Action internationale en faveur de la démocratisation du Togo( Télécharger le fichier original )par To௠KPOBIE Université de Lomé Togo - Diplôme d'études Approfondies 2012 |
Paragraphe deuxième : les acquis d'ordre politique pestiférés.
Comme nous avons eu à le dire plus haut, l'héritage des acquis d'ordre politiques au Togo est infecté d'une « peste » virulente que traduisent les crises quasi-permanentes des processus électoraux (A) et la fragilité des institutions de gouvernement d'union nationale (B)
A- Les crises quasi-permanentes des processus électoraux pluralistes.
Les pressions de la communauté internationale ont contribué à l'institution d'un suffrage universel ou la tenue des élections libres et pluralistes formellement reconnue par la Constitution togolaise en ses articles 5, 52 et 59. Seulement, la traduction dans les faits d'un processus électoral libre, surtout apaisées et reconnues par l'ensemble des acteurs internationales qu'internes est difficilement observable sur l'échiquier politique togolaise.
En effet, depuis 1993, la crédibilité de la plupart des élections a difficilement reçu, soit, l'adhésion de l'ensemble de la communauté internationale ou, soit, l'assentiment de l'opposition togolaise dans son ensemble.
Pour preuve, l'élection présidentielle de 1993 fut boycottée par les principaux partis d'opposition153(*). Celle de 1998 s'est vu les résultats contestés par cette même opposition154(*) et critiqués par les observateurs de l'Union Européenne155(*). Celle de 2005 fut émaillée de violences et a suscité également des divisions au sein de la communauté internationale. Les violences pré et post électorales ont atteint leur pic lors de cette dernière élection. Elles ont provoquées de nombreux déplacements de la population hors des frontières togolaises, des blessés voire des décès. Le rapport de la mission de l'ONU chargée de faire la lumière sur ces actes répréhensible s'accorde sur un chiffre de 400 à 500 personnes décédées. Les élections législatives quant à elles sont plusieurs fois boycottées soit, par le principal parti de l'opposition, l'Union des Forces pour le Changement (U.F.C) comme ce fut le cas en 1994, 1999 et en 2002, soit par l'opposition dans son ensemble, en 1999 et en 2002. Gardant à l'esprit un passé électoral peu satisfaisant et alarmée par le chaos électoral de 2005, la communauté internationale restera ferme sur sa position de subordonner toute reprise éventuelle de la coopération avec le gouvernement togolais à l'apaisement et à la transparence des prochaines échéances électorales. C'est dans ce climat de pression et d'enjeu important pour le gouvernement togolais, que nous avons assisté de façon inédite, par rapport au passé électoral togolais, au succès relatifs de l'élection législative de 2007.Elle s'est déroulée dans le calme et a accueilli l'accréditation de l'ensemble de la communauté internationale y compris des principaux acteurs politiques togolais. L'élection législative est marquée par la participation, pour la première fois, de l'U.F.C, la principale force de l'opposition d'alors. Quant à l'élection présidentielle de mars 2010 en dépit du feu vert qu'elle a reçu de la part de l'ensemble de la communauté internationale, elle fut l'objet de contestation au sein de l'opposition togolaise. Il s'en est même suivi de manifestations de rue de la part du parti politique UFC.156(*) Malgré tout, il serait judicieux de reconnaitre que la communauté internationale n'a ménagée aucun effort pour la bonne tenue de ce processus électoral157(*), même si cela n'a pas permis d'isoler définitivement la « peste électorale » togolaise. Quid de la fragilité des constitutions de gouvernement d'union nationale mise en oeuvre au Togo ? B- La fragilité des constitutions de gouvernement d'union nationale. Etrangers au droit constitutionnel classique, l'une des caractéristiques essentielles des gouvernements d'union nationale est qu'ils comprennent dans une large mesure les représentants des forces politiques en présence : souvent le parti au pouvoir et l'opposition, ou une partie de l'opposition, ou une coalition des partis de l'opposition158(*). Si l'on s'en tient à cette conception, nous pouvons soutenir que la constitution de gouvernement d'union nationale n'est pas une surprise au Togo. Sans trop remonter dans le passé, l'on peut rappeler celui de 2006 avec à sa tête, yaovi AGBOYIBOR le leader du parti d'opposition C.A.R (Comité d'Action pour le Renouveau). Malheureusement, ce gouvernement d'union nationale était vicié par l'absence de l'U.F.C le parti politique de l'opposition le plus représentatif d'alors159(*). A quoi servirait-il alors, un gouvernement d'union nationale lorsque les principaux partis de l'opposition surtout les plus représentatifs ne s'y figurent pas ? N'est-ce pas là déposséder l'objectif d'un tel gouvernement de son contenu pour continuer par masquer l'instabilité politique qui gangrène l'Etat ? Car comme son nom l'indique, la constitution de gouvernement d'union nationale traduit une seule réalité institutionnelle et conceptuelle au double plan de l'origine et de la fonction : il s'agit de gouvernement de crise, chargé de la mission de stabilisation de l'Etat. C'est dans cette atmosphère que la contribution implicite de la communauté internationale pour favoriser l'entrée pour la première fois de l'U.F.C au gouvernement, après les élections présidentielles de 2010, est à saluer. Cette affirmation de Julius NYERERE ne vient t-elle pas à point nommé : « La démocratie doit se faire conformément à l'histoire,160(*) à la culture et au niveau de développement de chaque pays. (...) Il faut éviter de copier systématiquement les autres. Les copies n'ont pas de vie »161(*). Et à en croire le professeur Adama KPODAR : « la constitution de gouvernement d'union nationale est alors la plus belle réussite, la plus belle invention de la communauté internationale en vue de résorber les crises politiques au Togo, comme ailleurs ».
