Action internationale en faveur de la démocratisation du Togo( Télécharger le fichier original )par To௠KPOBIE Université de Lomé Togo - Diplôme d'études Approfondies 2012 |
Paragraphe deuxième : la conditionnalité démocratique : une philosophie de sanctionIl faut noter que la mise en oeuvre de la conditionnalité démocratique en tant fondement des ambitions politiques de la communauté internationale, perdrait un peu de son sens, si elle n'était pas assortie de sanctions qui en consacrent l'usage. Le respect des principes démocratiques, de l'État de droit et des droits de l'Homme par les États demandeurs d'aides conditionne la magnanimité des donateurs internationaux à leur égard. Les mesures édictées en ce sens sont appelées des mesures ou des sanctions positives de la conditionnalité (A). En revanche, la violation de tels principes priverait l'État violateur des avantages nécessaires à son développement. Les mesures prises à la charge de l'État mis en cause constituent des incidences négatives ou des sanctions négatives de la conditionnalité (B).
A- Les sanctions positives. Les sanctions positives de la conditionnalité doivent être classées en deux catégories d'actions. La première vise à aider l'État bénéficiaire à mettre en place les institutions nécessaires à l'exercice de la démocratie. Cette forme d'aide précède la démocratie. Elle en est donc la condition de la réalisation. A cet effet, le quatrième alinéa de l'article 995(*) de l'Accord de Cotonou apparaissant comme la pièce maîtresse du partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP dont fait partie le Togo, engage plus que jamais l'Europe à soutenir les États ACP dans leur marche progressive vers le renforcement de l'État de droit. Un autre volet de l'octroi de l'aide conçue comme condition de la démocratie est l'assistance électorale à propos de laquelle la Communauté développe un éventail d'instruments. C'est dans ce contexte que les différents partenaires économiques du Togo qui avaient rompu leur coopération avec ce pays pour déficit démocratique, se sont engagés à l'aider dans l'organisation des élections législatives prévues pour l'été 2007. Cet engagement n'est pas l'expression d'une certaine complaisance, encore moins, d'une satisfaction de ces partenaires vis-à-vis du Togo. Au contraire, ces actions positives révèlent bien, que certaines aides consenties dans le cadre de la conditionnalité doivent précéder l'obligation de réformes démocratiques des États demandeurs. De même, les diverses contributions à la tenue des conférences nationales africaines qui devraient consacrer les transitions démocratiques répondent également à cet ultime besoin : aider les États régis par des régimes autoritaires à mener une transition vers la démocratie. Dans ce domaine, la contribution de la France mérite de retenir notre attention. Que ce soit au Togo, ou au Gabon, au Congo ou encore au Niger, la France finança « les cérémonies d'initiation à la démocratie que sont devenues les conférences nationales »96(*). Ces diverses actions visant la création des premières bases juridiques du multipartisme ne peuvent être considérées que comme des mesures positives précédent l'institution de la démocratie dans ces États. La seconde catégorie d'actions concerne l'aide accordée en récompense des efforts faits par les États bénéficiaires, dans le domaine de la démocratie. L'aide octroyée dans ce dernier cas, constitue une prime à la démocratie, son octroi étant conditionné à la réalisation de pas qualitatifs vers la démocratie. C'est dans ce contexte que le Bénin, le berceau des transitions démocratiques en Afrique noire francophone, fut le premier bénéficiaire de la prime à la démocratie promise par la France à la Conférence de la Baule de juin 1990. En guise de récompense, elle a accordé une manne de 24 391 173 d'euros, soit l'équivalant de 160 millions de francs CFA à ce pays. De même le Niger qui, à la suite des élections présidentielles de novembre 1999, a reçu une prime de près de 6 milliards de Franc CFA de Paris, en contrepartie de sa conduite démocratique jugée acceptable97(*). Qu'en est-il des sanctions négatives ? B- Les sanctions négatives. Dans la mise en oeuvre de la conditionnalité démocratique de l'aide, les sanctions négatives consistent en la prise de mesure de privations économiques à l'encontre des États défaillants. Ces mesures vont d'une simple suspension de l'aide aux embargos économiques. Expressément prévue dans l'Accord de Cotonou, et dans le respect du droit international des traités, la suspension de l'aide au développement