Après avoir abordé la question des femmes qui
semblent « hors de l'Église », nous allons nous pencher sur le
discours que porte Benedicti sur les religieuses, femmes à qui est
donné un rôle, fut-il minime, au sein de l'Église. Le
franciscain leur montre la voie qu'elles doivent suivre en s'appuyant sur les
décisions du concile de Trente à leur sujet. Il affirme notamment
son désir de ne voir que des vocations volontaires et non
forcées. Benedicti tient de plus à bien circonscrire la place des
femmes au sein de l'Église et se montre particulièrement inquiet
du respect de leur voeu de chasteté.
Durant de nombreuses années, le placement des filles
dans des couvents fut le fruit non pas d'une piété
particulière chez ces jeunes personnes mais de calculs à la fois
politiques, matrimoniaux et financiers. De nombreuses femmes restent
célibataires en France au XVIe siècle. Que faire
d'elles ? En France, « les couvents continuaient d'exercer la fonction
d'établissements de tranquillité sociale, spécialement au
service de l'élite urbaine. L'union avec le Christ nécessitait
une dot sensiblement moins élevée qu'un mariage profane et le
père de la "mariée" avait son mot à dire dans la gestion
de la maison où sa fille faisait son entrée
»1007. Guy Bechtel souligne que les abus dont sont
1006Ibid., p.602.
1007 Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.),
op.cit. [note n°79], p.191.
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Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
accusés les couvents ou les
monastères1008 sont dus à ces vocations forcées
que les filles subissent plus qu'elles épousent. Ces abus sont divers :
non observance de la règle, de la morale et de la clôture,
différences de mode de vie selon la fortune personnelle de la
religieuse, enfants à la tête de grands monastères etc. Les
religieuses fortunées « conservaient d'étroites relations
avec leurs parents, elles disposaient de cellules confortablement
aménagées qu'elles léguaient par la suite à un
membre de leur famille. Elles y vivaient selon leur rang, souvent en compagnie
d'une jeune soeur ou d'une nièce prise comme élève, et les
veuves pouvaient même avoir une fille auprès d'elles. Elles
prenaient leurs repas à part, possédaient leur propre poulailler,
leur potager, et écrasaient leurs congénères pauvres de
leur luxe »1009. Le concile de Trente tente de mettre un terme
à ces abus. Guy Bechtel remarque que les religieux de l'époque
avaient « parfaitement compris que leur tiédeur et leur
laisser-aller provenaient d'abord et avant tout de leur peu de vocation
»1010. Benedicti énonce quant à lui : « Et
à ce propos voyez l'ordonnance de l'Eglise donnee au sainict
[sic] Concile, lequel excommunie tous ceux & celles de quelque
co[n]dition qu'ils soient clers [sic] ou lays, reguliers ou seculiers,
qui en aucune maniere co[n]traignent vne fille, vesue [sic] ou autre
femme entrer contre son gré en religion, & faire professio[n] en
icelle, hors-mis les filles repe[n]ties 1011, qu'o[n] appelle, &
autres femmes coulpables exprimees au droit. Et à l'opposite excommunie
aussi ceux qui empeschent aucune fille ou femme, de vouer continence ou
d'entrer en religion, laquelle censure s'estend aussi sur ceux qui prestent
ayde, conseil & faueur à les y co[n]treindre ou empescher
»1012. Benedicti se montre au fait de la situation dans
certaines familles quand il dit à propos des parents que ceux qui
contraignent leurs enfants « par force, menaces,
circonuentio[n]s1013, tromperies ou autres voyes illicites d'entrer
en religion, pechent de mesme. C'est vn abus qui se trouue quelquesfois entre
les gentils ho[m]mes, pour faire leurs maisons grandes, & laisser tout au
fils aisné, de mettre leurs fils & filles és monasteres : ce
que i'ay veu estre plus vsité en Italie, Espagne & Portugal, que non
pas en France. De là vie[n]t qu'au lieu de prier Dieu pour leurs peres
& meres, bie[n] souuent ils les maudissent »1014. En effet,
une des missions de ces femmes placées au couvent était de prier
« tous les jours pour le salut de leurs
1008Le couvent accueille, tout comme le monastère, une
communauté de religieuses ou de religieux. Si les deux
établissements
suivent une règle définie, le couvent est plus
ouvert sur le monde.
1009Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.),
op.cit. [note n°79], p.192.
1010Guy BECHTEL, Les quatre femmes de Dieu : la
putain, la sorcière, la sainte & Bécassine, Paris, Plon,
2000, p.199.
1011On appelait « fille repentie » une fille qui,
après avoir vécu dans le tumulte du monde, venait se retirer ou
était placée dans un
établissement pour faire pénitence.
1012Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.74.
