WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le regard porté sur les femmes par le franciscain Jean Benedicti à  travers son manuel de confession "la somme des pechez et le remede d'icevx" (1595, réédition )

( Télécharger le fichier original )
par Lucie HUMEAU
Lyon  - Master 1 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

LA FEMME ET L'HOMME.

Dans l'ouvrage de Benedicti, la place de la femme est essentiellement déterminée à l'aune de celle qu'occupe l'homme. La somme des pechez, et le remede d'icevx traite avec insistance de ce couple qui semble à tout moment pouvoir glisser sur la pente du péché. Nous pouvons aussi penser que, lorsque le franciscain écrit son oeuvre, il se la représente à destination de la composante la plus naturelle de la société de son temps : le couple catholique. Jean Benedicti aborde cette relation homme - femme sous quatre aspects que nous développerons ci-après. Nous verrons tout d'abord comment ce dernier insiste longuement sur les droits et devoirs de la femme mariée. Mais le couple se décline aussi sous d'autres facettes que nous étudierons : la femme adultère semble particulièrement crainte tandis que la concubine est quasiment exclusivement abordée dans sa relation avec des gens d'Église. Enfin, nous mettrons en lumière la vision qu'a Benedicti du problème spécifique que pose la veuve : désormais maîtresse provisoire de ses biens, cette femme « libre » saura-t-elle vivre décemment sans la tutelle d'un homme ?

Droits et devoirs de la femme mariée.

La femme mariée peut entamer une nouvelle existence, qui ne semble pas moins dangereuse que celle de la vierge. Passée sous la tutelle de son mari, elle reste un être

331Jean-Louis FLANDRIN, Les amours paysannes..., op. cit. [note n°275], p.283-284.

332Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.475. 333Yvonne KNIBIEHLER, La virginité féminine..., op. cit. [note n°265], p.105.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 90 -

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

inférieur à qui Jean Benedicti rappelle les nombreux devoirs. Néanmoins, ce dernier n'hésite pas à lui accorder certains droits qui relativisent quelque peu cette position de soumission extrême dans laquelle nous imaginons la femme du XVIe siècle. Malgré ces concessions, nous verrons dans un premier temps qu'une majorité des références que le franciscain fait à la femme mariée est tournée vers son rapport au sexe. Nous nous pencherons ensuite sur la question de la faiblesse supposée de la femme, qui doit entraîner sa sujétion à tout prix. Enfin, nous montrerons que de cette faiblesse découlent des devoirs mais aussi des droits que Benedicti accorde plus libéralement que bien des hommes de son temps.

La femme a toujours été perçue comme un être ambivalent. Jean Delumeau donne cette explication à la méfiance exprimée envers cette dernière : « Mal magnifique, plaisir funeste, venimeuse et trompeuse, la femme a été accusée par l'autre sexe d'avoir introduit sur terre le péché, le malheur et la mort. Pandore grecque ou Ève judaïque, elle a commis la faute originelle en ouvrant l'urne qui contenait tous les maux ou en mangeant du fruit défendu. L'homme a cherché un responsable à la souffrance, à l'échec, à la disparition du paradis terrestre, et il a trouvé la femme. Comment ne pas redouter un être qui n'est jamais si dangereux que lorsqu'il sourit ? La caverne sexuelle est devenue la fosse visqueuse de l'enfer »334. La femme qui sécrète tous les mois du sang par cette même « caverne sexuelle », dont le corps se déforme sous l'effet de la grossesse, qui donne la vie à un nouvel être et qui pourra nourrir son bébé grâce au lait qu'elle produit ne pouvait-elle pas n'être qu'une personne mystérieuse et inquiétante ? Le sang, qui dans beaucoup de civilisations symbolise l'impureté, lui interdit de participer trop activement à certains cultes. Son rapport à la vie, qu'elle donne, mais aussi à la mort, dont elle semble plus proche, l'ont repoussée du côté de la nature tandis que l'homme s'attribuait la sagesse, la raison. Sa proximité avec la nature la laisse nécessairement plus gouvernée par ses instincts que l'homme. Les médecins de l'Antiquité attribuent à sa « matrice » une vie propre qu'elle-même ne peut contenir. Et d'après eux, cette matrice incontrôlable peut subitement se trouver assoiffée de sexe. Ainsi, Jean Delumeau précise : « Dans l'inconscient de l'homme la femme suscite l'inquiétude, non seulement parce qu'elle est le juge de sa sexualité, mais encore parce qu'il l'imagine volontiers insatiable, comparable à un feu qu'il faut sans cesse alimenter, dévorante comme la mante religieuse »335. Le discours que tiennent les gens d'Église peut parfois sembler terroriste

334Jean DELUMEAU, La peur en Occident, Paris, Fayard, 1978 (coll. Pluriel Histoire), p.403. 335Ibid., p.402-403.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 91 -

envers la femme mais il faut rappeler que ces derniers ont fait voeu de continence et que la femme représente, presque nécessairement, une menace, une tentation incessante.

Jean Benedicti aborde assez longuement les questions de sexualité au sein du couple. Rappelons dans quel cadre ces rapports sexuels pouvaient se dérouler au XVI e siècle. Les conjoints ne se sont pas forcément choisis l'un l'autre et, du moins dans les couches les plus aisées de la société, ne se connaissent pas encore très bien. L'écart d'âge peut être important. Le mariage doit être consommé pour être reconnu. Marcel Bernos rappelle que, même « [e]n l'absence de témoignages nombreux et précis sur les gestes communs de l'amour ordinaire, [...] l'impression domine, selon une formule de Jacques Solé, que les actes conjugaux sont "relativement rares, brefs et privés de chaleur" »336. Le mari est censé faire l'éducation sexuelle de sa femme, ce qui est plus facile si cette dernière est assez jeune, mais, comme le rappelle Maurice Dumas, « en matière de sexualité, les conseils qu'on lui adresse se résument à la nécessité de modérer ses propres ardeurs »337. Jean Benedicti tente donc de parer aux dangers potentiels auxquels les femmes sont exposées dans ce « lieu occupé par les forces du mal »338 qu'est le lit conjugal en délimitant précisément les conditions de l'acte sexuel. Afin de voir quels conseils donne Benedicti aux couples, nous suivrons point par point son chapitre intitulé « De l'excez des gens mariez ».

Jean Benedicti rappelle tout d'abord la position de saint Paul. Ce dernier affirme : « Il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme. Toutefois, en raison du péril d'impudicité, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari. Que le mari s'acquitte de son devoir envers sa femme, et pareillement la femme envers son mari. La femme ne dispose pas de son corps, mais le mari. Pareillement, le mari ne dispose pas de son corps, mais la femme. Ne vous refusez pas l'un à l'autre ; si ce n'est d'un commun accord, pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis reprenez la vie commune, de peur que Satan ne profite, pour vous tenter, de votre incontinence ». Il ajoute « mieux vaut se marier que de brûler »339. Ce passage a une très grande importance dans la doctrine chrétienne du mariage puisqu'il institue le devoir de mariage et qu'il reconnaît une sorte de nécessité physique à l'acte sexuel. Benedicti explicite immédiatement ce propos en affirmant : « il ne s'e[n]suit pas toutesfois qu'il doiuent commettre aucu[n]s excez en leur mariage qui desplaise à Dieu »340. Le franciscain prend ici en modèle Sarra. Cette

336Marcel BERNOS, « Le temps des mises en ordre », dans Le fruit défendu : les chrétiens et la sexualité de l'Antiquité à nos jours, Marcel BERNOS, Charles de LA RONCIERE, Jean GUYON, Philippe LECRIVAIN, Paris, LE Centurion, 1985 (coll. Chrétiens dans l'histoire), p.160.

