son discours sur les sorcières et les huguenotes qui
pervertissent la société catholique en acceptant un pacte avec le
diable, qu'il s'agisse de Satan ou de Calvin. Même la religieuse, qui
semble être dévouée à Dieu par essence, doit
être surveillée en vertu de sa nature pécheresse.
C'est donc un tableau assez réducteur de la femme que
donne Benedicti. Le fait qu'il n'aborde pratiquement pas la vie professionnelle
des femmes de son époque est révélateur : aucune
compétence spécifique ne semble être reconnue à la
femme à part celle de mettre au monde des enfants. L'oeuvre de Benedicti
présente un tableau réaliste des attentes des religieux, mais
plus largement des hommes de l'époque, en ce qui concerne le rôle
de la femme. Cette dernière doit élever ses enfants dans la foi
chrétienne et se contenir pour le reste : ne pas parler, ne pas chercher
à se mettre en avant, ne pas prendre de décision seule, ne pas
croire que Dieu pourrait décider de communiquer ses désirs
à une femme. Une fois mises bout à bout les diverses
interdictions faites aux femmes, il semble que leur espace de liberté
soit extrêmement restreint.
Nous pouvons nous interroger sur la réception de ce
discours au XVIe siècle. En effet, il est très
difficile de savoir comment fut reçue l'oeuvre du franciscain et si tous
ses conseils furent retenus par les confesseurs. La pratique de la confession
annuelle s'est assurément développée à la fin du
XVIe siècle et sur tout le XVIIe siècle.
Néanmoins, la difficulté de la tâche n'a permis aux
confesseurs d'entrer dans de tels détails lors de l'examen de conscience
qu'avec certaines dévotes. Les nombreuses rééditions de
l'ouvrage laissent à penser qu'il a été beaucoup lu, du
moins chez les religieux si ce n'est par les croyants. L'évolution de
certains comportements religieux au XVIIe siècle, et
notamment, comme nous venons de le souligner, la pratique plus fréquente
de la confession, peut laisser penser qu'une partie du discours religieux de la
fin du XVIe siècle a influencé nettement la vie des
populations. Cependant, il faut aussi souligner la persistance de coutumes ou
superstitions dans certaines régions de France qui remettent en cause
l'acculturation voulue par l'Église catholique après le concile
de Trente.
Lors de ce travail, il nous est apparu évident qu'un
double mouvement était à l'oeuvre dans l'ouvrage de Jean
Benedicti. Il existe en effet une tentative d'acculturation par la
présentation de modèles indiscutables mais aussi le rejet de
superstitions entourant certains personnages. Ces derniers, pris comme
modèles mais cependant dénigrés par
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l'Église catholique, sont parfois remis à une
place moins importante. Il nous semblerait intéressant, en prenant
exemple sur les travaux d'Eric Suire1065, de nous pencher sur les
figures de saints proposés par Jean Benedicti dans les deux ouvrages
qu'il a écrit à la fin du XVIe siècle. Ce
travail nous permettrait de mettre en relief les idéaux de cette
époque et de voir comment les croyants sont invités à
s'identifier à de pieuses figures afin de faire régner les
valeurs catholiques.
1065Éric SUIRE, La sainteté
française de la Réforme catholique (XVIe-XVIIIe siècle
d'après les textes hagiographiques et les procès de
canonisation), Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2001.
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