1013Une circonvention est une tromperie avec
artifice.
1014Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.96.
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maîtrise | juin 2013 - 195 -
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parents et de leur ville »1015. C'est pourquoi
ces établissements avaient une place de choix au sein de la cité
et que les pouvoirs locaux leur accordaient des exemptions d'impôts et
des privilèges multiples.
Benedicti explique comment les familles aisées, afin
de concentrer leurs chances pour un mariage haut placé, mettaient leurs
enfants au couvent. L'aîné pouvait ainsi bénéficier
d'une dot importante qui augmentait ses chances pour un bon mariage. Les cadets
devaient servir aux desseins de l'aîné, notamment en choisissant
une vie hors du monde. Les hommes assurant la passation du nom et du titre, les
filles étaient d'autant plus susceptibles d'être
reléguées de force dans un établissement religieux.
Benedicti prononce l'excommunication « contre ceux ou celles soient
religieux ou seculiers qui prennent ou baillent, qui font paction ou
marché pour receuoir quelque nouice en religio[n], outre la pension
ordinaire. Si c'est vne fille, on peut bien librement offrir quelque
chose, mais non pas par conuention, & la receuoir aussi, mais non pas par
acception de personne, comme preferant vne nouice insuffisante à vne
plus digne »1016. En effet, « l'usage de réclamer une dot se
multiplia à partir du XVIe siècle
»1017. Puisque les couvents étaient connus de tous comme
des établissements permettant d'éviter aux parents de marier
leurs enfants, les filles, futures « épouses du Christ »,
recevaient en moyenne cinq à six milles livres « soit
l'équivalent de dix ans d'un salaire d'ouvrier agricole
»1018, pour entrer dans les ordres. Il faut souligner que cette
pratique s'appliquait uniquement pour les femmes tout comme le fait de
sélectionner les postulantes, autre pratique non conforme aux
préceptes bibliques, dénoncée par Benedicti dans ce
même passage. Guy Bechtel explique que du fait de l'abondance de filles
offertes à l'Église, celle-ci « refusa les malades, les
infirmes, les enfants sans père »1019. Les filles
entrent ordinairement au couvent à l'âge de douze ans. Le concile
de Trente relève l'âge auquel elles peuvent faire leur profession
de foi à seize ans. Nous rappelons ici que les décrets du concile
de Trente n'ont pas été reçus en France bien qu'ils aient
été appliqués par certains évêques dans leurs
diocèses. Néanmoins, l'ordonnance de Blois de 1579 s'aligne sur
cette décision du concile de Trente, prise « au cours de sa
dernière session dans le décret sur les réguliers et les
moniales qui exigea (canon XV) au moins un an de noviciat au préalable
»1020. Marie-Élisabeth Henneau décrit
l'entrée de la novice dans le couvent : « La
cérémonie de la vêture ou de la prise d'habit consacre
l'entrée au noviciat. Le corps
1015Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.),
op.cit. [note n°79], p.192.
1016Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.606.
1017Guy BECHTEL, Les quatre femmes de
Dieu..., op. cit. [note n°1010], p.200.
1018Ibid., p.200.
1019Ibid., p.200.
1020Lucien BELY (dir.), op. cit. [note
n°46], article « Voeux de religion ».
Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
de la jeune fille, d'abord paré d'un habit de noce,
est dépouillé, à l'abri des regards, puis revêtu des
"livrées de la pénitence", qui en dissimulent les formes et en
transcendent les attraits. L'événement suscite
généralement une grande émotion, d'autant qu'aux
épousailles succède une mise au tombeau1021. [...] Le
noviciat est un temps d'épreuve pour la future religieuse, ainsi
engagée dans un long processus de conversion. Tel une "cire molle" entre
les mains de leurs accompagnatrices, le corps des débutantes doit
s'adapter aux nécessités de la vie religieuse. Le port de l'habit
avec lequel elles doivent se familiariser participe à sa mise en forme
à des fins régulières et liturgiques. Le voile des
novices, souvent blanc, manifeste leur consécration au Christ, en
même temps qu'il protège des regards indiscrets et réduit
le champ visuel. L'ampleur de la robe masque désormais, des pieds
à l'encolure, les caractéristiques du corps féminin. Le
plissé du tissu accompagne et amplifie tous les gestes posés en
l'honneur de Dieu. Le tout ne laisse qu'une infime surface de peau
découverte »1022.
Une fois entrée dans le couvent, la jeune novice va
s'initier à la liturgie et à la règle de l'ordre dans
lequel elle passera peut-être le reste de ses jours. Une petite cellule
froide sera sa chambre. Les journées se passent en silence et sont
entrecoupées par les offices : « [a]u lever, on court d'habitude
à celui de laudes, puis de prime, tierce et sexte le matin.
