Action internationale en faveur de la démocratisation du Togo( Télécharger le fichier original )par To௠KPOBIE Université de Lomé Togo - Diplôme d'études Approfondies 2012 |
Paragraphe deuxième :les instruments juridiques transcendant le cadre africain
Il s'agir ici de l'analyse des dispositifs relatifs à la démocratie au sein de la Francophonie dans un premier temps (A) et dans un second temps, de la circonscription des conventions relatives à la démocratie au sein de l'entité internationale dénommée l'Afrique Caraïbes Pacifique/Union Européenne (B). A- Les dispositifs relatifs à la démocratie au sein de la Francophonie. Tout comme les autres organisations internationales précédemment étudiées, le Togo est membre de la Francophonie, une organisation internationale promotrice de la langue française mais particulièrement marquée par l'essor des clauses démocratiques au sein de son ordonnancement juridique. En effet, la promotion de la démocratie et de l'Etat de droit était quasiment inconnue du tissu normatif fondateur de la Francophonie. Connue à l'origine sous l'appellation de l'Association des Journalistes de la Presse de Langue Française (AJPLF), elle se fera de nouveau baptiser sous le vocable de l'Agence de la Coopération Culturelle et Technique (A.C.C.T), lors de la conférence de Niamey en 197074(*). Le respect de la diversité politique était la règle.
Cependant, au sommet de Québec en 1987, Brian MULRONEY appelait déjà au respect des droits de la personne75(*).Cet appel fut heureusement entendu, et lors du sommet de Dakar en 1989, il fut pris au sein de l'Agence une résolution sur le respect des droits fondamentaux de la personne76(*).
Au sommet de Chaillot tenu en novembre 1991, la francophonie se démarquera, de façon radicale, de la tradition d'indifférence à l'égard des régimes politiques. Elle n'hésitera pas, par une déclaration finale lors dudit Sommet, à affirmer ouvertement aux yeux de l'opinion publique internationale son soutien au processus de démocratisation qui embrasait une partie de la planète. De même, au sommet de l'île Maurice en 1993, elle ira plus loin en demandant à la communauté internationale de poursuivre ses efforts sur les plans politique, économique et financier afin de contribuer au développement de manière à garantir la réussite du processus de démocratisation et de redressement économique et financier en Afrique. La plus remarquable parmi toutes ces déclarations, (en passant par celle de Cotonou en1995, de Hanoi en199777(*) ), est celle de Bamako qui a, non seulement le mérite d'approfondir et de préciser les contours de la démocratie libérale, mais aussi de contenir « des principes clairement définis qui ont valeur normative et contraignante », à en croire Madame Christine DESSOUCHES78(*). L'élévation au rang des normes juridiques les valeurs démocratiques dans l'espace francophone dont le Togo fait partie, sera à nouveau réaffirmée, en 2005, par la Charte de la Francophonie, lorsque celle-ci réitéra comme objectif à atteindre, l'instauration et le développement de la démocratie79(*) dans les Etats membres. Un tel engagement sera consolidé lors de la XIème conférence des chefs d'Etats et des gouvernements des pays ayant le français en partage, tenue à Bucarest les 28 et 29 septembre 200680(*). Au regard de tous ces éléments, c'est donc à bon droit que la Francophonie intensifie son action en faveur de la démocratisation du Togo, en vertu du statut d'Etat membre de ce dernier, sans méconnaitre pour autant les règles de droit international sur les Traités. De ce qui précède, le fondement des pressions de l'Organisation Internationale de la Francophonie, en vue de l'éclosion de la démocratie au Togo, est sans conteste. Qu'en est t-il, en outre, des normes démocratiques au sein des conventions de l'ACP/UE ? Les conventions relatives à la démocratie au sein de l'ACP/UE.