est la sanction la plus couramment utilisée par l'Union européenne à l'égard des États partenaires défaillants. Le Togo, berceau de la conditionnalité politique européenne, est également l'un des premiers pays à en subir ce type de sanction en septembre 199398(*) pour cause de « déficit démocratique et dégradation des droits de l'homme », suite à des violations graves des droits de l'homme constatées au début de son processus de la démocratisation. De plus en plus, des bailleurs de fonds bilatéraux ont également recours à cette forme de sanction. C'est dans cette ligne de conduite que s'est inscrit le Royaume-Uni lorsqu'il a gelé, en 1996, son assistance économique au Kenya, « tant que ce pays n'aura pas mis en oeuvre des réformes politiques » déterminants99(*). Dès 1990, plusieurs États africains en coopération avec l'Allemagne pour qui la création d'un État démocratique était la condition primordiale pour une coopération efficace, ont dû constater leur enveloppe financière réduite pour manque de garanties suffisantes de démocratie L'embargo économique renvoie quant à elle à deux séries de sanctions économiques en droit international : les sanctions commerciales et les sanctions financières. Par sanctions commerciales, il faut entendre toute mesure prise par un ou plusieurs États dont l'objectif est de limiter les importations en provenance et les exportations en destination d'un pays visé. Visant à restreindre le cours des échanges de biens et/ou de services, ce type de sanction est souvent désigné sous le vocable « d'embargo commercial ». Cette catégorie d'embargo peut avoir un caractère général, comme ce fut le cas de l'Iraq, mais il est souhaitable qu'il soit sélectif, et ne frapper uniquement que certains produits. En revanche, les sanctions financières, ou embargos financiers, concernent le domaine monétaire. Elles consistent, ainsi qu'il a été défini aux Conférences d'Interlaken, relatives aux « sanctions financières ciblées », à geler les avoirs à l'étranger d'un État, à restreindre son accès aux marchés financiers, à interdire les prêts et crédits de fonds internationaux, ainsi que la vente de biens immobiliers à l'étranger et les transactions sur ces biens. Ce type de sanction constitue un véritable « boycottage »100(*) qui, pour Charles ROUSSEAU, fait figure de « principale sanction économique » dans les rapports internationaux101(*). Cependant, il arrive que, face à la naissance d'une situation de prise de pouvoir anti-démocratique dans certains Etats, les acteurs internationaux ne s'accordent à l'unanimité sur l'application de cette philosophie de sanction qu'incarne la conditionnalité démocratique. Pour dénouer une telle crise, la majeure partie de la communauté internationale assoiffée de la propagation des idéaux démocratiques, n'hésite pas à recourir aux bienfaits de la pratique de la reconnaissance internationale de gouvernements étrangers. Section deuxième : la pratique de la reconnaissance internationale de gouvernements étrangers. Visant en principe à clarifier des faits ou des actes juridiques dans les rapports interétatiques, la reconnaissance internationale constitue aujourd'hui, sans doute, l'une des pratiques servant de fondement aux exigences accrues des acteurs internationaux de voir s'enraciner le modèle de gouvernement démocratique au Togo comme ailleurs. s'il est donc théoriquement avéré que c'est le gouvernement et non l'Etat qui est devenu l'objet principal des reconnaissances en droit international contemporain102(*), il urge dans cette rubrique de circonscrire les critères essentiels conditionnant la reconnaissance internationale de gouvernement (Paragraphe premier) avant d'analyser les moyens dont dispose la communauté internationale pour la consolider (Paragraphe deuxième).
Paragraphe premier : Les critères conditionnant la reconnaissance internationale de gouvernement. Notons qu'avant la fin de la guerre froide, la pratique de la reconnaissance de gouvernements étrangers avait du mal à s'affirmer comme un levier sur lequel les Etats démocratiques de la communauté internationale pouvaient compter pour propager le régime de la liberté à travers le monde. Mais, avec la fin de cette guerre consacrant la victoire de l'idéologie démocratique, le critère de l'effectivité du gouvernement (A), conditionnant valablement la reconnaissance de gouvernement pendant la période de la bipolarisation, devrait inévitablement être compléter dans cette tâche, par le critère ascendant de la légitimité démocratique du gouvernement (B). A- Le critère de l'effectivité du gouvernement.