L'après-midi voit les filles réunies pour nones, puis
vêpres vers 15 heures, et pour complies en fin de journée. Le
reste du temps, il est proposé plus de travail, variable selon les
établissements, que de distraction ou d'éducation
»1023. La nourriture est maigre d'autant plus qu'il «
existait de nombreux couvents, surtout en milieu rural, où
régnait la pire des misères »1024. Certains
couvents, qui vivaient d'aumônes, se révoltent contre la
clôture, réimposée avec force par le concile de Trente.
Voici ce que dit Benedicti à ce sujet : « les moniales &
religieuses qui sortent hors de leurs cloistres & monasteres sans
permission, encores que ce soit pour peu de temps sous couleur quelconque, sont
excommuniez comme infractrices de leurs voeu de closture : auquel elles ne
sont pas moins obligées, qu'au veu [sic] de chasteté. Au
parauant l'Euesque ou le Prelat pouuoit donner congé à vne
Religieuse de sortir, quand il y auoit cause raisonnable, mais depuis le mesme
Pape Pie cinquieme a reserué ceste puissance au S. Siege Apostolique,
excommuniant toutes Abbesses & Religieuses qui sorte[n]t de leur cloistre,
sous pretexte de quelque maladie, ou necessité que soit, sinon en ces
trois
1021Cette expression peut faire
référence à la mise au tombeau du Christ (Marc 15, 42-47
et Jean 19, 38-42), moment où ce dernier est placé dans une
grotte creusée à même la roche et fermée par une
pierre. L'entrée au couvent peut ressembler à une fermeture au
monde du même ordre.
1022Marie-Élisabeth HENNEAU, « Corps
sous le voile à l'époque moderne », p.59-100 dans Cathy
McCLIVE (dir.), Nicole PELLEGRIN (dir.), op. cit. [note n°568],
p.64-65.
1023Guy BECHTEL, Les quatre femmes de
Dieu..., op. cit. [note n°1010], p.204.
1024Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.),
op.cit. [note n°79], p.192.
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maîtrise | juin 2013 - 197 -
poincts. Le premier, est le feu. Le
deuxieme, la peste. Le troisieme, la lepre. Il excommunie aussi
tous ceux qui attentent de leur bailler licence, & ceux qui les
accompagnent, & ceux qui les reçoyuent. Outre ces trois cas, il n'en
voulut iamais dispe[n]ser auec Religieuse quelconque, de quelque sang qu'elle
fust. Et mesme vne fois ayant esté instamment supplié par grands
Seigneurs qu'il permist à vne certaine dame Religieuse de Naples,
d'aller vn peu aux baings pour recouurer santé d'vne grosse maladie, il
n'y voulut iamais ente[n]dre : adioustant qu'il luy estoit bien plus profitable
de mourir ainsi, auec la grace de son espoux Iesus Christ, que de violer le
sainct voeu de closture. Or regardez vous autres Dames, Abbesses, Prieures
& Religieuses de France, la responce d'vn vicaire de vostre espoux Iesus
Christ »1025. Cette dernière phrase montre la tension
sous-jacente qui existe entre les réformateurs et les couvents de
femmes.
À seize ans, les jeunes novices deviennent des
religieuses à part entière après la
cérémonie de la profession de foi. La pression familiale
était toujours importante et peu de jeunes filles osaient s'opposer aux
décisions de leurs parents. Guy Bechtel signale que, «
conformément aux prescriptions du concile de Trente qui accordait cinq
ans aux jeunes filles pour revenir sur leurs voeux, [quelques religieuses]
furent, si l'on ose dire, relâchées. Le cas fut rare. En effet,
celles qui avaient été placées au couvent par leur famille
ne savaient que devenir, une fois rendues à la vie
séculière, sans métier monnayable et sans secours d'un
entourage qui, naturellement, ne voulait pas les reprendre. Un échec au
couvent signifiait un déshonneur familial. Aux velléités
de se retirer, la supérieure liée aux familles opposait une
question terrible : pour quel avenir ? »1026. Les autres
s'engageaient à suivre, à vie, les voeux solennels
formulés lors de leur profession religieuse : pauvreté,
chasteté et obéissance. Benedicti définit quels
étaient les droits et les devoirs des religieuses de son
siècle.
Les « religieuses, qui à leur escient delaissent
leurs matines, heures canoniales & diuin seruice, pechent mortellement
»1027 affirme-t-il. Les matines font partie de ces heures
canoniales, qui sont des temps de prière organisés en dehors du
temps imparti à la messe, le divin service. Les heures canoniales
comptent sept temps forts : les matines au milieu de la nuit, les laudes
à l'aurore, prime à la première heure du jour, tierce
à la troisième heure du jour, sexte à la sixième
heure du jour, none à la neuvième heure du jour, vêpres le
soir et enfin complies avant de se coucher. Les religieuses sont
invitées à se recueillir dans la prière en permanence. Si
elles sont tenues d'assister au divin service,
1025Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.607. 1026Guy
BECHTEL, Les quatre femmes de Dieu..., op. cit. [note
n°1010], p.208.