337Maurice DUMAS, Le mariage amoureux : histoire du lien conjugal sous l'Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 2004, p.135. 338Ibid., p.134.

339Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], I Cor. VII, 1-9.

340Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.150.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 92 -

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 93 -

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

jeune femme, qui est veuve de sept époux sans même avoir eu le temps de les connaître, finit par épouser le valeureux Tobie. Benedicti rappelle que le démon Asmodée est responsable de la mort des époux successifs de Sarra. Il interprète l'action du démon pour appuyer son propos. En effet, tandis que les raisons d'Asmodée ne sont pas développées dans le texte biblique341, Benedicti affirme qu'il « tua les sept marys de la ieune dame Sara, à raison qu'ils l'auoient espousee, plustost pour vaquer à leur concupiscence & appetis desordonnez, comme bestes brutes, que pour auoir lignee »342. Nous ne savons pas si cette interprétation était commune à l'époque mais il est intéressant de remarquer qu'ici « ce diable Asmodee » semble avoir horreur du péché et va jusqu'à commettre plusieurs meurtres pour protéger l'honneur d'une jeune mariée vertueuse. Quelques lignes plus loin, le franciscain détourne à nouveau un texte biblique pour appuyer son propos. Il affirme que le prophète Osée a dit : « Pour-autant [...] qu'ils ont esté impudiques en leurs amours, ie feray que les femmes seront steriles, ou que si elles viennent à conceuoir, elles enfantero[n]t des mo[n]stres & ie leur tariray les mammelles, &c »343. La note à laquelle renvoie l'astérisque mis devant le mot « Prophete » invite le lecteur à se référer à « Osee c. 9. ». Or dans ce passage, si Osée annonce effectivement une punition divine impliquant « plus d'enfantement, de grossesse, de conception [...] des entrailles stériles et des seins desséchés »344, il s'agit du crime d'idolâtrie qui est en cause et non celui d'incontinence. Nous voyons ici que Benedicti adapte assez librement la Bible pour illustrer son propos.

Il semble néanmoins que son premier conseil soit la modération. Tout rapport doit être mesuré en vue de son but ultime : la procréation. Jean Benedicti conseille : « il ne faut pas que l'ho[m]me vse de sa femme comme d'vne putain, ne que la femme se porte enuers son mary, comme auec vn amoureux : car ce sainct Sacrement de mariage se doit traicter auec toute honnesteté & reuerence »345. Nous pouvons ici rapprocher ce propos de ce que pense un contemporain, Michel de Montaigne. Ce dernier affirme en effet à la même époque : « Aussi est-ce une espèce d'inceste d'aller employer à ce parentage vénérable et sacré les efforts et les extravagances de la licence amoureuse. Il faut, dit Aristote, toucher sa femme prudemment et sévèrement, de peur qu'en la chatouillant trop lascivement le plaisir la fasse sortir hors des gonds de raison. Ce qu'il dit pour la conscience, les médecins le disent pour la santé : qu'un plaisir excessivement chaud, voluptueux et assidu altère la semence et empêche la conception. [...] Aucune

341Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Tobie, 3, 8.

342Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.151.

343Ibid., p.151.

344Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Osée, 9, 11-14.

345Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.151.

femme ne voudrait tenir lieu de maîtresse et d'amie à son mari. Si elle est logée en son affection comme femme, elle y est bien plus honorablement et sûrement logée »346. Nous voyons ici que les religieux ne sont pas en opposition avec les pensées de l'époque.

Benedicti aborde ensuite la question des positions sexuelles acceptées ou non. Le rapport sexuel devant avoir pour but premier la procréation, il doit la faciliter par tous les moyens. Le cas contraire, il ne s'agirait que de chercher la volupté, ce qui est un péché en soi. Scarlett Beauvalet affirme que cette question de la « position naturelle » est « toujours posée lors de la confession »347. Selon elle, « les clercs n'en admettent qu'une seule, qui met l'homme au-dessus de la femme allongée sur le dos. [...] Outre l'intérêt de faciliter la procréation, cette position est symbolique de la domination masculine et rappelle le cycle naturel de la terre fécondée par le laboureur »348. Toutes les autres postures sont interdites car elles ne seraient pas naturelles et ne seraient pas propices à la conception. Les médecins de l'époque sont quasiment tous unanimes sur ce point. Or, Benedicti apparaît plus conciliant. Il ajoute en effet à la fin de son paragraphe : « Ie dy toutesfois, qu'au moye[n] que la femme puisse co[n]ceuoir, en quelque maniere que le mary la cognoisse, ce n'est le plus souuent que peché veniel »349. Le franciscain réintroduit une infime marge de manoeuvre dans les rapports du couple. En ce qui concerne ce qui est « co[n]tre l'ordre de nature », à savoir la sodomie, aucune dérogation n'est possible. La femme mariée a le droit voire même le devoir de s'y opposer. Benedicti va jusqu'à accorder à la femme le droit de se séparer de son conjoint « s'il n'y a autre moyen de le corriger. Et pour autant celles qui craignant Dieu, ne doiuent iamais consentir en choses si destestables, ains plustost doiuent crier à la force, nonobstant le scandale qui en pourroit arriuer. Et en cela le des-honneur ny la crainte de mort, ne les doit intimider : car il vaut mieux mourir, dit la loy, que de consentir à mal. Ie croy bie[n] que ce vice n'a pas lieu en France. Dieu en soit loüé »350. La sodomie avait déjà été longuement dénoncée quelques pages auparavant montrant du doigt « les demons qui subuertirent Sodome, & Gomorrhe auec leurs habitans, qui outre leur prodigieuse luxure estoint plus qu'heretiques, voulans en ta[n]t qu'il estoit en eux possible, abolir le gente [sic] humain, en delaissant l'vsage naturel des femmes »351. Benedicti accorde de plus le droit de se toucher entre époux, afin de « s'inciter à se

346Michel de MONTAIGNE, Essais III, cité dans François LEBRUN, La vie conjugale sous l'Ancien Régime, Paris, Armand

Colin, 1975 (coll. U), p.88.

347Scarlett BEAUVALET, Histoire de la sexualité à l'époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010, p.88.

348Ibid., p.88-89.

349Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.151.

350Ibid., p.151.

351Ibid., p.149.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 94 -

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 95 -

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

rendre le deuoir de mariage »352. Ce point faisant débat au sein de l'Église, du fait des possibles dérives de ces gestes, qui peuvent même mener à une satisfaction mutuelle des conjoints sans possibilité de procréation, Benedicti décide de se reporter au texte biblique. Il cite en effet Genèse 26 où l'on voit « Isaac qui caressait Rébecca »353, sa femme.