La pratique internationale confirme que le critère de l'effectivité constitue un préalable indispensable à l'octroi de la reconnaissance. Selon Jean SALMON, l'effectivité est « le caractère de ce qui existe en fait. C'est la qualité d'une situation juridique qui correspond à la réalité, d'une compétence qui existe réellement. Elle produit des effets en droit, dans les conditions prévues par l'ordre juridique international lui-même et joue, en conséquence, un rôle dans de nombreuses institutions de droit international »103(*). Ce critère suppose donc que les nouvelles autorités susceptibles d'être reconnues aient une réelle maîtrise de l'ensemble du territoire de l'État qu'elles prétendent représenter. Ainsi que l'écrivent Jean COMBACAU et Serge SUR, « le droit international ne comporte pas de mécanisme d'investiture des gouvernements nouveaux par les gouvernements établis, et les premiers ne tiennent donc leur autorité légale que de leur établissement en fait et de leur aptitude à tenir réellement en main la substance de l'État qu'ils prétendent représenter »104(*). Le critère de l'effectivité devant induire celui de la stabilité du nouveau gouvernement, constitue ainsi une garantie pour les puissances tierces qui entendent se lancer dans une initiative de reconnaissance. La France ne reconnaissait formellement les nouveaux gouvernements qu'après s'être rassurée de leur effectivité et de leur stabilité interne. L'attitude du Quai-d'Orsay, le 12 décembre 1924 face au gouvernement soviétique et sa position à l'égard du général FRANCO, le 26 février 1939 illustrent bien cette position105(*). Mais ce critère n'est pas à l'abri des aléas liés aux calculs d'opportunité politique des États. Dans les faits, en effet, il est des moments où les États, pour des considérations diverses, n'attendent pas de voir certains nouveaux gouvernements s'établir effectivement avant de manifester leur volonté de les reconnaître. A cet égard, la déclaration du porte-parole du Quai-d'Orsay, suite au renversement de M. GORBATCHEV en est un exemple : « La destitution de M GORBATCHEV, si son caractère définitif se confirmait, serait un événement considérable ». L'intervention télévisée du chef de l'État français, le même jour, où il donna lecture publique du message de M. IANAEV, s'engageant à « respecter les droits civils et politiques » va dans le même sens106(*). Il apparaît donc évident que le critère de l'effectivité, de par son instabilité, est loin de constituer un indice suffisant dans la reconnaissance des nouveaux gouvernements. Désormais l'origine démocratique du gouvernement doit être un complément indispensable à sa reconnaissance. B- Le critère de la légitimité démocratique du gouvernement. La légitimité démocratique comme critère non négligeable en matière de la reconnaissance internationale de gouvernement transparaissait déjà dans les diverses actions des Nations unies notamment, lors du coup d'État à Haïti en 1991 et au Burundi en 1993. Dans ces deux situations, l'Assemblée générale des Nations unies, ainsi que le Conseil de sécurité, avait considéré que le rétablissement de la démocratie dans un État est désormais une question exclue de la sphère de la chasse gardée des États. Et, bien que le caractère exécutoire de ces résolutions reste encore sujet à débats107(*), l'opposition affichée par les instances onusiennes aux coups d'État est néanmoins révélatrice d'une volonté de faire de la notion de légitimité démocratique un critère de référence dans la pratique des reconnaissances internationales d'États et de nouveaux gouvernements étrangers. Par ailleurs, le rejet des situations politiques illégales est plus remarquable dans les organisations régionales dont l'idéal démocratique est le pilier de la politique extérieure. Déjà, on se souvient qu'en juillet 1999, à Alger, les chefs d'États et de gouvernements de l'Organisation de l'unité africaine avaient décidé d'exclure désormais des sommets de cette organisation tout gouvernement qui s'emparerait du pouvoir par des moyens illégaux. La crise de succession108(*) du président togolais, Eyadéma GNASSINGBÉ, décédé le 5 février 2005 a permis aux organisations africaines de réaffirmer leur attachement à l'exigence de légitimité, en multipliant des menaces et des appels en faveur du retour à l'ordre constitutionnel. Le 3 août 2005, un coup d'État renversait le président mauritanien, Maaouiya Ould SID'AHMED TAYA. Cette intervention de l'armée Mauritanéenne fut accueillie avec un certain soulagement par l'immense majorité de la population de ce pays. Mais, cela n'a pas empêché que l'Union africaine la condamne avec rigueur. La déclaration du président en exercice de l'Union est assez révélatrice de la position des États membres vis-à-vis de ce coup d'État : « le soutien du peuple importe peu, le changement est inconstitutionnel et nous le condamnons »109(*). Cette attitude confirme la volonté de l'UA à militer en faveur du critère de légitimité démocratique et constitutionnelle des gouvernements au détriment des accessions illégales au pouvoir. Pour elle, la dénonciation de la violation de l'ordre constitutionnel serait