa grande synthèse de la mécanique. »9(*). Il s'ensuit que, la généralisation du paradigme newtonien engendre un monisme épistémologique dont les effets à long terme pèseront sur le développement des sciences de la culture, condamnées à se former sur le modèle des sciences physico-mathématiques. C'est ainsi que Cassirer s'exprime : « il nous faut apprendre de ce développement que, pour déterminer le sens scientifique de la matière, nous ne pouvons plus nous contenter de l'usage d'un unique défini de concepts physiques. »10(*). On le voit, l'hégémonie des sciences de la nature dans l'histoire des sciences, n'est pas un fait du hasard, il relève du contexte dans lequel les sciences sont nées et ont évolué. Bien plus elle se fonde aussi sur l'image harmonieuse qu'offre la nature et qui inspire uniformité, ordre et unité. * 4. Ernst CASSIRER., Logique des sciences de la culture, p.75. * 5 PLATON. , Timée dans oeuvres complètes, bibliothèque de la pléiade, tome2. Paris, 1977, p.480 * 6 A. KREMER-MARIETTI., Philosophie des sciences de la nature, Paris, 1999, p.50 * 7 ARISTOTE., Topiques VI, 6,145 a 15 ; VIII, 1,157a10, in organon V, cité par A. KREMER- MARIETTI., O.C, p.51 * 8 ALAN F. CHALMERS., Qu'est-ce que la science ? Récents développement en philosophie des sciences : Popper, Kuhn, Feyerabend, Paris, 1987, p.152 * 9 A. KREMER-MARIETTI., O.C, p.91 * 10 E. CASSIRER., L'idée de l'histoire. Les inédits de Yale et autres écrits d'exil, Paris, 1988, p.10 |
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