Action internationale en faveur de la démocratisation du Togo( Télécharger le fichier original )par To௠KPOBIE Université de Lomé Togo - Diplôme d'études Approfondies 2012 |
Section deuxième : les acquis démocratiques infructueux.Il serait fort manichéen de soutenir qu'il n'y a pas eu d'acquis considérables, depuis que la communauté internationale à décider d'accompagner le Togo dans son processus de démocratisation. Du moins, formellement, le rubicond du monolithisme politique et celui du système électoral de la troisième république ont été franchis. Cependant, ces acquis qui sont d'ordres juridique et politique n'en sont pas moins victimes d'aléa plus ou moins grave. Sur la base du critère du degré de gravité nous pouvons distinguer les acquis d'ordre juridique lésés (A) des acquis d'ordre politique pestiférés (B). Paragraphe premier : les acquis d'ordre juridique lésés.Grâce aux pressions de la communauté internationale, l'arsenal juridique de l'Etat togolais s'est accommodé des nouvelles exigences d'une société démocratique. Malheureusement, la mise en oeuvre de ces acquis se trouve être en dessous des attentes espérées. Pour une bonne assimilation de ces affirmations, nous avons envisagé démontrer les carences dont souffrent les acquis d'ordre juridique (B) après avoir essayer de les exposer succinctement(A). A- L'exposé des acquis d'ordre juridique. Il faut noter que les acquis d'ordre juridique relèvent tant du domaine normatif que du domaine institutionnel.
En ce qui concerne les acquis relevant du domaine normatif, nous pouvons d'ores et déjà noter qu'au lendemain du discours de la Baule suivi plus tard des manifestations des nouveaux élites politiques soutenus par les jeunes assoiffés de liberté, le pouvoir monolithique en place fut obligé de rompre avec la législation faisant obstruction à toute expansion des pensées démocratiques libérales. Dans la foulée, la loi du 30 novembre 1990 sur la presse a donné lieu une éclosion de la presse indépendante141(*) ; la loi n°91-04, dite Charte des partis politiques, adoptée et promulguée le 12 avril 1991 lançait un appel au retour au multipartisme ; nous assisterons le 14 octobre 1992 à l'adoption par référendum d'une nouvelle Constitution qui reprend les principes démocratiques reconnus dans les systèmes libéraux : les trois pouvoirs de la République à savoir le pouvoir législatif (Titre III), le pouvoir exécutif (Titre IV) et le pouvoir judiciaire (Titre VIII) y sont clairement distingués, les droits de l'homme et les libertés publiques (Titre II du sous-titre I, art. 10 - 21) sont minutieusement rappelées, le pluralisme politique (Titre I art. 6 - 9) reprécisé ; dans le but de répondre aux souhaits de l'Union Européenne conformément aux 22 engagements souscrits par le Togo en 2004, la loi du 12 avril 1991 fera l'objet de modification le 30 juin 2007 : il sera désormais institué une commission nationale chargé de financement des partis ou regroupements légalement constitués de partis politique à caractère représentatif de l'opinion142(*). De même, pour satisfaire les exigences du point 2.7143(*) desdits engagements, un décret sera pris par le gouvernement en vue de la mise en oeuvre d'un vaste programme de modernisation de la justice144(*). On noter également l'adoption la loi du 23 juin 2009 sur l'abolition de la peine de mort145(*). On notera aussi, l'émergence d'un nouveau Code de la Presse renforçant la fonction du journaliste et dépénalisant les délits de presse146(*). Pour rendre effectives, ces normes, la communauté internationale n'a ménagé aucun effort pour mettre en place des institutions adéquates chargées d'assurer leur protection et leur respect. En effet, c'est pour répondre aux exigences du nouveau constitutionnalisme souhaité par la communauté internationale, que fut constitutionnalisé le statut de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (C.N.D.H)147(*) en 1992 et fut crée plus tard une Cour Constitutionnelle le 22 février 1997. Sera également mise en place la Haute Autorité de l'Audiovisuelle et de la Communication (HAAC). Il faut par ailleurs noter que c'est sur insistance et menace de cette même communauté internationale que le Togo a finit par se conformer à la directive de l'Union Economique Monétaire Ouest Africain (U.E.M.O.A) sur l'institution effective d'une Cour des comptes dans les Etats membres148(*). C'est aussi grâce à elle, qu'on retrouve depuis 2007 une opposition consistante à l'Assemblée Nationale. Toutefois, avec le temps, ces acquis finiront, malheureusement, par ne pas être à l'abri des carences. B- Les carences avérées des acquis d'ordre juridique149(*). Admettons que le Togo en marche vers la démocratie ne peut pas s'en passer des institutions nécessaires à une