Jean Benedicti s'attache à décrire les moments physiologiques qui seraient les plus propices à un rapport sexuel. Il affirme tout d'abord : « Le mary qui cognoist sa femme lors qu'elle a ses purgations, peche mortellement, sinon que l'ignorance l'excusast en partie, comme celuy qui iamais ne[n] auroit esté aduerty »354. En effet, la croyance est bien ancrée à l'époque que « les enfans en deuienne[n]t ladres355, monstres, contre-faicts, souuent ils meure[n]t au ventre de leurs meres, ou sont tachez de quelque autre maladie, pourtans la marque de l'incontinence de leurs geniteurs, ainsi que l'experience nous l'enseigne »356. Le Lévitique insiste sur l'impureté de la femme qui a ses règles : « Lorsqu'une femme a un écoulement de sang et que du sang s'écoule de son corps, elle restera pendant sept jours dans l'impureté de ses règles. [...] Si un homme couche avec elle, l'impureté de ses règles l'atteindra. Il sera impur pendant sept jours. Tout lit sur lequel il couchera sera impur »357. Ce même passage préconise de se laver après tout contact avec un meuble ou un objet touché par la femme impure. Benedicti ne suit pas à la lettre ces indications de l'Ancien Testament mais il considère que son « indisposition » doit la tenir écartée de tout rapport sexuel. Guy Bechtel rappelle que « [d]epuis Pline (23-79), on avait la certitude que le sang menstruel était venimeux. [...] La femme était supposée immunisée contre son propre venin. Cependant un être humain capable de produire plusieurs jours par mois un tel poison était fondamentalement mauvais, pernicieux, diabolique, et toute conjonction charnelle avec lui relevait du défi»358. Il faut donc éviter particulièrement un rapport durant cette période. Benedicti, tout comme les autres théologiens de son temps, laisse à la femme le soin d'informer ou non son mari de sa situation. Cette dernière peut en effet choisir de « luy signifier so[n] indispositio[n], si elle voit que le mary la poursuiue, mais auec prude[n]ce à celle [sic] fin qu'il ne l'ait point en horreur pour cela, & le prier hu[m]bleme[n]t d'atte[n]dre encores vn peu. Que s'il ne veut, elle luy peut obeyr sans scrupule de conscie[n]ce : car

352Ibid., p.151.

353Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Genèse, 26, 8.

354Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.152.

355Ladre signifie « lépreux » au sens propre mais, par extension, désigne aussi une personne paresseuse, fainéante ou folle.

356Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.152.

357Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Lévitique, 15, 19-24.

358Guy BECHTEL, La chair, le diable et le confesseur, Paris, Plon, 1994 (coll. Le doigt de Dieu), p. 133.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 96 -

elle est subiecte au mary [...] »359. Cependant, la femme pécherait si elle demandait elle-même à son conjoint de lui rendre le devoir de mariage pendant ce temps. Benedicti donne à cela un argument qui semble en décalage avec les croyances de la fin du XVIe siècle puisqu'il affirme « qu'elle n'est point si necessitee qu'elle ne puisse bien attendre, veu qu'en tel accide[n]t elle n'est pas tant espoinçonnee des aiguillons de la chair, ne par consequent tant subiecte au peril, que pourroit estre le mary »360. Jean Benedicti propose ensuite aux mariés de rester continents le temps de la grossesse afin de ne pas « suffoquer le fruit ia co[n]ceu »361. De même, un temps de sept jours devrait être respecté après l'accouchement, afin de laisser la matrice se refermer. Il confirme aussi qu'il « y a mesme vne loy au droit canon qui dit que le mary s'abstienne de sa femme iusques à tant qu'elle ait seuré l'enfant de la mammelle »362 mais n'insiste pas sur le sujet, et ne demande pas aux femmes de suivre ce précepte. En cela, Benedicti est plus indulgent, ou plus pragmatique, que bien des hommes de son temps.

Les paragraphes suivants traitent la question du moment temporel le plus adéquat pour avoir des relations sexuelles avec son conjoint. Il affirme que « [c]eux qui vaquent à l'oeuure de chair au temps qu'ils communient & reçoiuent le Sainct Sacrement peche[n]t au moins venieleme[n]t »363. Benedicti rappelle qu'un minimum de trois jours de continence est évoqué en plusieurs textes mais adoucit aussi le propos de personnes plus rigoureuses que lui à ce sujet. Il précise que « quand quelques gloses & Docteurs disent que c'est peché de le rendre [le devoir de mariage] en telles sole[n]nitez, il se doit entendre qua[n]d c'est plustost pour volupté, ou irreuerence & mespris de la feste, que pour auoir lignee. Et par ainsi quand ils disent qu'en tels iours il faut que le mary & la femme viuent en continence, il s'entend de conseil »364. De même, Benedicti recommande la continence « aux grandes festes & solennitez »365 mais ne l'impose pas tandis que Charles Borromée, à la même époque, conseillait aux personnes mariées de s'abstenir l'un de l'autre même le dimanche, jour du Seigneur366. En ce qui concerne le lieu où peuvent avoir lieu les rapports sexuels, Benedicti hiérarchise sa phrase selon un ordre de péché décroissant : « La partie qui rend à l'autre le deuoir de mariage en l'Eglise ou en lieu sacré, ou bien en public au scandale du peuple peche »367. Néanmoins, s'il s'agit d'éviter « vn plus gra[n]d mal, comme pollution volontaire, &c », il existe,

359Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.153.

360Ibid., p.153. 361Ibid., p.153. 362Ibid., p.154. 363Ibid., p.154. 364Ibid., p.154. 365Ibid., p.154. 366Guy BECHTEL, La chair..., op. cit. [note n°358], p. 154.

367Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.155.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

selon l'expression de Guy Bechtel, des « accommodements possibles avec la religion ». Ainsi, selon lui, « [l]es gens pressés avaient [...] toujours le loisir de se réfugier dans le clocher, voire dans la sacristie »368.