1027Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.85.
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Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
elles ne peuvent en aucun cas y être impliquées
de manière active. Benedicti dit à ce sujet : « qui celebre
Messe sans seruiteur, ou permet qu'vne femme luy respo[n]de à la Messe
[pèche]. Ie ne sçay d'où est venue ceste coustume en
Flandres, que les religieuses seruent au prestre à la messe, comme ie
l'ay veu moymesme : cela est contre les Rubriques »1028. Les
Rubriques sont les règles qui président à l'office divin.
Elles interdisent à une femme de prendre part de façon active
à cet office. De même, les femmes ne peuvent être
ordonnées prêtres. Voici ce que dit Benedicti à ce sujet :
« Que les Euesques, Roys, Princes & autres Collateurs, qui confere[n]t
les dignitez à gens du tout incapables, & qui pis est à des
femmes, voire mesme à des Heretiques, regardent co[m]bien leur
conscience est blessee, & comme ils pourro[n]t satisfaire & reparer les
maux spirituels & corporels dont ils sont cause »1029. Du
fait de leur infériorité supposée, les femmes catholiques
se sont jusqu'à aujourd'hui vues refuser le droit d'être
ordonnées. Cet argument est même utilisé pour
dénoncer les huguenots français « qui ont attribué
l'ordre de prestrise, & l'authorité de lier & deslier aussi
bie[n] aux gens lays, & mesme aux femmes, qu'à ceux qui sont
co[n]sacrez par l'impositio[n] des mains »1030. Cela est
à relativiser car si les femmes ont pu obtenir une certaine
liberté au début du mouvement protestant, elles ont très
vite été priées de reprendre leurs activités
traditionnelles. Dans la religion catholique, les femmes, même celles qui
ont choisi de vivre au plus près des préceptes divins, ne peuvent
délivrer les sacrements ni prendre une décision importante
d'elles-mêmes. Ainsi, si les religieuses, comme les religieux, « ne
peuuent vouer aucune chose sans le congé tacite ou expres de
leur prelat, autrement ils offensent »1031, Benedicti insiste sur le fait
que les femmes doivent rester d'autant plus discrètes dans les affaires
de religion qu'elles appartiennent au sexe faible. Il affirme : « Quant
aux femmes Abbesses & Prieures, tous demeurent d'accord, qu'elles ne
peuuent ne excommunier ne absoudre d'aucune excommunie : attendu que la femme
estant selon l'escriture en estat de subiection, elle ne peut auoir aucune
iurisdiction ne la puissance des clefs, donnee non pas mesmes à la
vierge Marie, ains aux Apostres. Elles peuuent toutesfois bie[n] corriger leurs
subiettes, ce qui leur est permis pour le danger qu'il y auroit si les hommes
conuersoient auec elles »1032. Aussi, même les grandes
figures à la tête des couvents ne peuvent accorder l'absolution,
n'ont la puissance d'ouvrir les portes du Paradis car elles n'en
possèdent pas les clefs. Néanmoins, elles peuvent corriger leurs
sujettes, non pas qu'elles soient aptes à le faire mais du fait que ces
dernières semblent
1028Ibid., p.426.
1029Ibid., p.690. 1030Ibid., p.566.
1031Ibid., p.70. 1032Ibid., p.223.
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être de dangereuses tentatrices pour leurs homologues
masculins. Les femmes peuvent aussi entendre en confession des hommes dans
certaines situations extrêmes : « Il y a mesme vn Docteur qui tient
qu'en defaut d'vn homme lay, [un homme] se pourroit accuser à vne femme.
Et vn autre dit, que le meilleur seroit en tel laccident [sic] que les
hommes se confessassent aux hommes, & les femmes aux femmes, si elles
pouuoient receuoir autant de co[n]seil & exhortation entre elles comme des
hommes lays »1033. Un homme, même laïc,
apparaît toujours préférable à une femme, même
religieuse mais Benedicti n'exclut pas totalement cette possibilité.
Aussi, la confession peut être faite à une femme si le
confessé estime qu'il est à l'article de la mort.