société démocratique digne de ce nom. En ce sens, bon nombre d'institutions sont mises en place conformément à la Constitution togolaise, qui en a déterminé leur fonction. Cependant, il n'en demeure pas invraisemblable que parfois, certaines institutions se perdent volontairement ou involontairement dans leur mission. Cette assertion est d'abord vérifiable au niveau de la Cour Constitutionnel qui, conformément à l'art. 99 du Titre VI de la Constitution togolaise, est la plus haute juridiction de l'Etat en matière constitutionnelle ; elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques ; elle est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics. Cependant, (pour citer que cet exemple) lors des crises sociopolitiques de 2005 au Togo, elle a failli à sa mission en approuvant le coup d'Etat constitutionnel perpétré par les militaires et le régime en place au lendemain du décès de l'ancien Président de la République GNASSINGBE Eyadéma ; un coup d'Etat, pourtant, condamné par l'ensemble de la communauté internationale. Ensuite, il ne faut pas non plus perdre de vue les défauts que présente l'institution judicaire togolaise. Le service public de la Justice s'est, en effet, fortement détérioré depuis quelques décennies, du fait des restrictions budgétaires consécutives à la réduction drastique en 1993 de l'aide internationale au développement du Togo. Le budget du ministère de la Justice, amputé de 50% au début des années 1990, représente aujourd'hui moins de 0,5% du budget de l'État et ne parvient à financer que les salaires des magistrats150(*). Sans revenir sur les effets de cette situation sur la qualité des jugements rendus, signalons en passant que les chambres administratives de la Cour Suprême et de la cour d'appel ne sont toujours pas, pour l'heure, fonctionnelles. Il en résulte une absence complète de contentieux administratif au Togo ; ce qui constitue une atteinte sérieuse aux droits des citoyens qui sont de facto incapables d'assigner en justice l'État. Les tribunaux autonomes de commerce imposés par le traité OHADA ne sont pas, non plus, établis151(*). De même l'institution administrative n'est pas épargnée. Le dysfonctionnement de l'administration n'est plus un secret de polichinelle. Le projet de reforme et de modernisation de l'administration visant à redéfinir, à clarifier les missions de l'Etat, à renforcer les capacités de l'administration publique, à rationaliser les structures administratives et les normes, à renforcer l'efficacité du travail gouvernement152(*) (...), illustre éloquemment que certains acquis institutionnels administratifs sont lésés. Qu'en est-il alors, des acquis d'ordre politique pestiférés ? * 141 Rapport final - M.O.E-U.E sur l'élection présidentielle de 2010 au Togo, p. 36. * 142 Ibid. Répondant ainsi au point 1.4 des 22 engagements souscrits auprès de l'Union Européenne. V. Annexe. * 143 V. Annexe. * 144 Il s'agit d'un projet visant au renforcement des capacités des personnels du ministère de la Justice et de ceux qui pilotent ledit projet, la modernisation de la législation, le renforcement de l'indépendance de la magistrature et l'amélioration du fonctionnement des juridictions, le renforcement des capacités des acteurs judiciaires dont les magistrats et les auxiliaires de justice et l'amélioration de l'accès au droit. V. le Document relatif à l'avant projet final du Programme National de Modernisation de la Justice, 2005-2010 du Ministère de la Justice. * 145 Le Togo devient ainsi le 15ème pays membre de l'Union africaine et le 94ème pays dans le monde à abolir la peine de mort pour tous les crimes. V. « Le Togo entre la crise et la relance », Rapport des organisations de la société civile et des organisations syndicales, février 2010, P. 18-39. * 146 Conformément à l'engagement 3.1 des 22 engagements. V. Annexe. * 147 Il faut préciser que la CNDH était mise en place sous la troisième république le 21 octobre 1987, suite à l'adoption au sein de l'OUA, de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et surtout pour répondre aux attentes et exigences de l'ONU. V. GABA (L.), op cit. Seulement il s'est fait qu'avec l'adoption d'une nouvelle constitution en octobre 1992, il a donc, fallu la constitutionnaliser et la renforcer. * 148 KPODAR (A.), op cit.41 * 149 Les normes étant appliquées par les institutions, nous allons nous appesantir plus sur les défauts de ces dernières dans cette rubrique consacrée aux carences des acquis d'ordre politique. * 150 V. l'avant projet final du Ministère de la justice relatif au Programme National de Modernisation de la Justice 2005-2010. * 151 Ibid. * 152 Disponible sur www. tg.unpd.org (consulté le 13 septembre 2012). |
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