Ce même auteur rappelle que « l'amour doit être fait. Les confesseurs avaient en même temps que la mission d'empêcher le plaisir d'un coït trop luxurieux, le devoir de s'assurer de son existence, de sa répétition »369. Le devoir de mariage n'est pas à prendre à la légère, et comme le dit Benedicti, « [c]eluy ou celle qui denie le deuoir de mariage sans occasion à sa partie il viole le droit de iustice, qui commande de rendre à vn chacun ce que luy appartient »370. Ainsi, faire un voeu de continence est impossible à l'un des conjoints si sa partie n'est pas consentante. À ce propos, Benedicti rapporte l'histoire de femmes qui furent excommuniées pour avoir abandonné leurs maris sous couvert d'un voeu de continence371. Une femme renvoyée puis rappelée par son mari a obligation de lui rendre le devoir de mariage372 mais c'est à elle de choisir si elle désire rendre ce même devoir à un mari adultère dont la faute est publique373. Dans le même ordre d'idées, « la loy de mariage oblige la femme de coucher auec son mary qui est excommunié, & luy rendre le deuoir de mariage, & ce sans encourir censure aucune, & à l'opposite le mary doit habiter auec la femme excommuniee »374. Si le mari peut demander à sa femme d'avoir des rapports sexuels avec lui, elle aussi a des droits sur sa partie. En effet, le mari qui se fait ordonner « au desceu de sa partie, peche mortellement, & si doit estre restitué à sa femme si elle le dema[n]de, pour luy rendre le deuoir de mariage »375. L'impossibilité de rendre le devoir de mariage entraîne la dissolution de celui-ci. Le franciscain est formel sur ce point : « quant à la femelle vierge qui ne peut endurer la co[m]pagnie du mary, on y peut remedier par l'art de chirurgie, comme aussi celle qui est de matrice trop estroitte. Que s'il n'y a point de remede, & que l'homme ne la puisse en aucune façon cognoistre, on les pourra separer : car s'est vn empeschement perpetuel qui dissoult le mariage »376. Pierre Darmon a étudié dans son ouvrage Le tribunal de l'impuissance : virilité et défaillance conjugale dans l'ancienne France377 les divers recours des conjoints en cas d'impuissance.

368Guy BECHTEL, La chair..., op. cit. [note n°358], p. 153.

369Ibid., p. 254.

370Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.155.

371Ibid., p.68. 372Ibid., p.127. 373Ibid., p.128. 374Ibid., p.601. 375Ibid., p.450. 376Ibid., p.472. 377Pierre DARMON, Le tribunal de l'impuissance : virilité et défaillance conjugale dans l'ancienne France, Paris, Seuil, 1979. Il faut souligner que cet auteur affirme que les « canonistes ont mis longtemps avant de s'apercevoir de l'existence de l'impuissance féminine » (p.48). Alors qu'un homme qui ne répond pas au triptyque « Dresser, entrer, mouiller » était reconnu impuissant et incapable de se marier depuis le XIIe siècle, les femmes n'ont fait l'objet de procès en impuissance que dans 5% des cas étudiés

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 97 -

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 98 -

Enfin, Benedicti conseille de mentionner lors de la confession, toutes les pensées qui ont eu trait à un rapport sexuel désiré. Guy Bechtel explique que « [l]'amour commence bien avant l'amour, et l'Église l'a toujours su. C'est pourquoi elle a prévu, en confession, d'interroger non seulement sur les actes de la chair, mais sur toutes les anticipations en esprit, les fantasmes qui les précèdent, les délectations préalables »378. Ainsi la femme mariée pèche « laquelle pensant en la compagnie qu'elle aura de son mary quand il sera de retour à la maison se delecte en telle cogitatio[n], & se senta[n]t enflammer en icelle ne la repousse point : Et peche encores plus griefuement si pour cela elle tombe en pollution »379. Si les conseils donnés aux mariés sont regroupés en un seul chapitre, les diverses fautes qui peuvent émailler une relation sexuelle sont disséminées tout au long de l'ouvrage, au fil des exemples pris par Benedicti pour illustrer son propos. Benedicti affirme qu'il faut confesser toutes les facettes de l'acte de chair afin de déterminer précisément le degré de la faute commise. Ainsi, « [l]a femme qui consent au peché de luxure pressee de pauureté ou de crainte peche bien mortellement, mais non pas tant que celle qui n'a esté contrainte par telles circonstances »380, « celuy qui abuse d'vne femme roturiere, offense aussi bie[n] que celuy qui abuse d'vne damoiselle : le peché toutesfois de l'vn est plus grief que celuy de l'autre. Item celuy qui abuse d'vne vieille ou laide femme, offense plus que celuy qui peche auec vne belle, caeteris paribus, c'est à dire quand les deux sont de mesme qualité »381. Benedicti semble ici plus traiter de rapports sexuels hors mariage. Lorsque ce dernier traite dans le détail les circonstances qu'il faut préciser à son confesseur lors de l'aveu d'un péché de luxure, la femme est citée à chaque circonstance mais elle n'est jamais active. Elle semble n'être qu'un objet qui a mené à pécher mais ce n'est pas son péché à elle qui semble intéresser Benedicti dans cette partie. Il affirme même que « le mary adultere peche plus griefuement (i'ay dit ailleurs intensiuement) que la femme, pour autant que le sexe feminin est plus fragile, & plus violentement agité que non pas le masculin »382. S'il se met ici en contradiction avec ce qu'il avait affirmé plus tôt dans son ouvrage, Benedicti semble faire porter la plus lourde charge sur les épaules masculines. Il rappelle enfin la charge incestueuse du rapport sexuel entre un religieux et une laïque383 et condamne la polygamie384.

par Pierre Darmon.

378Guy BECHTEL, La chair..., op. cit. [note n°358], p. 173.

379Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.158.

380Ibid., p.577.

381Ibid., p.577.

382Ibid., p.581.

383Ibid., p.134.

384Ibid., p.123-124.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

Les autres références à la femme mariée les plus présentes dans l'ouvrage La somme des pechez, et le remede d'icevx, sont celles relatives à sa faiblesse et à sa sujétion au mari, qui a quasiment toute puissance sur elle. La sexualité de la femme fait peur, la vie propre de sa matrice est redoutée et il faut, tout comme les enfants, la mettre sous le joug d'une puissance qui pourra éviter tout débordement. De plus, selon l'Ecclésiastique, « [c]'est par la femme que le péché a commencé / et c'est à cause d'elle que tous nous mourons »385. Ève pèse lourd sur le sort qui est réservé aux femmes à toutes les époques. Sa naissance même semblait impliquer une soumission de la femme, sa faute lui a attiré les foudres des juristes et des clercs durant des siècles. En effet, Ève aurait été tirée d'une côte de l'homme386. Cette naissance est la plus communément admise tandis que plus haut dans le texte, nous pouvons lire : « Dieu créa l'homme à son image, / à l'image de Dieu il le créa, / homme et femme il les créa »387. Cette première naissance simultanée du principe masculin et féminin a été occultée par la deuxième naissance d'un être purement féminin, Ève. L'infériorité de cette dernière a souvent été justifiée par le fait qu'elle a été formée à partir d'Adam. Néanmoins, il faut souligner qu'elle n'a pas été tirée de ses pieds, ce qui aurait pu mettre en valeur son caractère inférieur, ni de sa tête, ce qui aurait pu impliquer une supériorité, mais de sa côte, de son côté, symbole d'égalité. Malheureusement, cette « premiere mere estant deceue par ces esprits malings »388, l'homme et la femme furent chassés du Paradis. Benedicti attribue cette déchéance au « te[n]dre cerueau »389 de cette femme qui n'a pas su contrer la ruse du serpent. Ce dernier tient un discours trompeur à Ève et celle-ci se laisse convaincre que Dieu lui fait du tort à elle et à son mari390. Aussi, Ève n'aurait-elle peut-être agi que par amour pour son mari, afin que celui-ci ne subisse aucun tort. Le fait qu'elle donne du fruit défendu à Adam pourrait être une preuve de son esprit de partage et non le signe de sa volonté de pervertir son partenaire. Néanmoins, c'est ainsi que le récit de la chute de l'humanité hors du Paradis fut interprété. Agnès Walch explicite : « Son caractère diabolique avait plongé l'humanité dans la détresse puisque par sa faute, le premier couple avait été chassé du paradis terrestre. Les médecins ajoutaient que la femme était de constitution faible, voire débile, et que son développement était bien lent et imparfait. Ils avançaient pour preuve cette vérité bien connue que Dieu insuffle l'âme au foetus au

385Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Ecclésiastique, XXV, 24.