La confession et la communion sont des temps essentiels de la
vie des religieuses. Le concile de Trente a organisé ces temps dans le
« Décret de réformation touchant les réguliers et les
religieuses » en décembre 1563. Il y est écrit qu'elles
doivent « se confesser et recevoir la Sainte Eucharistie au moins tous les
mois, afin que, munies de cette sauvegarde salutaire, elles puissent surmonter
courageusement toutes les attaques du démon. Outre le confesseur
ordinaire, l'évêque ou les autres supérieurs, en
présenteront deux ou trois fois l'an un autre extraordinaire, pour
entendre les confessions de toutes les religieuses »1034. Les
femmes semblent ici avoir particulièrement à craindre le diable.
Benedicti, dans sa relation de ce canon, est plus métaphorique et
précis à propos de la communion des religieuses sous
l'espèce du pain : « selon l'ordonnance du Concile de Trente il
s'entend aussi des nonnes & religieuses, lesquelles doyue[n]t deuoteme[n]t
de mois en mois receuoir leur Createur, afin de se munir, fortifier & armer
co[n]tre les assaux & incursions du serpent tortueux Satanas, qui est leur
ennemy mortel, comme il a esté de leur mere Eue »1035.
Parce qu'elles sont susceptibles d'être plus souvent tentées, les
religieuses devaient s'assurer une protection par la communion
fréquente. Si les laïcs du XVIe siècle communient
au minimum une fois par an, à Pâques, les religieuses sont
invitées à communier tous les mois. La pratique de la confession
est plus complexe chez les femmes que chez les hommes. C'est peut-être
pourquoi Benedicti affirme à propos de la contrition que « les
religieux & religieuses, & autres qui sont en estat de perfection
doiuent plus souuent procurer ceste contrition que non pas les seculiers, &
ceux qui sont au monde : & ce à raison de leur reigle & statuts.
Et non seulement ils se doiuent repentir, ains aussi se confesser à tout
le moins deux fois la sepmaine [sic], & les religieuses vne ou
deux fois le mois, & receuoir la
1033Ibid., p.223.
1034Marcel BERNOS, Femmes et gens
d'Église..., op. cit. [note n°3], p.219-220.
1035Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.232.
Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
communion »1036. La communion est normalement
précédée de la confession puisqu'on ne peut accueillir le
corps du Christ qu'en étant lavé de ses péchés.
Néanmoins, la confession est délicate dans les couvents de femmes
car ces dernières ne peuvent se confesser qu'à un homme. C'est
donc à un religieux du même ordre qu'incombait la tâche de
confesser toutes les religieuses d'un couvent chaque fois qu'une communion
s'annonçait. Or, le contact avec des femmes, quelles qu'elles soient,
est estimé dangereux. De plus, les femmes sont réputées
bavardes, comme nous l'avons vu précédemment, et les religieuses
sont accusées de passer trop de temps au confessionnal. Marcel Bernos
souligne que « [c]ette mauvaise habitude est assez
généralement reprochée à toutes les femmes, mais
elle prend chez des cloîtrées des aspects spécifiques
»1037. Il semble que ce soit à cause « de ce temps
perdu et du risque d'attache affective que la confession des femmes,
fussent-elles des religieuses, et plus encore leur direction spirituelle n'ont
jamais enthousiasmé les religieux des branches masculines
correspondantes »1038. Cela peut peut-être expliquer
pourquoi les religieux doivent se confesser et communier plus
fréquemment que les religieuses, pourtant plus susceptibles de
pécher selon les croyances de l'époque. Le sacrement de
confirmation n'est quant à lui pas discuté pour les religieuses
comme pour les femmes. Cette onction de chrême1039 faite par
l'évêque est un complément du baptême que les
fidèles peuvent recevoir une fois qu'ils ont atteint l'âge de
raison qui est lui-même fluctuant selon les époques. « Et les
femmes peuuent-elles receuoir ce sacrement ? Ouy, aussi bien que les hommes. Ne
s'est il pas trouué des femmes, voire filles & pucelles qui se sont
mo[n]strees valeureuses guerrieres contre le serpent tortueux, & la
puissance des tyrans ? Et d'où procedoit cela, sinon qu'elles estoient
confirmees en la foy par le moyen de ce sacrement ? »1040, se
demande Benedicti. Ici, une certaine estime est montrée envers les
femmes courageuses, mais ce courage ne peut provenir d'elles-mêmes sinon
d'un sacrement catholique.
Les religieuses ont un statut à part dans les discours
de Benedicti. Ainsi sont protégées « toutes religieuses
& nonnains, professes, nouices ou conuerses1041, tellement
1036Ibid, p.631.
1037Marcel BERNOS, Femmes et gens
d'Église..., op. cit. [note n°3], p.223.
1038Ibid., p.224.
1039Le chrême est un mélange d'huile d'olive et de
parfum appliqué sur une ou plusieurs parties du corps des fidèles
catholiques
lors de la cérémonie du baptême, de la
confirmation et de l'ordination.
1040Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.394.
