Le XVIe siècle est une époque de
reconstruction théologique pour l'Église. Ce travail passe par
l'élaboration d'un nouveau discours logique sur la place de la femme
dans la société. Le développement des manuels de
confession en tant que genre littéraire dans la deuxième
moitié du XVIe siècle a permis de diffuser une
idéologie réaffirmée par le concile de Trente. Jean
Benedicti présente dans son ouvrage une vision triplement biaisée
de la femme : celle que l'Église catholique veut voir, celle que lui
renvoie la société de son temps et celle qu'il s'imagine
lui-même. La synthèse de ces trois visions permet de
dégager l'ambivalence d'une pensée où se mêlent peur
de la femme et discours égalitaire d'un religieux qui sait qu'hommes et
femmes sont égaux lors du Jugement dernier.
Le discours du franciscain est précieux par la
multitude de sources sur lesquelles il appuie ses démonstrations. La
reproduction dans le corps de son oeuvre de certains textes législatifs
de son temps et la profusion des notes marginales permettent de retracer le
cheminement de sa pensée. Aucune source ne semble avoir
été ignorée. À côté des textes
fondamentaux de l'Église, Benedicti s'est intéressé aux
textes juridiques et médicaux. Il utilise aussi les diverses cultures
qu'il a pu côtoyer voire même les superstitions de son temps. Les
grands auteurs anciens ne sont pas oubliés ni les thèses
hérétiques qu'il combat avec ardeur. Ses connaissances visibles
en latin, en grec et en hébreu sont associées à son
expérience personnelle en tant que confesseur, prédicateur et
exorciste afin de livrer un discours qui se veut objectif puisqu'il
présente fréquemment des thèses opposées afin d'en
proposer une synthèse. Il faut néanmoins avoir présent
à l'esprit que le texte de Jean Benedicti fut retouché
après sa mort par les professeurs de la Sorbonne : les modifications
qu'ils ont jugées nécessaires à l'oeuvre du franciscain
sont la preuve qu'au-delà d'un texte normatif reconnu par
l'Église, La somme des pechez et le remede d'icevx est le
reflet d'une pensée singulière.
Dans l'oeuvre du franciscain, la femme est
présentée comme un être ambivalent : à la fois
fondamentalement pécheresse et tentatrice, elle n'en est pas moins un
être infiniment faible et qui a constamment besoin d'être
protégée, notamment contre elle-même. La jeune fille est
pure car vierge mais facilement séduite par des hommes malveillants.
Elle doit donc être mariée rapidement si elle ne souhaite pas se
faire religieuse. Sa virginité est louée mais elle ne suffira pas
à la protéger des assauts du monde si ses parents ne la placent
pas sous la tutelle d'un mari. Une fois mariée, la
Humeau Lucie | Master 1 CEI | mémoire de
maîtrise | juin 2013 - 207 -
Humeau Lucie | Master 1 CEI | maîtrise de
mémoire | juin 2013 - 208 -
femme acquiert une place reconnue dans la
société du XVIe siècle. Elle a donc des devoirs
mais aussi certains droits. Soumise à son mari en tout point, elle devra
lui obéir en silence et le laisser gouverner la maison à sa
guise. Néanmoins, devant un péché trop visible, Benedicti
charge la femme de sortir de son mutisme pour corriger son conjoint.
Malgré cette nouvelle protection, c'est toujours la sexualité de
la femme qui pose question au religieux. La question des rapports sexuels entre
les conjoints est assez détaillée pour que tout confesseur puisse
trancher entre un rapport légitime ou non. Pour ce qui est des rapports
illégitimes, Jean Benedicti semble plus modéré que
certains de ses contemporains. En effet, il place l'homme et la femme
adultère sur un plan d'égalité pour ce qui est de la faute
commise. De même, lorsqu'il aborde le sujet du concubinage, ce ne sont
pas tant les femmes qui sont dépréciées comme tentatrices
que les hommes, et notamment les religieux, qui ne peuvent contenir leurs
désirs sexuels. Les veuves sont représentées dans le
manuel de confession telles qu'elles apparaissent dans les sources judiciaires
de l'époque : misérable jusqu'au point de se livrer parfois
à quelque séducteur qui leur aurait promis un soutien moral ou
financier. Redevenue maîtresse de ses biens et de sa destinée,
elle est cependant un atome libre et donc dangereux aux yeux des moralistes du
temps.
Le moyen de sanctification par excellence pour la femme est
de porter des enfants et de les élever dans la foi chrétienne.
Benedicti intègre dans son discours les conseils reçus lors du
concile de Trente : responsabiliser et sensibiliser les femmes à leur
rôle primordial d'éducatrices. Un grand nombre d'enfants ne doit
pas être vu comme un fardeau mais comme une chance selon Benedicti. C'est
pourquoi il dénonce toute pratique anti-conceptionnelle ou abortive. Ce
rôle de mère devrait tenir les femmes au foyer et donc
éviter qu'elles ne s'adonnent à leurs vices, d'autant plus
visibles si elles sont en société. Le franciscain s'inscrit dans
une longue lignée de discours misogynes lorsqu'il attribue aux femmes un
caractère bavard et mensonger ainsi qu'une coquetterie qui les
mène à une ruine non seulement terrestre et matérielle
mais aussi dans l'éternité de l'au-delà. Puisque l'attrait
de la tentation la poursuit, la femme devrait par-dessus tout éviter les
pratiques corporelles jugées trop lascives telle la danse. Benedicti met
en garde les hommes contre un contact prolongé avec les femmes. Il
dénonce de plus les prostituées qui incitent les hommes à
pécher par leurs attitudes et leurs paroles. Ces dernières sont
exclues avec force de la société du XVIe siècle
mais Benedicti conserve une clémence relative à leur égard
en mettant en exergue des modèles de repenties telles Marie-Madeleine ou
Marie l'Égyptienne. Aucune pitié n'est par contre
décelable dans