Action internationale en faveur de la démocratisation du Togo( Télécharger le fichier original )par To௠KPOBIE Université de Lomé Togo - Diplôme d'études Approfondies 2012 |
Section première : les techniques d'incursion limitées.Les techniques d'incursion sont un ensemble d'instruments ou de méthodes auquel la communauté internationale a recours pour rendre concrètes ses ambitions. Selon les circonstances, nous pouvons distinguer les techniques limitées d'usage en temps de paix (paragraphe premier) de ceux d'usage, en temps de crise (paragraphe deuxième). Paragraphe premier : les techniques d'incursion limitées en temps de paix.Deux techniques couramment utilisées sont notable en temps de paix au Togo. Il s'agit de l'appui à la consolidation de la démocratie qui se révèle insuffisant (A) et de l'observation internationale des élections, quant à elle dévalorisée (B). A- L'insuffisance de l'appui à la consolidation de la démocratie. C'est un mécanisme qui permet à la communauté internationale d'assister aussi bien financièrement que techniquement les institutions togolaises chargées normalement de promouvoir, de défendre, de faire respecter ou de protéger les droits de l'homme, les valeurs démocratiques et l'Etat de droit. Ainsi, dans les années 1990, les autorités togolaises ont bénéficié d'une assistance technique du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, axée sur la sensibilisation et la formation pour le développement d'une culture démocratique. Ce projet comportait deux composantes. La première se rapportait aux droits de l'homme dans l'administration de la justice, aux formations de groupes professionnels, à l'assistance à la commission nationale des droits de l'homme ainsi qu'aux organes législatifs. La deuxième composante était relative aux besoins en matière d'éducation aux droits de l'homme, la formation du corps enseignant en vue de l'intégration de l'enseignement des droits de l'homme. Etabli en 1996, ce projet de coopération technique s'est achevé en 1998 et à fait l'objet d'une évaluation en juin 1999. La mission d'évaluation a conclu à sa bonne exécution118(*). Toutefois, ne serait-ce pas les insuffisances de ces actions qui justifient de nouveaux appuis de la part de cette communauté internationale à la consolidation du processus démocratique dans les années 2000 ? Le projet relatif au programme de modernisation de la justice togolaise lancé en 2007, hautement financé par les bailleurs de fonds internationaux en l'occurrence l'Union Européenne en est une parfaite illustration119(*). C'est toujours dans le but de pallier à ces insuffisances qu'il est mis en place le Programme de Pays pour la période 2008-2012 du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), dont l'un des objectifs vise l'amélioration de la gouvernance en général et de la gouvernance démocratique en particulier, l'appui au Ministère des Droits de l'Homme et de Consolidation de la Démocratie (MDHCD) dans l'élaboration de « la Stratégie nationale de consolidation de la Démocratie et de la Paix pour le développement au Togo »120(*). De même, c'est dans le souci de consolider le processus électoral de 2010 au Togo, que le Projet d'appui au processus électoral (PAPE), financé par l'UE et mis en oeuvre par le PNUD, a, le 28 décembre 2009, en accord avec la CENI, lancé un appel à propositions pour engager les organisations de la société civile dans la sensibilisation et la formation au vote. Le budget total consacré à la sensibilisation des électeurs a atteint 100 millions de francs CFA (environ 152 000 euros)121(*).
Ainsi, bien que cette technique d'appui à la consolidation de la démocratie est une technique aux intentions nobles, elle contient en elle-même ses propres limites d'autant plus qu'elle revêt la forme d'une aide. En d'autres termes les acteurs internationaux sont libres d'accompagner ou pas l'Etat togolais et ceci, selon les moyens disponibles, donc indépendamment du besoin sans cesse croissant de cette Nation. Pire, le Togo est devenu pratiquement esclave de cet appui surtout à chaque fois qu'il y a lieu d'organiser les élections, alors que cet appui devrait au contraire l'aider à être autonome à long terme.
Qu'en est-il de la dévalorisation de l'observation internationale des élections ? B- L'observation internationale des élections : une observation dévalorisée.
Le recours, par la communauté internationale à cette technique d'incursion résulte des préoccupations relatives à la liberté et à l'équité des élections. En effet, l'observation internationale des élections est devenue un important mécanisme, pour assurer l'intégrité électorale des pays en voie de démocratisation. « Cheval de Troie du nouveau constitutionnalisme »122(*) africain, elle jouit aujourd'hui, d'une acceptation universelle et contribue à augmenter la confiance lors des élections, et à évaluer la légitimité d'un processus électoral et de ses résultats123(*). Comme, il en est de même pour la majorité des jeunes démocraties de l'Afrique, le Togo n'échappe pas aux assauts de cette technique qui a à son actif pas moins d'instruments internationaux et régionaux, comme assises juridiques de son fonctionnement. Sans vouloir faire l'état des lieux de tous les instruments juridiques124(*), nous pouvons citer comme instrument de base, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques les résolutions de l'ONU sur le renforcement de l'efficacité des principes des élections honnêtes et périodiques125(*). Il faut aussi ajouter que les observateurs signalant leur présence au Togo sont souvent d'origines diverses126(*). En outre, il ne faut pas considérer a priori que les instruments juridiques précités signifient automatiquement une intervention électorale de la communauté internationale127(*). L'autorisation préalable de l'Etat intéressé est nécessaire avant tout déploiement des observateurs internationaux. Toutefois, une convention, surtout de résolution de conflits peut contenir d'avance une telle autorisation et préciser les modalités de l'observation128(*).