1041La « professe » a prononcé les voeux par
lesquels elle s'engage dans un ordre religieux. La novice n'a pas encore
prononcé ses
voeux tandis que la converse est une personne qui adopte un
style de vie religieux sans jamais prononcer de voeux. La converse
aide au monastère dans les tâches domestiques et
effectue divers travaux.
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que quiconque les frappe, il est excommunié
»1042. Les religieuses restent cependant des femmes, même
sous le voile. De nombreuses occurrences révèlent donc dans le
discours de Benedicti que ce dernier s'inquiète non pas tant du respect
du voeu d'obéissance ou de pauvreté mais surtout de celui de
chasteté. Benedicti explique « que celle qui auroit esté
connue, soit deuant ou apres la consecration1043, soit publiquement
ou en secret, se doit abstenir d'exercer les offices du monastere, qui
appartiennent aux moniales qui sont vierges, sinon qu'autrement elle fust
dispensee pour les exercer. Or de ce point il en a esté touché en
la matiere du sacrilege, science qui ne doit estre ignoree de ceux qui sont
Confesseurs des nonnains : ce que i'ay bie[n] voulu repliquer encores plus
amplement pour donner à connoistre aux Dames religieuses (Dames ie les
appelle, puis qu'elles sont mariees au fils de Dieu & de la vierge, de
laquelle elles sont belles filles : dignité non pareille) en quelle
purité elles doiuent receuoir le voile sacré de religion
»1044. Les religieuses sont donc considérées
comme les « épouses du Christ » et cet honneur leur impose une
ligne de conduite stricte. C'est pourquoi Benedicti leur interdit d'officier
dans des monastères si elles ont perdu leur chasteté. Au
paragraphe traitant du sacrilège, le franciscain détaille en
effet les divers cas où les religieuses sont en danger de céder
au péché de luxure. Si le péché de sacrilège
peut aussi bien être commis par un religieux que par une religieuse,
c'est essentiellement de ces dernières dont il est question. Benedicti
rappelle que le mariage avec une religieuse est strictement interdit dans la
religion catholique. Il en profite pour dénoncer sans appel les
huguenots qui auraient « esté les premiers, qui apres auoir
ietté le froc és orties, espouserent des nonnains pour engendrer
des enfans de fornication »1045. Le franciscain raconte
l'histoire « de saincte Clere de Geneue, laquelle (co[m]me m'ont
recité les mesmes religieuses, qui esta[n]t chassees de la ville
à lors [sic] prinse des heretiques, vindrent [sic]
demeurer à Nisy en Sauoye) aima mieux se marier à vn moyne
renié, que de suiure ses co[m]pagnes & perdre la douceur de sa
patrie : mais la fille de perdition qu'elle estoit, receut bonne reco[m]pense
de sa desloyauté, car son faux mary desfroqué par apres
l'escorcha toute viue, & fut le bourreau de la iustice diuine
»1046. Nous n'avons pas pu trouver de description plus
précise à propos de ce fait divers que relate Benedicti.
Néanmoins, il apparaît de suite étonnant qu'il qualifie
cette femme de « saincte ». En effet, bien qu'elle ait subi ce qui
ressemble à un martyre dans la religion catholique, elle est
accusée de divers péchés : elle a renié sa foi et
commis un sacrilège en forniquant avec un homme
1042Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.605. 1043La
consécration est la cérémonie durant laquelle la
religieuse se voue au service de Dieu. 1044Jean BENEDICTI, La somme des
pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170],
p.144. 1045Ibid., p.138.
1046Ibid., p.138-139.
Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
qui avait fait voeu de chasteté. Le qualificatif
pourrait donc renvoyer à une note ironique de l'auteur.
