La fratrie en droit( Télécharger le fichier original )par Thibaut GOSSET Université Paris Sud - Master II Droit 2013 |
B/ L'indifférence du droit à l'égard des quasi-fratries131. Diversité des quasi-fratries - Le droit n'appréhende qu'imparfaitement les quasi-fratries, ce que justifient la pluralité et l'hétérogénéité des hypothèses envisageables et l'impossibilité de procéder à une complète « typologie des fraternités »196(*). Etrangement, les quasi-fratries les moins litigieuses sont les mieux organisées. Ainsi, l'article 356 du Code civil régit la fratrie biologique séparée par une adoption plénière tandis que la Loi du 11 juillet 1975 a mis fin à tout empêchement à mariage entre alliés en ligne collatérale, repoussant hors de la sphère juridique la fratrie « par alliance ». En revanche, le droit ignore totalement la situation des enfants unis par le couple de leurs parents ou par le placement dans une famille d'accueil. Il n'existe entre eux aucun empêchement à mariage (C.civ., art. 161) ni, corrélativement, aucune vocation successorale (C.civ., art. 734). En outre, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale (C.civ., art. 111-4) interdirait de leur étendre les immunités pénales qui profitent aux frères. 132. Indifférence critiquable à l'égard des quasi-fratries - Deux lectures peuvent alors être faites de cette différence de traitement197(*). Une première approche conduit à considérer qu'il n'y a pas de discrimination à traiter de manière différente des situations différentes. Objectivement, les quasi-frères ne peuvent être assimilés aux frères par le sang, et n'ont pas à recevoir la qualité de frères. L'ensemble serait, certes, un « groupe fraternel », mais pas une fratrie198(*). 133. Une seconde lecture tient compte des finalités de la règle en cause. Dès lors que la norme considérée s'attache à la seule qualité de frères, rien ne justifie d'en refuser l'application aux quasi-frères sur le fondement d'une absence de lien de sang indifférente. Or, les enfants « élevés comme frères alors qu'ils ne le sont pas »199(*) se trouvent, de fait, dans une situation similaire à celles des frères : leur union est subie et orientée vers un passé constitué du couple parental200(*). Les liens affectifs nés de la vie commune impliquent également la mise en place de règles tendant à l'éclatement et la mise en concurrence des quasi-frères, et justifieraient la reconnaissance d'une solidarité fraternelle. Les caractères et les fonctions de la fratrie se retrouvent donc manifestement dans ces rapports, à condition cependant que l'union des enfants soit intervenue à un âge suffisamment peu avancé, de telle sorte que leur construction individuelle ait intégré la place du quasi-frère201(*). 134. Dans ce cas, la distinction entre quasi-frères et frères de sang apparaît discriminatoire, la parenté biologique n'étant pas déterminante. Si les quasi-frères concentrent l'ensemble des critères de définitions de la fratrie, par le caractère subi et tourné vers le passé de leur union, il semblerait donc pertinent de réfléchir à l'extension, à leur égard, du statut de frères. * 196 Véronique TARDY, « Les fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit. * 197 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène THÉRY, Quels repère pour les familles recomposées ? (dir.), Droit et société (LGDJ), n° 10, 1995, p. 26 * 198Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit. * 199 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille éclatées, familles reconstituées », art. cit. * 200 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein de familles recomposées », Dossiers d'études. Allocations Familiales, n° 47, 2003, spéc. p. 18 * 201 Marcel RUFO, Christine SCHILTE, Frères et soeurs, une maladie d'amour, op. cit.,, p. 27 |
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