Cependant, il semble que la pratique de l'observation internationale des élections au Togo est désacralisée sinon, elle est purement formaliste. L'importance relative que les acteurs politiques internes en font des rapports finaux des missions d'observations en est révélatrice, d'autant plus que ces acteurs se plaisent à se fier uniquement aux parties avantageuses des rapports finaux. De même, cette attitude de dénigrement du mécanisme de l'observation internationale des élections fut flagrante, lors des élections présidentielles de 1993 et de 2002 au Togo. En fait, l'on a eu à assister à des exclusions de plusieurs organisations non gouvernementales telle que le Groupes d'Etude et de Recherche sur la démocratie et le Développement Economique et Social(GERDDES) et de l'Union Internationale des Droits de l'Homme (UIDH) ou de l'UE, parce qu'elles sont supposées proches de l'opposition par le pouvoir en place130(*). La pratique de l'observation internationale des élections constitue donc, une pierre d'achoppement au processus de démocratisation au Togo. Ce fut également le cas au Kenya. En effet, le seul fait que le National Démocratic Institute, n'ait pas pu apporter de l'aide prévue aux organisations civiques dans le cadre des élections présidentielles de 1992, il a été exclu de l'observation du processus électoral131(*). En somme, si la technique d'observation internationale des élections contribue à consolider la démocratie en Afrique comme ailleurs, au Togo sa réalisation parait être malheureusement un exercice difficile à résoudre. Par ailleurs, en temps de crise les stratégies d'incursion des acteurs internationaux ne sont plus les mêmes, mêmes si elles connaissent des limites ? * 118 Rapport de l'O.N.U. Togo. Avant, pendant et après les élections présidentielles de 2005. Ibid. * 119 De façon brève, ce programme consiste à construire et à renouveler les enceintes et les locaux des tribunaux ainsi qu'à la formation qualitative et quantitative des professionnels de justice. * 120 Il s'agit donc, d'accompagner les institutions de la République dont le fonctionnement normal participe à la consolidation de la paix et de démocratie, grâce à l'instauration d'une plus grande confiance entre la société civile et les partis politiques, grâce à la transparence dans la gestion et le fonctionnement efficient des systèmes de contrôle du fonctionnement de l'Etat. Disponible sur www.Unpd.org. * 121 Rapport final - M.O.E-U.E sur l'élection présidentielle de 2010 au Togo. P. 7. * 122 Dodzi KOKOROKO, cité par KPEDU (Y.), op cit, p.183. * 123Institut international pour la Démocratie et l'Assistance Electorale (IDEA), The Future of International Electoral Observation : Lessons Learned and Recommandations, 1999. * 124 A en croire, Institut international pour la Démocratie et l'Assistance Electorale (IDEA), on peut citer : la Déclaration de l'Union Interparlementaire sur les critères pour des élections libres et régulières ; le projet (privé) de la convention internationale relative à la liberté des élections et à l'observation internationale des élections ; et enfin, on peut aussi noter au sein de la Francophonie, le projet de principes relatifs à l'observation internationale des élections. * 125 KOKOROKO (D.), « Contribution à l'étude de l'observation internationale des élections » op cit, p. 65, 68. * 126 Les observateurs sont souvent des représentants organisés des Etats (le Center for Contemporary Diplomacy des Etats-Unis par exemple), des représentants d'organisations internationales ou régionales (les observateurs de la CEDEAO, la Mission d'Observation Electorale de l'Union Européenne, les observateurs de ACP/UE...) et d'organismes internationaux de défense des droits de l'homme (Reporters sans frontière, Gerddes -Afrique...) v. République togolaise, Livre blanc sur l'élection présidentielle togolaise du 21 juin 1998, P. 60 - 135 : Il a été question dans ce livre, la démonstration, par le gouvernement togolais, de la transparence du processus électoral présidentiel de 1998. * 127 Pour le gouvernement chinois « ce n'est lorsqu'un Etat souverain en fait la demande que l'Organisation [ONU] peut commencer par étudier la possibilité de fournir une assistance et en définir les moyens et les modalités en coopération avec le pays intéressé ». COMBACAU (J.) cité par KPEDU (Y.), op cit, p.162 * 128 C'est dans ce sens que la première élection présidentielle de la transition démocratique au Togo d'août 1993 fut observée par le Comité International de Suivi, composé des représentants de la France, de l'Allemagne et des Etats-Unis129, suite à l'accord d'Ouagadougou du 11 juiellet1993, qui avait précisé les modalités d'une telle observation. V. DEBBASCH (C.), l'Etat du Togo 1967-2004, Paris, 2004, p.14-551. * 130 KOKOROKO (D.), « souveraineté étatique et légitimité démocratique », op cit. p. 50 * 131 Ibid. p. 50. |
|