Afin de protéger la chasteté des religieuses,
Benedicti préconise une stricte clôture. Marie-Élisabeth
Henneau explique que « [d]epuis longtemps, les ecclésiastiques ont
imaginé quantité de dispositifs destinés à
protéger l'intégrité des religieuses : murailles, grilles
et volets clos, bien sûr, mais aussi trame serrée des rideaux et
des voiles, opacité des paupières baissées et
maîtrise totale du comportement, en vue d'un parfait retrait du monde. Il
n'empêche que régulièrement les yeux, comme les portes,
s'entrouvrent »1047. C'est pourquoi, Benedicti rappelle que
« pour obuier à ces sacrileges, l'Eglise a prohibé sur peine
d'excommunie à toutes personnes d'entrer és monasteres de
religieuses, & aux religieuses d'e[n] sortir»1048. Si ces
diverses précautions sont prises, c'est pour éviter quelque grand
péché. En effet le franciscain explique que « l'acte charnel
commis auec vne religieuse, pourroit comprendre en soy toutes les cinq especes
de luxure. Exemple. Celuy qui abuse d'vne no[n]nain, il commet
premierement sacrilege : secondement adultere, aya[n]t à faire auec
l'espouse d'autruy, c'est à dire, auec celle qui est espousee à
Iesus Christ : tiercement inceste, car il pourra estre que telle religieuse
sera sa parente, & aussi est elle sera pare[n]te spirituelle, esta[n]t
mariee au fils de Dieu, qui est nostre frere, voire Seigneur & pere commun
de tous : quarteme[n]t il commet stupre, car il deflore vne vierge :
quintement, il commet rapt, s'il la prend par force »1049. Le
« peché d'inceste, quand on a eu affaire auec son sang, ou auec vne
religieuse & nonnain »1050 fait partie des cas
réservés à l'évêque c'est-à-dire que
seul ce dernier peut décider de la pénitence à accomplir
pour racheter ce péché ou de l'excommunication du ou des
pécheurs. De même, « ceux qui attentent de contracter mariage
auec vne religieuse »1051 devront en répondre devant
leur évêque. Néanmoins, Benedicti explique que cette
pratique peut avoir lieu grâce à une dispense du pape « quand
la necessité le requert [sic], comme pour euiter la guerre
entre les Royaumes, entretenir la paix entre les Pri[n]ces : pour establir
l'estat d'vn Royaume, afin qu'il ne defaille de legitime heritier : & que
c'est pour vn plus grand bien, soit public ou priué, & aussi pour
euiter vn plus grand mal, ou autres raisons pertinentes & legitimes
»1052. Benedicti loue le dévouement de telles personnes qui se
marient, préférant le salut d'un Royaume plutôt que le leur
avant d'expliquer que « Celestin Pape 3. dispensa auec
1047Marie-Élisabeth HENNEAU, « Corps sous
le voile à l'époque moderne », p.59-100 dans Cathy McCLIVE
(dir.), Nicole
PELLEGRIN (dir.), op. cit. [note n°568], p.87.
1048Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.139.
1049Ibid., p.139.
1050Ibid., p.589.
1051Ibid., p.589.
1052Ibid., p.77.
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maîtrise | juin 2013 - 203 -
Consta[n]ce religieuse fille de Roger Roy d'Espagne, pour
estre mariee auec Henry 6.Empereur »1053. Constance de
Hauteville, fille de Roger II de Sicile et de Béatrice de Rethel fut en
effet mariée à Henri de Hohenstaufen, futur Henri VI, en 1186
alors qu'elle était âgée de 32 ans. Nous n'avons pas
trouvé de mention précise du fait qu'elle était religieuse
auparavant mais la coutume à l'époque était effectivement
de placer les jeunes filles au couvent et de les en sortir au moment de leur
mariage. L'âge de Constance de Hauteville au moment de son mariage peut
laisser penser qu'elle avait déjà prononcé ses voeux
solennels.
Un point qui inquiète Benedicti est la prise du voile
de virginité par des femmes qui l'ont perdue. « La religieuse, qui
sans dispense ou sans tres necessaire & urge[n]te cause presume de prendre
le voile sacré, ayant perdu sa virginité, peche : car puis
qu'elle n'est pucelle, elle ne doit estre voilee comme vierge. Il est bien vray
que pour euiter le scandale & ne descouurir point son peché secret,
celuy qui la consacre, s'il en est aduerty peut changer les mots de vierge aux
mots de continence ou chaste. Et aussi ce peut dire le mesme de celle qui
seroit maculee par quelque maniere que ce soit : car ayant par ceste pollution
volontaire perdu sa virginité, elle ne doit point estre consacree comme
vierge »1054. Toute « souillure » sexuelle semble
être un crime aux yeux du franciscain qui veut que les femmes
consacrées à Jésus soient les plus pures possible. Toute
forme d'attouchement sur soi-même est prohibée : les religieuses
ne devraient rien connaître de leur corps et l'avoir pour ainsi dire en
horreur. Néanmoins, Benedicti admet que « celle, qui auroit
esté violee par force, & contre sa volonté
»1055 peut recevoir une dispense afin de devenir religieuse. En
effet, la faute n'est pas ici de son fait, à l'inverse de la
masturbation. De plus, il insiste à nouveau sur l'importance de
l'honneur de la personne, qui lui indique de prendre le voile afin de le
sauvegarder.
Le modèle de pureté religieuse
évoqué par Benedicti pourrait être sainte Catherine de
Sienne dont nous allons donner ici une courte biographie. Le franciscain donne
à son propos deux descriptions : elle ne pouvait « endurer la
puanteur des pecheurs & pecheresses parlans & co[n]uersans
»1056 avec elle et elle faisait partie des personnes qui ont pu
« atteindre le sentier de vertu, qui co[n]duit les hommes aux astres
»1057 en fuyant le sommeil. Catherine est née le
dimanche des Rameaux, 25 mars 1347 à Sienne. Son père
était un artisan réputé et sa mère, Lapa, «
était considérée
1053Ibid., p.77-78.