Toutefois, l'on ne doit pas perdre de vue, la fragilité qui gangrène ce type de gouvernent par rapport à sa portée. Certes, il permet de préserver une stabilité sociopolitique, mais seulement de courte durée. L'actualité même en est témoin. Le réchauffement de l'environnement sociopolitique à travers le bras de fer entre le gouvernement togolais et les membres du « Collectif Sauvons le Togo ! »162(*) (C.S.T) lors des différentes manifestations de rue, démontre, à plus d'un titre, que le gouvernement d'union nationale de l'heure souffre encore d'une certaine légitimité. Par ailleurs, alors que le progrès souhaité par la communauté internationale en faveur de la démocratisation du Togo demeure discutable, une autre scène scandaleuse se profile à l'horizon : on découvre sur le champ de bataille des anti-jeux souvent volontaire reflétant paradoxalement l'image d'une action, sans conteste, en recul. Chapitre deuxième : le recul irréfutable de l'action. Notons que le recul constaté de l'action internationale se traduit par les défaillances recensées au niveau de l'ensemble des acteurs impliqués dans le processus de démocratisation du Togo (Section première) ; par ailleurs, ces défaillances ont indirectement contribué en partie à l'obtention d'un maigre résultat, par rapport à la splendeur des ambitions poursuivies (section deuxième). * 153 HAGEN (M.) et SPEARING (M.), « Togo -Transition démocratique bloquée », Center for démocracy & dévelopment (CDD), Londres, le 28 novembre 2000, traduite de l'anglais par Mamoudou GAZIBO. * 154 TETE (T.), op cit. * 155 République togolaise, Livre blanc sur l'élection présidentielle togolaise du 21 juin 1998, P. 53-135. * 156 il est important de noter qu'il y a eu des manifestations de contestations des résultats par le parti politique l'U.F.C, (V. le Rapport MOE-UE sur l'élection présidentielle de 2010 au Togo, P.62) ; mais de faible portée, imputable en partie des divisions internes survenues à la suite de la crise de leadership qui frappa le parti tout juste après cette élection. D'ailleurs le parti connaîtra une scission conduisant à la création de l'Alliance Nationale pour le Changement (ANC), le nom du nouveau parti des « séparatistes ». * 157 La CENI, tout comme la HAAC, a bénéficié du conseil et du soutien matériel du Projet d'appui au processus électoral (PAPE). Le 23 décembre 2009, l'UE, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le gouvernement togolais ont signé des conventions par lesquelles l'UE accordait six milliards de francs CFA (soit neuf millions d'euros) pour l'organisation de l'élection présidentielle de 2010. Ces conventions confiaient la gestion opérationnelle du projet au PNUD, chargé de la mise en oeuvre et de l'exécution financière. V. Rapport final - M.O.E-U.E sur l'élection présidentielle de 2010 au Togo, op cit, p. 20. * 158 KPODAR (A.), op cit. 44. * 159 Aux élections présidentielles de juin 1998, ce parti a obtenu 34,10% des voix derrière le R.P.T, près de 34% des voix toujours derrière le RPT aux élections présidentielles de 2010. Il est aussi le second parti le plus représentatif de l'assemblée nationale 27 sièges sur 81 après le RPT qui compte à son actif 50 sièges. * 160 Supra. Note de bas de page n° 2 de la p. 7. * 161 GONIDEC (P.F), « Démocratie et développement en Afrique : perspectives internationales et nationales », in Afrique 2000 Revue africaine de politique internationale, trimestriel n°14, juillet-août-septembre 1993, P. 56. * 162 Le C.S.T, porté sur le fonds baptismaux le 4 avril 2012, est un mouvement citoyen regroupant les sociétés civiles et les partis politiques, constitué pour oeuvrer à un changement radical de la gouvernance au Togo... Voir, C.S.T, « plate-forme citoyenne pour un Togo démocratique », Lomé le 4 juin 2012. p. 3. |
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