386Ibid., Genèse, 2, 21.

387Ibid., Genèse, 1, 27.

388Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], « Epistre dedicatoire ».

389Ibid., p.1.

390Ibid., p.2.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 99 -

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 100 -

quarantième jour pour un mâle et au cinquantième pour une fille dont les organes génitaux sont, en outre, internes parce qu'elle n'a pas eu la force de les amener à maturité. Au mieux, ces médecins, parmi lesquels le très sérieux Ambroise Paré, conseillaient au mari de l'indulgence pour cet être si médiocre, en grande partie irresponsable de ses malheurs, mais coupable d'être un poids pour son partenaire »391. Nous allons voir que Benedicti n'échappe pas à cette image de la femme.

Ses allusions à la faiblesse d'esprit des femmes ponctuent son ouvrage. La femme ne peut pas témoigner en justice car elle « est le plus souuent fragile, muable & variable & subiette au mary »392, en cela, Benedicti s'accorde avec l'opinion des juristes de son temps. La femme écoute la messe en latin, bien qu'elle ne le comprenne pas, tout comme les idiots393. Mais la marque réelle de sa faiblesse d'esprit sont les superstitions auxquelles elle donne foi. Les femmes croient qu'elles peuvent avoir des relations sexuelles avec leur mari le jour de leur communion. Elles pensent même pouvoir travailler ce jour-là394. D'autres sont si superstitieuses qu'elle ne veulent « filer au Samedy » au lieu de quoi elles « s'applique[n]t à quelques autres negoces de vanité »395. Benedicti reconnaît le droit des femmes de s'arrêter de filer après le dîner « en l'honneur de la vierge Marie, à laquelle le Samedy est volontiers dedié » mais se moque des femmes qui prétendent reporter leur ouvrage sous couvert de superstition. De même, les femmes pensent qu'il faut réitérer la confession. Elles ne voient pas qu'elles se font abuser par « des co[n]fesseurs, peu experime[n]tez en cure d'ames »396. Les « deuotes femmes » sont aussi raillées pour leurs croyances397 en des rites surnaturels. Le désespoir semble de plus se remarquer plus facilement chez les femmes398 tandis que c'est lors de la confession que Benedicti dit voir le mieux leur faiblesse d'esprit. En effet, les « pauures femmes » n'osent confesser leurs péchés, principalement celles « qui sont tombees au peché de la chair »399. Dans une longue série de questions oratoires, Benedicti essaie de ramener les femmes à une confession entière de leurs péchés et finit son discours ainsi : « Proposez vo[us], ie vous prie vne Magdelene, vne Samaritaine, vne Marie Egyptienne, vne Thais, vne Pelagie, & plusieurs autres femmes pecheresses, qui ont bien enduré la honte de ce monde en confessant leurs pechez, pour euiter la honte

391Agnès WALCH, Histoire du couple en France de la Renaissance à nos jours, Rennes, Éditions Ouest France, 2003, p.18-19.

392Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.176.

393Ibid., p.85.

394Ibid., p.236-237.

395Ibid., p.48.

396Ibid., p.622.

397Ibid., p.44.

398Ibid., p.379.

399Ibid., p.648.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 101 -

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

perpetuelle, & l'eternel reproche »400. Néanmoins, cette même faiblesse de la femme devrait entraîner selon le franciscain une pudeur dans l'examen du confesseur401. En effet, il s'agit de ne pas apprendre à la femme des choses que sa simplicité ne lui laissait pas imaginer.

Le mariage est pour la femme un moyen de sanctification. Benedicti cite un apôtre qui dit « que la femme de bien sera sauuee par la generation des enfans, si elle demeure en la foy Catholique auec charité, sanctification, & sobrieté »402. La femme doit obéissance à son mari et sera « seuerement puni[e] & chati[ée] » « la femme desobeyssante à son mary en choses iustes & qui concernent le mesnage »403. Si ce propos peut paraître dur, il faut néanmoins remarquer que la désobéissance est punie si elle concerne des choses « iustes ». Nous verrons par après les droits de la femme si son conjoint agit d'une manière contraire aux Évangiles. De plus, tout comme le souligne Agnès Walch, « les clercs insistent sur la réciprocité des devoirs. Cette soumission est la contrepartie de la protection que le mariage apporte à la femme. Le mari doit fidélité irréprochable à son épouse, doit lui complaire et supporter les faiblesses du sexe. »404. Benedicti consacre un chapitre aux « pechez des maris enuers leurs femmes, qui se commettent contre ce quatriesme Commandement ». Il montre alors que le mari a obligation de nourrir « sa femme & sa famille, & leur pourueoir des choses necessaires selon sa puissance »405. Ce dernier est responsable du comportement de sa femme et il « est tenu de la corriger, attendu que selon l'escriture, l'homme est le chef de la femme »406. Néanmoins, « [c]eluy qui seuerement & atrocement bat ou corrige sa femme, encor que soit pour quelque faute, il peche. Il doit la corriger doucement, & non pas auec cruauté »407 rappelle le franciscain. Le mari doit ajuster son comportement à l'importance de sa femme dans son propre salut. En effet, prendre soin de sa femme est considéré comme digne de louanges et, tout comme le roi s'occupe de ses sujets pour accéder au Paradis, le mari a besoin de sa femme pour obtenir la sanctification. De plus, Benedicti souligne que « combien qu'elle soit inferieure, toutesfois elle n'est pas esclaue ne chambriere : mais compagne, & la chair & les os du mary »408. Il se rapporte ici à saint Paul et saint Pierre qui « exhortent les hommes à aymer leurs espouses comme

400Ibid., p.648.

401Ibid., p.626.

402Ibid., p.459-460.

403Ibid., p.256-257.

404Agnès WALCH, Histoire du couple..., op. cit. [note n°391], p.58.

405Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.98.

406Ibid., p.98.

407Ibid., p.98.

408Ibid., p.98.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 102 -

Iesus-Christ aime son Eglise »409. La femme, qui n'est donc pas une servante, doit cependant « obeyr à son mary, en ce qui co[n]cerne le gouuerneme[n]t de la famille & de la maison, & en ce qui concerne les vertus & bonnes moeurs [...] car la fe[m]me non seuleme[n]t est obligee de faire le co[m]mandement de son mary, ains aussi de receuoir sa doctrine si elle est bonne, selon S. Paul, qui dit, que les femmes interrogent leurs maris à la maison »410. La femme doit suivre son mari là où il désire aller sauf si cela la met dans un danger quelconque. Il conclue : « comme il y en a assez qui se monstrent plustost bourreaux de leurs femmes que marys ». Benedicti semble donc bien dénoncer toute violence déplacée envers les femmes. Le silence est de mise pour l'épouse qui désire le bien-être de son mari. Benedicti clôt son chapitre en affirmant que « tout ainsi que celle, qui auec humilité se submet au joug du mary pour accomplir la sentence de Dieu en la remission de ses pechez, merite grandement, au contraire celle qui ne veut obeyr, resiste à la puissance de Dieu, & peche grandement »411.