devenue une question de principe qu'aucune considération, fût-ce de bon sens, ne saurait renverser. Toutefois, il faut signaler que certains exemples plus ou moins récents ne permettent pas d'affirmer une véritable pénétration du critère de légitimité démocratique dans la pratique des États. La longue et lente décomposition du régime MOBUTU au Zaïre, actuel République Démocratique du Congo en fournit un exemple. Le coup d'État du 16 octobre 1997 ayant porté Denis SASSOU-NGUESSO au pouvoir au Congo Brazzaville va également dans le même sens. Parallèlement à ces aléas, la communauté internationale ne cesse de rechercher les moyens idoines en vue de la consolidation de ce critère. Paragraphe deuxième : Les moyens de consolidation de la pratique de la reconnaissance internationale de gouvernement légitime. La communauté internationale s'est très vite rendu compte que tant que la compétence de la reconnaissance de gouvernements légitimes ou démocratiques serait en partie laissée aux mains des Etats, le critère de la légitimité démocratique du gouvernement manquera de sécurité juridique. D'où, pour elle, la nécessité de cultiver l'obligation et la collectivisation de la non-reconnaissance internationale des gouvernements illégitimes (A) et de se démarquer en choisissant comme mode d'expression privilégié de la non-reconnaissance de gouvernement illégitimes, la rupture des relations diplomatiques (B). A- L'obligation et la collectivisation de la non-reconnaissance internationale des gouvernements illégitimes. Notons que la communauté internationale tend désormais à obliger les Etats à ne pas reconnaitre les gouvernements méconnaissant le respect de la démocratie et des droits de l'homme ; et une telle obligation est véritablement plus poussée dans le cadre régional. En effet, il serait superfétatoire d'insister sur l'obligation qui pèse sur les États membres de l'Union Européenne de ne pas reconnaître un gouvernement étranger hostile à ces principes et valeurs. L'engagement de l'Union pour la démocratie n'est plus à démontré. Cet engagement énergétique de L'Union est réitéré dans l'article J -1- du Traité de Maastricht qui prévoit, comme l'un des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune des États de l'Union, « Le développement et le renforcement de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». Ceci permet d'affirmer l'existence, au sein des Etats membres, d'une opinio juris créant une obligation implicite de non reconnaissance des autorités illégitimes. Pour sa part, en inscrivant « la condamnation et le rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernements »110(*) parmi les objectifs à atteindre, la Charte de l'Union africaine tend à obliger collectivement les Etats membres à ne pas reconnaître les gouvernements illégaux et illégitimes. En témoigne la réaction quasi spontanée et commune des États membres de la CEDEAO et de l'Union africaine à la succession illégale du général Eyadéma GNASSINGBÉ, le 5 février 2005111(*). Sans doute, à travers cette obligation, on peut d'ores et déjà constater l'émergence de la collectivisation de cette pratique de la reconnaissance internationale. Par collectivisation de la non-reconnaissance des Etats illégitimes, il faut entendre l'action de collectiviser le pouvoir de compétence discrétionnaire des Etats en matière de la reconnaissance de gouvernements étrangers. L'idée est de ne plus laisser aux mains des Etats la primauté dans le domaine de la reconnaissance internationale de gouvernements ; mais de consacrer la primauté de cette compétence à une Communauté d'Etats ou à une organisation internationale, en liant donc par là, la compétence des Etats membres. A cet effet, il faut noter qu'une telle collectivisation est très remarquable dans le cadre de l'Union Européenne. C'est, sans doute, cette dynamique collective qui a présidé à la politique suivie par la Communauté européenne lors de la crise yougoslave. Car, aux termes de la Déclaration de Bruxelles du 16 décembre 1991, les nouvelles Républiques qui prétendaient à leur reconnaissance par la Communauté et ses États « seront soumises par la présidence de la Conférence européenne [pour la paix en Yougoslavie] à la Commission d'arbitrage pour que celle-ci donne un avis » sur le respect des principes devant conditionner leur reconnaissance, avant la date du 15 janvier 1992112(*).Cette politique d'entente a connu un regain de pratique avec la déclaration des « lignes directrices » ayant clairement posé les conditions auxquelles la reconnaissance serait accordée aux États nouveaux désireux d'occuper un siège au sein de l'Union113(*). Cette Déclaration des Douze sur la reconnaissance des nouveaux États, contenue dans les lignes directrices, constituent certainement le fil conducteur de l'attitude que chacun des États membres est appelé à adopter dans sa politique de reconnaissance. L'on peut affirmer, dès lors, que l'Union européenne a ébauché l'expérimentation de la pratique des compétences liées en matière de la reconnaissance. Qu'en est-il de la rupture des relations diplomatiques comme expression privilégiées de la non-reconnaissance.