Retenons que l'ACP/UE (Afrique Caraïbes et Pacifiques/ Union Européenne) est une association d'organisations ayant aussi pendant longtemps, connu une absence de clauses démocratiques qui viendront à l'existence avec la dégradation du communisme en Europe à partir de 1989. C'est justement l'occasion de rappeler que cette absence non surprenante des clauses démocratiques fut l'oeuvre des premières conventions de Lomé dites Lomé I et Lomé II respectivement signées le 28 février 1975 et le 31 octobre 1979 et entrées de même en vigueur le premier avril 1976 et le premier juin 1981. Ces conventions ne contenaient aucune disposition relative au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au respect de l'Etat de droit et des principes démocratiques. Par contre, elles proclament haut et fort le principe de l'égalité souveraine des Etats. Le refus, en plein temps de la guerre froide, par les pays ACP de ne pas voir dénoncer leur non respect des droits de l'homme sur le plan interne d'une part, et d'autre part, la préservation des relations privilégiées par certains Etats membres de l'UE avec leurs anciennes colonies, sont autant de facteurs qui expliquaient, non seulement cette situation d'indifférence, mais également permettaient d'entretenir de nombreuses violations des droits de l'homme au sein des Etats africains membres de cette institution81(*). Cependant et contre toute attente, la troisième convention dite de Lomé III signé le 5 décembre 1984 marquera l'irruption d'une exigence démocratique, mais de nature incantatoire, lorsqu'elle appelle au respect de la dignité humaine82(*). Toutefois, grâce à cette clause, une nouvelle orientation sera donnée par la convention Lomé IV du 15 décembre 1989, qui établira un lien direct entre la coopération au développement et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, même si nous pouvons déplorer le manque d'un véritable mécanisme de sanction en son sein. C'est ainsi que la convention de Lomé IV contenait des « mesures incitatives et positive de promotion des droits de l'homme »83(*) tout en ne revêtant qu'une « valeur purement programmatoire ».84(*) Cette carence sera compensée par la révision du 4 novembre 1995 à l'île Maurice, dans la mesure où cette révision réitère non seulement, l'interdépendance entre le développement de la coopération et le respect de la démocratie, mais aussi, prévoit des sanctions formelles en cas de manquement85(*). Cette forte exigence de la démocratie au sein des pays ACP est traduit par la nouvelle version de l'article 5 en ces termes : « le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'Etat de droit, qui renforce les relations ACP et la Communauté et toutes les dispositions de la convention, et régit les politiques nationales et internationales des parties contractantes constituent un élément essentiel de la Convention ». En plus, avec l'accord de Cotonou conclu le 23 juin 2000, le respect de l'Etat de droit et de la démocratie, accompagné de dispositions contraignantes, sera, sans détour, réaffirmé comme la base essentielle des rapports régissant la coopération ACP/UE86(*). De ce qui précède, la justification de l'action de l'U.E en vue de l'éclosion de la démocratie au sein des pays ACP dont le Togo est membre, est sans conteste. Toutefois, en subordonnant l'octroie des avantages financières ou économiques au respect strict, par les pays ACP, des principes démocratiques, l'UE n'est-elle pas en train d'entériner la pratique controversée de la conditionnalité démocratique, souvent mise en oeuvre par certaines de puissances économiques ou institutions financières pour justifier et répandre la démocratie à travers le monde ? Tout compte fait cette remarque nous fraie le chemin pour examiner dans un second chapitre, les fondements pratiques de l'action internationale en faveur de la démocratisation du Togo. Chapitre deuxième : les fondements pratiques
Face aux fondements théoriques, consistant à un ensemble de règles juridiques conventionnelles servant de base à la promotion et à l'exigence, par la communauté internationale, des principes démocratiques au Togo, s'est parallèlement développées, évidemment au cours de l'exécution desdites règles, des pratiques, c'est-à-dire des façons d'agir unilatérales généralement acceptées par les Etats, mais très surprenantes en droit international. Au rang de ces pratiques servant aussi de fondement aux agissements de la communauté internationale au Togo, on peut citer d'une part, la pratique de la conditionnalité démocratique (Section première) et d'autre part la pratique de la reconnaissance internationale de gouvernements étrangers (Section deuxième). * 74 CHATTON (P.-F.) et BAPST (J. M.), Le défi francophone, Bruylant, 1991, p. 117-157. * 75 Ibid., p. 124-157. * 76 Ibid., p. 131-157. * 77 Au sommet de Hanoi l'A.C.C.T sera connue sous le vocable d' « Agence de la Francophonie » et en 1998 à Bucarest sous l'appellation « Organisation Internationale de la Francophonie » voir la Charte de la Francophonie adoptée par la conférence ministérielle de la Francophonie, le 23 novembre 2005 à Antanarivo. * 78 Synthèse des Travaux sur le colloque international : « l'Afrique et l'internationalisation du constitutionnalisme : actrice ou spectatrice » in Campus actualité, Journal d'information de l'Université de Lomé, n° 23, décembre 2010. * 79 V. art. 1er de la Charte de la Francophonie, adoptée par la Conférence ministérielle de la Francophonie à Antananarivo, le 23 novembre 2005. * 80 Les participants de cette conférence ont de nouveau réaffirmé leur « attachement à la démocratie comme système de valeur et facteur de développement et de paix durable ». V. la Déclaration de Bucarest de septembre 2006. * 81 ADOUKI (D.) épouse EMMANUEL, Ibid., p. 133. * 82 Ibid, p.133. * 83 FRISH (D.), cité par KPEDU (Y.), op cit, p. 300, * 84 RIEDEL (E.), WILL (M.), Citer par KPEDU (Y.), op cit, p. 301. * 85 ADOUKI (D.) épouse EMMANUEL, Ibid., p. 133. * 86 V. art. 96 de l'Accord de Cotonou. |
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