Cette soumission au mari entraîne un ensemble de droits pour ce dernier mais tout premièrement un devoir. Ainsi, saint Augustin dit : « ô toy mary au premier choc de la sensualité tu tombes, & tu veux que ta femme soit victorieuse, veu que tu es le chef de ta femme, elle te precede deuant Dieu, de laquelle tu es le chef. Le mary se doit porter plus vertueusement que la femme. Et quand la femme vit mieux que l'ho[m]me, la maison est renuersee »412. Selon Benedicti, qui reprend ces propos de saint Augustin à son compte, le mari doit donner l'exemple à sa femme. Il rappelle plus haut dans cette même page « Mais quoy ? Le mauuais de portement des marys, n'est-il pas souuent occasion de la desbauche des femmes, lesquelles bien souuent taschent à se venger du tort qu'elles voyent leur estre fait ? ». Sous réserve d'un bon comportement envers leurs femmes, les maris se voient attribuer un certain nombre de droits sur leurs épouses. Ils ont par exemple le droit de révoquer un voeu qu'elles auraient fait sans les en informer ou « quand elles vouent au preiudice du mariage »413. Cette révocation du voeu ne tient que le temps du vivant du mari, une fois ce dernier décédé, sa veuve est tenue de l'accomplir. Benedicti va jusqu'à affirmer que la femme n'a pas « liberté de vouer »414. Dans certains passages de La somme des pechez, et le remede d'icevx, il accepte cependant des voeux féminins. La femme ne peut pas voyager seule sans l'accord de son mari415. Son mari peut l'empêcher de sortir de chez elle. Dans ce cas, « elle ne peche pas

409Ibid., p.98. 410Ibid., p.98-99. 411Ibid., p.99. 412Ibid., p.118. 413Ibid., p.74. 414Ibid., p.78. 415Ibid., p.69.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

en n'oya[n]t point Messe, ouy bien le mary s'il le luy prohibe sans cause legitime : mais non pas si pour quelque bonne & iuste raison il le luy defend »416. Benedicti s'interroge : les femmes « qui esta[n]s souz la puissance d'autruy, sont contraint[e]s par crainte ou autrement, de trauaillez à tels iours, pechent [elles] ? Ie repo[n]s que non »417 affirme-t-il. La question du jeûne est aussi abordée. La femme se voit « excusee des ieusnes qu'elle à vouez de son fra[n]c arbitre, si le mary y co[n]tredit : mais si elle est bien obligee à garder les autres ieusnes comma[n]dez de l'Eglise. Que si son mary par viole[n]ce l'empesche de les obseruer, co[m]me par noises, menaces, percussion418 & autres desordres, troubla[n]t la paix & repos matrimonial, elle est excusee de peché, mais no[n] pas le mary qui l'e[m]pesche, sino[n] qu'il le face pour quelque bonne raison, laquelle il doit declarer au Confesseur »419. Enfin, les maris peuvent ouvrir le courrier de leur femme s'ils n'ont aucune mauvaise intention420. Nous voyons ici que la puissance du mari sur sa femme est assez importante mais que néanmoins ce dernier a une grande responsabilité dans ce qu'il autorise ou non à sa femme. Cette dernière, du fait de son infériorité, semble devoir obéir en tout point à son mari. Celui-ci est responsable sur son salut des actions de son épouse.

Nous allons voir à présent quels sont les droits et les devoirs de la femme, découlant de cette infériorité. Benedicti insiste très pesamment sur l'infériorité de la femme en ce qui concerne la possession d'argent. Marie-Françoise Hans rappelle que le XVIe siècle remet le droit romain à l'honneur et elle explique : « Appliquer le droit romain, c'est priver la femme de toute capacité civile, la reléguer au dernier rang dans l'héritage, l'asservir. Si on ne lui déniche pas un époux, on l'expédie au couvent ; si on la marie, le monsieur prend le pas sur elle. Tant qu'il vit, elle n'a aucun droit de regard sur le capital. Petite consolation : elle n'est pas responsable des dettes du couple »421. Cette dernière précise que la travailleuse est aussi mise sous une plus grande tutelle. Néanmoins Benedicti n'aborde pratiquement pas la question du travail des femmes sauf pour la prostituée. François Lebrun affirme que le droit coutumier, et plus précisément la coutume de Paris, stipule que « [l]e mari administre sans le concours de sa femme, frappée d'incapacité légale, non seulement ses propres et les biens de la communauté, mais aussi les propres de sa femme, dont les revenus tombent dans la communauté »422.

416Ibid., p.196.

417Ibid., p.82.

418Coup, contusion.

419Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.201.

420Ibid., p.249.

421Marie-Françoise HANS, Les femmes et l'argent, Paris, Grasset, 1988, p.37.

422François LEBRUN, La vie conjugale..., op. cit. [note n°346], p.75.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 103 -

Ainsi, bien qu'il y ait une différence juridique entre les propres du mari et ceux de sa femme, cela ne change rien quant à l'administration de ces derniers : le mari s'en charge. Le franciscain rappelle en plusieurs endroits de son ouvrage que les femmes n'ont pas de biens propres. Ainsi, il faut restituer l'argent perdu au jeu par une femme mariée puisque cette dernière n'avait pas la capacité de jouer cet argent423. Ce n'est d'ailleurs pas à elle qu'il faut rendre l'argent qu'elle aurait pu perdre. En effet : « Il ne faut non plus restituer à vne femme mariee ce qu'elle a perdu au ieu424, ou la donné, non plus au pupille, ou mineur, ou seruiteur, ou religieux : Car alors il le faut re[n]dre à son mary, à son Tuteur, à son maistre, à son monastere & ainsi des autres selon la qualité des personnes »425. De même, « [l]a femme qui donne notable quantité des biens de son mary, ou des bie[n]s co[m]muns de la maison, soit par aumosne ou autrement, outre le gré de son espoux offense. Voire mais la femme ne pourra elle donner l'aumosne aux pauures ? On respond que non, si c'est contre la volonté expresse de son mary : hors mis en huict cas. Le premier, quand la coustume du pays porte que les femmes puissent donner l'aumosne aux pauures, il leur est licite de ce faire, sinon que par expres commandement le mary le prohibast. Cecy a plus de lieu és femmes Fra[n]çoises, lesquelles ont plus de liberté en l'administration des biens de la maison, que n'o[n]t les Italiennes & Espanolles qui ne se meslents de rien. Le second, qua[n]d quelqu'vn seroit en extreme necessité, lors la femme luy doit suruenir, voire plustost desrober à son mary pour le luy bailler, encores que ce fust contre sa volonté : car extreme necessité n'a point de loy, & qui plus est, faict que les biens particuliers sont communs : car le droit naturel deroge en cela du droit ciuil, par lequel les biens sont diuisez. Le troisiesme pour se preseruer le mary & sa famille de quelque danger ou infortune, elle peut bailler des bie[n]s du mesnage. »426. Benedicti cite ici l'exemple d'Abigaïl qui donna des vivres à David contre l'avis de son mari Nabal. Lorsqu'elle l'apprit à ce dernier, il mourut sous l'effet de l'indignation427. Le franciscain reconnaît donc que la coutume peut donner plus ou moins de droits à la femme et qu'elle a la faculté de déterminer parfois si elle peut donner les biens de son mari.