B- La rupture des relations diplomatique comme expression privilégiée de la non-reconnaissance.
La pratique de la non-reconnaissance internationale de gouvernements de fait, ne serait pas efficace si la communauté internationale se limitait simplement à proclamer sa volonté de ne pas cautionner des situations méconnaissant les valeurs démocratiques, et si elle ne cherche pas surtout la meilleure façon de l'exprimer. Fort heureusement, nous pouvons constater que la communauté internationale s'efforce, depuis peu, à s'accorder sur un mode d'expression particulier pour manifester son indignation face aux gouvernements illégitimes. Il s'agit désormais pour la communauté internationale de privilégier le moyen de pression de la rupture des relations diplomatiques pour mieux exprimer sa non-reconnaissance à l'égard des gouvernements illégaux. Déjà en 1962, dans le contexte de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, l'Assemblée générale des Nations Unies avait servi de prélude, lorsqu'il fut amené à voter la résolution 1761 recommandant à tous les États membres de rompre les relations diplomatiques avec l'État sud africain114(*). Dans le cadre régional, on a pu assister par le passé, à quelques cas spectaculaires d'appel à la rupture collective des relations diplomatiques. L'illustration la plus évoquée est celle fournie par les États membres de l'OEA. Aussi la rupture des relations diplomatiques par un grand nombre d'États membres de cette organisation, dont l'Argentine avec Cuba, a-t-elle été présentée comme une conséquence des décisions prises par les ministres des Affaires étrangères de l'organisation à l'encontre de ce pays115(*). De même, parmi les mesures prises à l'encontre des auteurs du coup d'État constitutionnel du 5 février 2005 au Togo, figurait le rappel des ambassadeurs d'Etats membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest116(*). Symbole de l'isolement diplomatique des autorités de fait du Togo, cette mesure fut, à juste titre, interprétée comme exprimant le refus des États membres de la CEDEAO de reconnaître les nouvelles autorités togolaises installées au mépris total de l'ordre constitutionnelle. A la lumière de tout ce qui précède, les fondements de l'action internationale en faveur de la démocratisation du Togo sont dévoilés. Cela n'enlève, cependant, en rien, le doute qui plane sur l'efficacité de cette action sur le terrain. DEUXIEME PARTIE : L'EFFICACITE DOUTEUSE DE L'ACTION
Les prouesses de la communauté internationale en vue d'honorer leur serment d'insémination de la démocratie libérale en bonne et due forme au Togo s'avère difficilement concrétisable sur le terrain. Le doute qui plane sur l'efficacité de cette entreprise se traduit d'abord par un progrès discutable des efforts d'alors déployés (Chapitre premier) et ensuite par un recul irréfutable et volontaire de l'ensemble des acteurs par rapport à leur principale mission (Chapitre deuxième). Chapitre premier : le progrès discutable de l'action. Dans sa perspective d'apporter sa pierre à l'édification d'une démocratie sereine au Togo, la communauté internationale n'hésite pas, de façon stratégique, à mettre en place certaines « techniques d'incursion »117(*)correspondantes à cet objectif. Cependant, la pratique nous révèle que, non seulement ces techniques sont limitées (Section première), mais aussi l'héritage ou les acquis démocratiques résultant de l'ensemble des efforts déployés sont pour le moment infructueux (Section deuxième). * 95 Cet article 9 de l'Accord de Cotonou dispose : « Le partenariat soutient activement la promotion des droits de l'Homme, les processus de démocratisation, la consolidation de l'État de droit et de la bonne gestion des affaires publiques [...]