1054Ibid., p.140. 1055Ibid., p.143.
1056Ibid., p.27. 1057Ibid., p.382.
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Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
comme une des femmes les plus prolifiques de la ville
»1058 puisqu'en mettant Catherine au monde, c'était
à son vingt-quatrième enfant qu'elle donnait le jour. À
six ans, elle a sa première vision, dans laquelle Jésus, Pierre,
Jean et Paul lui apparaissent, flottant dans le ciel. Elle adopte dès
lors une attitude ascétique, décidant de parler le moins
possible, de se flageller pour faire pénitence et de restreindre son
régime alimentaire. Sa vie est parsemée d'extases durant
lesquelles elle flotte au-dessus du sol et ne ressent aucune douleur. Emilia
Granzotto dit à son sujet que « [s]a vie n'a été
qu'une aspiration, sans cesse renouvelée et sublimée, à se
conformer toujours, et quoi qu'il arrive, à la volonté de Dieu
»1059. Elle fait voeu de virginité à Jésus
alors qu'elle n'est encore qu'une enfant. Lorsque sa mère décide
de la marier, « Catherine pense qu'en sortant ainsi, coiffée et
pomponnée, "lissée", comme on dit alors, elle commet un gros
péché. Cette sorte de honte l'accompagnera toute sa vie, avec la
conviction d'avoir été malgré elle, pendant une
brève période et en fin de compte par obéissance à
sa mère, une des plus grandes et des plus abominables
pécheresses. Par la suite, jusqu'à ses derniers jours, elle ne
cessera de faire pénitence pour cette déviation
»1060. Sa famille finit par accéder, à
contrecoeur, à son désir de devenir Soeur de la Pénitence,
c'est-à-dire une tertiaire dominicaine. Elle reçoit l'habit
à 16 ans grâce à sa grande détermination. En 1370,
Catherine aurait vécu des « noces mystiques avec le Christ, qui
l'épouse "dans la foi" en présence de sa mère, Marie, de
Madeleine et de quelques saints, lui faisant même cadeau d'un anneau d'or
orné de "quatre pierres précieuses avec un diamant au milieu"
»1061. Cet anneau, qu'elle aurait porté toute sa vie,
n'a jamais pu être vu par quiconque en dehors d'elle-même.
Catherine passe la plus grande partie de son temps dans la contemplation et
comme toutes les mystiques, elle subit des épreuves de tentation par le
diable. Afin de lutter contre ces tentations, elle redouble son traitement
ascétique et la flagellation. De plus, elle ne dort pas, elle « va
jusqu'à éliminer entièrement tout repos substantiel,
s'accordant seulement quelques petits sommes »1062. Catherine
raconte aussi à son confesseur l'épisode de «
l'échange des coeurs ». « Il s'agit de l'offrande que
Catherine aurait faite à Jésus, dans un premier temps, de son
propre coeur physique, organe de son corps. L'arrachement, c'est-à-dire
l'acte physique d'extraire le coeur de la poitrine selon le témoignage
ultérieur de Catherine, se serait produit au cours d'une extase. Au
cours d'une autre extase, quelques jours plus tard, la jeune tertiaire aurait
reçu de l'Époux céleste un autre coeur en échange,
celui même de Jésus, qu'il lui aurait personnellement
1058Emilia GRANZOTTO, Catherine de Sienne : une
sainte et son temps, Paris, Médiaspaul, 1999, p.11.
1059Ibid., p.6. 1060Ibid., p.21.
1061Ibid., p.31. 1062Ibid., p.43.
placé dans la poitrine à la place du sien
»1063. Nous n'avons que le témoignage de Catherine
à ce sujet mais nous savons par contre qu'elle a écrit trois cent
soixante-dix lettres à l'intention des grands de l'époque, les
exhortant à changer leur comportement afin de suivre au plus près
les enseignements du Christ. À l'âge de 30 ans, elle aurait
miraculeusement commencé à écrire alors qu'elle n'avait
jamais tenu une plume avant cela. Ses précédentes lettres avaient
été écrites sous la dictée par ses disciples.
Catherine revendique qu'elle n'est pas l'auteure de ces lettres mais que son
divin Époux parle à travers elle. Elle meurt « à Rome
dans l'après-midi du dimanche de Pâques, le 29 avril 1380
»1064 et a laissé dans l'esprit de ses contemporains
l'image d'une femme très pieuse, touchée par la grâce de
Dieu et suivant le véritable message de ce dernier.
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1063Ibid., p.43.
1064Ibid., p.5.