423Ibid., p.268.

424Élisabeth Belmas indique cependant que les archives du temps « n'apportent guère de renseignements sur la criminalité ludique féminine » (p.201). Il semble donc difficile d'évaluer si les femmes jouaient de l'argent et dans quelles proportions. Néanmoins, les moralistes de l'époque soulignent que « les femmes sont prédisposées par les imperfections de leur nature à tomber dans les pièges du jeu » (p.52). Les jeux d'argent les plus communs à l'époque sont des mises sur les dés ou les cartes. Élisabeth BELMAS, Jouer autrefois : essai sur le jeu dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle), Seyssel, Champ-Vallon, 2006 (coll. Époques).

425Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.723.

426Ibid., p.162.

427Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], I Samuel, 25.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 104 -

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 105 -

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

Les points suivants abordent encore plus précisément la faculté de la femme à administrer des biens selon Benedicti. Ainsi, le quatrième cas où la femme peut faire l'aumône de son propre chef : « Le quatriesme, si le mary est absent elle peut donner l'aumosne : car en l'absence du mary elle doit auoir l'administration des bie[n]s, sinon qu'il en eust ordonné autrement. Mais elle ne doit pas plus donner qu'elle estime que so[n] mary eust donné s'il eust esté présent. Le cinquiesme, quand le mary seroit fol, insensé & priué de son iugement, alors elle peut aussi suruenir aux indige[n]s. Le sixiesme, si le mary luy depute quelque certaine quantité pour son viure & entretien, & qu'elle en face vn [sic] espargne, comme en ieusnant, viuant sobrement & laissant ses superfluitez, elle peut donner le residu aux pauures. Le septiesme elle peut donner aussi de ses biens parapharnaux, & de ce qu'elle a apporté outre le douaire, & de ce qu'elle peut gaigner particulierement de son art & industrie, & des lets & donnations que ses amis luy pourroient auoir legué »428. Ici, Benedicti reconnaît que la femme a le gouvernement de la maison en l'absence de son mari. Il faut souligner par ailleurs que de nombreux historiens affirment que la femme a un réel pouvoir dans l'espace qui lui est attribué. Ainsi, François Lebrun dit que « [s]i, théoriquement, l'autorité appartient sans partage au mari, les tâches du ménage se répartissent entre mari et femme. Dans les classes populaires, l'une des motivations profondes de la formation du couple réside précisément dans la nécessité d'associer à la gestion de la maison, c'est-à-dire de la famille et de l'exploitation agricole ou artisanale, la force de travail de deux personnes de l'un et l'autre sexe »429. Si le mari n'est pas en possession de toute sa raison, la femme devient alors la maîtresse des biens selon Benedicti. Ce dernier propose de plus, plus tard dans son ouvrage : « qua[n]d il se trouue ainsi de ses hommes perdus [...] il seroit bon de restituer à leurs femmes qui sont bonnes mesnageres pour ayder a entretenir leur famille »430. Les femmes peuvent donc parfaitement assumer la gestion des biens de la famille. Le septième argument du franciscain quant à la possibilité pour la femme de faire l'aumône l'amène à distinguer précisément les diverses parties constituant le capital du couple. Ce dernier est constitué de tous les biens du mari, qui lui appartiennent à lui seul, des biens communs à la femme et au mari, qui sont gouvernés par le mari, et des biens propres de la femme, dont cette dernière est censée pouvoir disposer à sa guise. Les biens propres de la femme sont : son salaire et les biens dits « paraphernaux », qui sont laissés sous son administration, par contrat le plus souvent, par opposition aux biens « dotaux », qui passent sous le contrôle du mari. Les diverses coutumes accordent

428Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.162. 429François LEBRUN, La vie conjugale..., op. cit. [note n°346], p.82.

430 Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170],p.723.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 106 -

à la femme des droits différents quant à la gestion de ses biens propres. Benedicti quant à lui reconnaît à la femme le droit de posséder et d'administrer à sa guise un capital personnel. Le huitième et dernier cas où la femme est autorisée à donner l'aumône sans l'accord de son mari est lorsqu'elle donne une très petite quantité de vin ou de pain car en ce cas, « il est presupposer que son mary n'en seroit ou n'en deuroit estre fasché quand il le sçauroit »431.

Dans son traité sur la restitution, Benedicti affirme à plusieurs reprises que les femmes qui ont donné de l'argent sans l'accord de leur mari doivent le restituer : il cite celles qui le donnent « à leurs parens, ou à autres »432 ou celles qui jouent l'argent de leur mari433. Benedicti s'attarde plus particulièrement sur le cas des femmes des usuriers ou de ceux qui jouent leur argent. Les premières doivent avoir pour objectif de restituer l'argent mal acquis par leur mari si elles ne désirent pas quitter leur conjoint. Benedicti dit ainsi par deux fois que « la femme qui n'aya[n]t douaire, ou autre moyen de gaigner sa vie, vit des biens du mary, qu'il a acquis par vsure, & n'e[n] à point d'autres, ils doyuent restituer entant [sic] qu'il est en eux possible. Que si la femme n'a moyen quelconque de viure, sinon de tels biens de son mary vsuraireme[n]t acquis, elle ne sera pas tenue à restitution : Mais il est bo[n] qu'elle impetre vne dispense de l'Euesque, pour en pouuoir vser en saine conscience, ayant toutesfois tousiours la volonté de restituer, la commodité s'y offra[n]t »434. Il leur conseille de plus l'épargne et propose même, si la femme le désire, une séparation de biens afin de pouvoir vivre des revenus de son douaire. Cette séparation de biens ne l'excuse nullement de rendre le devoir de mariage à son conjoint435. Cette pratique est attestée car en effet, à « compter du XVIe siècle, la femme mariée bénéficie d'une protection accrue de ses intérêts pécuniaires. L'épouse, craignant d'être entraînée dans la ruine de son mari, peut obtenir la séparation de biens, prononcée après enquête par la justice »436 précise la société Jean Bodin. Cette décision permet à la femme de jouir de ses propres et de ses biens meubles (déplaçables) comme elle l'entend. Elle doit néanmoins « avoir l'autorisation de son mari ou celle de la justice pour aliéner ses immeubles »437 c'est-à-dire tous les biens qui ne peuvent pas être déplacés tels les bâtiments ou les terres. Elle dispose toujours du droit de renoncer aux biens communs afin de ne pas avoir à rembourser les dettes contractées par son mari. François Lebrun rappelle aussi qu'elle « a droit à une compensation, dite récompense, si

431Ibid., p.163.