. La Communauté apporte un appui aux réformes politiques, institutionnelles et juridiques, et au renforcement des capacités des acteurs publics, privés et de la société civile, dans le cadre des stratégies qui sont décidées d'un commun accord entre l'État concerné et la Communauté ». * 96 TOULABOR (C.) cité par KPEDU (Y.), op cit, p. 309. * 97 KPEDU (Y.), op cit, p.312. * 98 Signalons que la volonté des deux acteurs de reprendre ultérieurement la coopération sera vaine à cause de la mauvaise organisation des élections présidentielles de juin 1998 (selon l'Union Européenne) et à cause de l'échec de la consultation postélectorale entre les deux partenaires. V. ADOUKI (D.) épouse EMMANUEL, op cit. P. 140. * 99 GROS (B.), ORVIS (S.), cités par KPEDU (Y.), op cit, p. 319. * 100 Le boycottage consiste en une action concertée des consommateurs qui refusent et préconisent le refus d'acheter un produit et/ou une marque, de manière à exercer une pression économique, politique et/ou sociale sur son distributeur, sur son producteur et/ou sur l'État concerné. V. CORNU (G.) (dir.), Vocabulaire juridique, 6ème éd., P.U.F, 1996, p. 109. * 101 KPEDU (Y.), op cit, p. 322. * 102 KPEDU (Y.), op cit, p. 109. * 103 SALMON (J.), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 411-412. * 104 COMBACAU (J.), SUR (S.), Droit international public, Paris, Montchrestien, 2006, p. 290. * 105 KPEDU (Y.), op cit, p. 110. * 106 Idem., p. 111. * 107 A en croire Yawovi KPEDU « Il faut tout de même dire que les résolutions [Résolution 46/7 sur Haïti et résolution 48/17 sur le Burundi] de l'Assemblée générale, même si elles sont révélatrices d'un état des rapports de force à l'échelle internationale, même si elles consacrent sans équivoque une légitimité démocratique et constitutionnelle, restent après tout dénuées de force obligatoire comme étant de simples recommandations. Le fait même pour l'Assemblée de désigner « le fondement de l'autorité des pouvoirs politiques » pour base juridique de ses actions en est une preuve ».V. KPEDU (Y.), op cit, p. 119, note de bas de page 363. * 108 La constitution togolaise prévoit dans son article 65 qu'en « cas de vacance de la présidence de la République par décès, démission ou empêchement définitif, la fonction présidentielle est exercée provisoirement par le président de l'Assemblée nationale [...] Le gouvernement convoque le corps électoral dans les soixante (60) jours de l'ouverture de la vacance pour l'élection d'un nouveau président de la République ». Or, dès l'annonce du décès d'Eyadéma, l'armée togolaise avait soutenu l'un des fils d'Eyadéma, Faure Gnassingbé qui s'était proclamé président à la succession de son père. Un jour plus tard, l'Assemblée, totalement acquise à la cause du régime en place, modifia la constitution pour faire maintenir le fils au pouvoir. V. KPEDU (Y.), op cit, p. 120, note de bas de page 365. * 109 Déclaration d'Oluségun Obasanjo, in La Voix de l'Amérique, 7 août 2005 * 110 V. l'art. 30 de l' Acte constitutif de l'Union Africaine. * 111 Supra, note de bas de page N° 2 de la page 11. * 112 KPEDU (Y.), op cit, p. 126. * 113 Idem, p. 126. * 114 Idem, p. 140. * 115Le 26 juillet 1964, les ministres des affaires étrangères de l'O.E.A. réunis en assemblée consultative à Punta Del Este, délibérèrent de la rupture des relations diplomatiques, consulaires et de l'interruption des transports maritimes avec Cuba, Voir Texte dans RGDIP, 1962, p. 681. * 116 V. Rapport de l'O.N.U. Togo. Avant, pendant et après les élections présidentielles de 2005. Publié le 29 août 2005 * 117 KPODAR (A.), op cit. P.39. |
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