Problématique de la fondation épistémologique des sciences de la culture chez Ernst Cassirer( Télécharger le fichier original )par Marcellin Tibérius KALOMBO MBUYAMBA Université catholique du Congo - Master 2011 |
II.1. Spécificité épistémologique des sciencesIl s`agit ici de d'élucider la spécificité de chaque type des sciences. En effet, les sciences de la nature étudient la nature car, elle est considérée comme son objet d'étude, tandis que les sciences de la culture s'occupent des productions de l'homme. II.1.1. Les sciences de la natureAvant de pouvoir spécifier l'épistémologie de chaque science qui fait l'objet de cette partie, nous voulons d'abord montrer la manière dont Ernst Cassirer considère la science. En effet, dans la structure des formes symboliques Cassirerienne, « la science constitue la dernière étape du développement intellectuel de l'homme et peut être considérée comme la réalisation la plus haute et la plus caractéristique de la culture humaine »88(*). En plus, la science reste l'une des productions la plus extraordinaire de l'homme. De ce fait, il existe une pluralité des domaines auxquels la science s'intéresse ; et cette diversité des faits à étudier, engendre également plusieurs méthodologies. C'est ainsi que pour notre cas, le débat autour de la scientificité des sciences de la culture reste d'actualité et ne peut se comprendre qu'en le comparant avec les sciences empiriques de la nature. Encore, l'objectif à atteindre dans la démarche scientifique est d'arriver au résultat concret pour la vie de manière générale : il s'agit de l'opérationnalité89(*), terme cher à Jean Ladrière. C'est pour cette raison que André Lalande définit la science comme étant « l'ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d'unité, de généralité, et susceptibles d'amener les hommes qui s'y consacrent à des conclusions concordantes qui ne résultent ni des conventions arbitraires, ni des goûts ou des intérêts individuels qui leur sont communs, mais des relations objectives qu'on découvre graduellement et que l'on confirme par des méthodes de vérification définies »90(*). Nous pouvons rappeler que les sciences de la nature sont issues du dualisme né dans le milieu allemand pour les différencier avec les sciences de la culture. En sus, les sciences de la nature « nous enseignent à épeler les phénomènes, pour pouvoir les lire comme des expériences »91(*). Ainsi, les sciences de la nature sont celles qui étudient la nature, la phusis. Car, la nature est directement l'objet sous nos propres yeux. En plus, cette nature est notre vision physique du monde dans lequel nous habitons. En partant du principe kantien de la régulation et de la constitution des sciences, il est à dire que les sciences de la nature constituent leur propre objet de la connaissance. Les sciences de la nature étudient la nature à un niveau élevé jusqu'à élaborer les lois générales, en partant des observations qui résultent de notre propre environnement physique. Par exemple : Newton observe la chute des feuilles d'un arbre ; élargit ces découvertes pour parvenir à des lois universelles de la « gravitation qui englobent la totalité de l'espace »92(*). Il s'ensuit que, la spécificité épistémologique des sciences de la nature est l'étude de la nature dans une méthodologie et des procédés très claires. Plus fidèlement à l'auteur, « les sciences de la nature ont en principe une méthodologie claire. Les techniques raffinées des laboratoires offrent le modèle de définition pour l'expérience scientifique »93(*). Les procédés ou les techniques utilisées dans ces sciences, ne posent aucun problème du point de vue de la légitimité épistémologique. D'ailleurs, l'on s'accorde pour affirmer que beaucoup de domaines dans les sciences de la nature opèrent scientifiquement par des méthodes d'expérimentations des faits au laboratoire. En plus, les résultats obtenus lors des ces expériences sont indiscutables ; car en suivant par exemple la méthodologie inductive de Claude Bernard dans l'introduction à l'étude de la médecine expérimentale94(*), les sciences de la nature commencent d'abord par l'observation des faits, ensuite on passe à l'hypothèse expérimentale et à la vérification expérimentale, enfin à la construction des théories et des lois. Outre les méthodes expérimentales, les sciences de la nature, à travers l'essence mathématique, procèdent par les méthodes axiomatiques et le logicisme c'est-à-dire toute tendance de la formalisation de la pensée sous le concept mathématique. Ainsi, compte tenu de la pluralité des sciences et de leur spécificité, il résulte également que les sciences sont des activités qui déroulent aussi dans une pluralité des méthodes. C'est pour quoi elles doivent déjà bien avant choisir les aspects qu'elles veulent développer pour que les objets à étudier entrainent la découverte des « phénomènes propres à cette méthode »95(*). Concernant la spécificité de la physique qui est le prototype des sciences de la nature, elle cherche un certain nombre de constantes universelles, qui sont sous-jacentes au changement des choses sensibles, à leur mouvement, à « leurs transformations énergétiques »96(*). De ce fait les lois que la physique conçoit s'expriment sous forme des équations de forme y=f(x). Par ailleurs, par la méthodologie expérimentale, la science nous propose des énoncés vérifiables mais qui ne sont pas des vérités immuables, parce qu'il y a une histoire des sciences, au cours de laquelle une bonne partie des énoncés ont été « transformés ou remplacés »97(*). Les sciences de la nature commencent aussi à partir de nos expériences ordinaires de la vie pour arriver à élaborer des lois universalisables et des hypothèses scientifiques. En plus, les résultats pratiques que nous obtenons à partir de nos activités empiriques dans ces sciences, sont souvent indiscutables. Ainsi, la méthodologie scientifique dans les sciences de la nature est claire et leur conceptualisation ne porte aucun risque dans le changement des paradigmes qui s'opère au sein de leur développement historique. C'est pourquoi le professeur Akenda parle des « fondements conceptuels et méthodologiques indiscutables »98(*). En sus, ce qui fait la force conceptuelle des sciences de la nature est le fait qu'elles se développent sur des « structures immanentes et déterminent leurs concepts en fonction des buts internes assignés à leur praxis scientifique »99(*). Un tel modèle a été admiré presque par toute science qui devrait se prétendre comme science et appliquer ses principes au niveau universel. C'est ainsi que, suivre le modèle de la science de la nature était inévitable à cause de leur méthode et de leur concept qui permettaient un bon déroulement des théories au sein de leur histoire. Donc, de manière succincte, les sciences de la nature ont pour objet l'étude de la nature, c'est-à-dire « elles déterminent les concepts sensés avec lesquels les rapports entre les phénomènes de la nature peuvent être représentés. Ces rapports seront considérés après examen systématique, comme enchainements généraux et légitimes, comme détermination des fonctions scientifiquement représentables que les sciences de la nature produisent et constituent leur nature »100(*). Concernant leur méthode, la méthode expérimentale, est plus souhaitée à cause de l'exigence de la vérification et de la testabilité au niveau des laboratoires et des centres de recherches. Le but ou l'objectif de ces sciences est d'arriver à élaborer les lois universelles pour une réalité qui découle également de la nature. C'est pourquoi, on dit que ces sciences sont nomologiques, car elles fixent les lois au bénéfice général de la communauté scientifique. Il appert de ce qui précède que, la perspective et la méthodologie des sciences au sein des sciences de la nature ont attesté l'unité avec laquelle ces sciences évoluent. La conclusion nous conduit à la thèse selon la quelle : le fondement scientifique des sciences de la nature, ne pose aucun problème de la légitimité scientifique dans la mesure où, leur méthodologie, leur conceptualité ne laisse entrevoir aucune difficulté d'ordre épistémologique. Cependant, la même clarté serait-elle observée également dans les sciences de la culture ? * 88 E.CASSIRER., Essai sur l'homme. Paris, 1975, p.286 * 89 J.LADRIERE., sciences et discours rationnel, p.555 * 90 A.LALANDE., vocabulaire technique et critique de la philosophie. Paris, 1976, p.1319 * 91 E.CASSIRER., Logique des sciences de la culture, p.175 * 92 E.CASSIRER., Logique des sciences de la culture, p.164 * 93 J-C AKENDA., Epistémologie structuraliste et comparée, p.71 * 94 C. BERNARD., Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, Paris, 1966, p.48 * 95 J-P-VIAL., Philosophie des sciences de la nature. Tendances nouvelles, p.85 * 96 J-P-VIAL., O.C., p.86 * 97 G.G.GRANGER., L'évolution des vérités scientifiques, dans La science et les sciences, p.103. * 98 J-C AKENDA., O.C., p.72 * 99 J-C AKENDA., O.C., p.77 * 100 J-C AKENDA., O.C., p.77 |
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