432Ibid., p.710.

433Ibid., p.707.

434Ibid., p.706, discours similaire p.318.

435Ibid., p.318.

436La femme, recueil de la société Jean Bodin, Bruxelles, Éditions de la librairie encyclopédique, 1962, p.251.

437Ibid., p.251.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de maîtrise | juin 2013 - 107 -

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

un de ses propres est vendu par l'époux ; elle a, sur les propres de celui-ci, une hypothèque légale qui lui permettra de recouvrer son dû avant tout autre créancier »438. Benedicti est très dur envers les maris joueurs qui dépensent l'argent qu'ils auraient dû utiliser pour subvenir aux besoins de leur famille. Il affirme : « le ioüeur qui oste à sa famille ce qui est necessaire, ou est cause par son ieu que sa femme & filles font quelque folie [...] ne doit aucunement estre absous, s'il ne desiste de tel abus »439. Plus tôt dans son ouvrage, il dénonçait le mauvais exemple donné par le mari joueur à sa femme et à ses enfants : le joueur qui a perdu décharge sa colère sur eux, s'il n'a plus un sou, il joue sa femme et il est la cause de leur désespoir. Benedicti raconte à ce sujet l'histoire d'une femme qui se voyant sans argent pour nourrir ses enfants va en réclamer à son mari. Celui-ci la bat tellement qu'il la laisse pour morte. Rentrant chez elle, cette dernière égorge ses enfants de désespoir avant de tuer à son tour son mari qui rentre ivre et ruiné. Cette femme condamnée meurt après avoir fait une remontrance avertissant les maris « de ne consummer ainsi la substance de leur pauure famille aux ieux et aux tauernes »440. Cet exemple sanglant donne plus de force à la démonstration de Benedicti qu'un sermon religieux. La femme est ici coupable de meurtre mais modèle du courage, comparée à Judith qui égorgea Holopherne afin de sauver sa ville assiégée.

Les droits attribués précisément à la femme mariée par Benedicti sont assez limités mais lui reconnaissent néanmoins une liberté qu'elle n'a pas dans la grande majorité des textes juridiques de l'époque. Ainsi, Benedicti accorde une réciprocité de droits en ce qui concerne la séparation des conjoints. Dix cas sont pour lui causes suffisantes « pour lesquelles la separation se fait quant à la cohabitation, & conuersation matrimoniale, tant de la part du mary, que de la femme, mais non pas quant au lien »441. Ces causes sont l'adultère ; l'hérésie, la sorcellerie et la magie ; le désir de l'un des conjoints de pousser l'autre à offenser Dieu ; « pour la cruauté & mauuais traitteme[n]t du mary » ; « [q]uand vne des parties veut tuer ou empoisonner l'autre, ou l'emmener en vn pays estrange pour la tuer, &c » ; « la femme peut laisser son mary qui est larron, & qui ne se veut point amender. Auta[n]t de celuy qui est vsurier, homicide ou infame d'autres vices enormes » ; « pour la sodomie, bestialité ou autre peché co[n]tre nature, qui est encores plus gra[n]d qu'adultere » ; le voeu d'entrer en religion d'un des conjoints si le mariage n'a pas encore été consommé ; en cas de « disparité de pechez » (ici Benedicti affirme que toute personne, même coupable d'un péché important, peut se

438François LEBRUN, La vie conjugale..., op. cit. [note n°346], p.75.

439Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.664. 440Ibid., p.271.

441Ibid., p.130.

Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de mémoire | juin 2013 - 108 -

séparer d'un conjoint huguenot) et enfin, dans le cas ou « le mary est fol & insensé, telleme[n]t qu'il veut à tous momens tuer sa femme, laquelle pour euiter le da[n]ger manifeste de la mort, se peut separer, quand il n'y auroit autre moyen de se garder »442. Trois causes sont ici explicitement en faveur de la femme. Le franciscain va jusqu'à défendre que, si la femme peut quitter un homme fou, ce dernier ne le peut pas dans le cas inverse. En effet, « il n'y a pas si grand da[n]ger en son endroit, veu que l'ho[m]me se peut mieux defendre de la femme, que la femme de l'homme »443. De même, Benedicti affirme que le mari ne peut pas se séparer comme il l'entend de sa femme car « [c]eluy qui repudie sa femme sans suffisante & legitime occasio[n] est en estat de da[m]nation » et « si le mary apres qu'il a fait separatio[n] vie[n]t à paillarder, il est obligé sur peine de peché mortel de rappeler sa femme, & de se reco[n]ciler [sic] auec elle : car par son peché il a perdu l'autorité de la punir pour ce fait »444. Ainsi, la femme a une certaine puissance sur son mari pécheur ou du moins, celui-ci en perd face à elle. Cela se voit aussi en cette occasion : « la femme innocente sans autre authorité de l'Eglise peut denier au mary adultere son corps, & en cela, ne luy tenir promesse puis qu'il n'a tenu la sienne »445. Le franciscain accorde ici assez de raison à la femme pour qu'elle puisse déterminer d'elle-même la conduite à tenir face à son mari. Si les hommes semblent disposer de tous les droits sur leur femme, il est certaines choses que ce dernier ne doit pas se permettre. Ainsi, le mari qui refuse à sa femme d'accomplir un voeu alors même qu'il lui avait permis auparavant pèche mortellement446. La femme étant entrée en religion après avoir été répudiée par son mari n'est pas obligée de réintégrer le domicile conjugal si celui-ci la rappelle. Néanmoins, si elle n'a fait qu'un voeu de continence, ne pouvant pas juridiquement faire de voeu sans l'accord de son mari, elle est obligée de rendre le devoir de mariage. Le mari doit aussi respecter le secret de la confession et Benedicti affirme que « [s]i quelqu'vn ialoux menaçoit de mort d'espee au poing le prestre, s'il ne luy declaroit les pechez de sa femme qu'il a ouis en confession, il deuroit plustost mourir alors q[ue] de violer le secret sacrame[n]tal »447 et « celuy là qui se deguise en forme de prestre pour escouter sa femme en confession, il est aussi bien tenu de garder le seau de confession, comme vn confesseur, & outre ne la pourroit punir, ou luy porter mauuais visage pour tous ses pechez sur peine d'offense mortelle »448. Enfin, l'épouse est parfois autorisée à mentir, ou à déguiser la vérité, afin d' « acquerir &

442Ibid., p.130-131. 443Ibid., p.131. 444Ibid., p.129. 445Ibid., p.131. 446Ibid., p.68. 447Ibid., p.676. 448Ibid., p.679.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

entretenir amitié »449 avec son mari. En effet, il est plus important pour Benedicti de sauvegarder la paix du ménage que de s'avouer des péchés plus ou moins graves.

Nous pouvons donc dire que la vie de la femme mariée est déterminée quasiment exclusivement par les droits que lui accorde son mari. La peur qu'inspire sa « matrice » légitime sa soumission à son conjoint qui doit cependant garder à l'esprit que son salut dépend de celle à qui il est lié par le sacrement du mariage.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo