Jusqu'à l'âge de sept ans, les enfants,
garçons comme filles, restent aux mains des femmes, qui initient leur
éducation. De nombreuses femmes peuvent entourer l'enfant : les
gouvernantes, servantes, soeurs, nourrices voire parfois les
grands-mères apportent leur aide. Néanmoins, la mère a un
rôle prépondérant et l'Église cherche, à
partir du XVIe siècle, à la responsabiliser, notamment
dans le domaine de l'éducation religieuse. Si Benedicti emploie les
termes de « pères et mères », il faut souligner que la
grande majorité des exemples donnés se focalisent sur la relation
entre la mère et ses enfants ou la mère et sa fille. En effet,
après sept ans, âge de raison, les garçons passent aux
mains des hommes mais les filles terminent leur apprentissage auprès de
leur mère qui doit être pour elles un exemple à suivre mais
surtout, dans bien des milieux, une habile professeure capable de lui enseigner
les bases élémentaires de la survie. Nous allons voir quels sont
les deux modèles que Benedicti met en concurrence dans son oeuvre :
celui de la mauvaise mère, haïssable en bien des points, et celui
de la bonne mère, qui recevra la sanctification grâce à son
dévouement.
La première faute que Benedicti attribue aux
mères est l'incontinence qui fait, selon les croyances de
l'époque, que « les enfans sont souuent maladifs ou contre faicts
»682. L'incontinence est supposée entraîner des
troubles physiques et psychiques qui mettent en péril toute tentative de
bonne éducation. La femme doit veiller elle-même à ne pas
mettre son enfant en danger en rappelant à son mari ses obligations : ce
dernier ne doit pas tenter d'avoir des rapports sexuels avec elle tant qu'elle
est enceinte ou qu'elle allaite. Deux autres grandes fautes sont aussi
attribuées plus spécifiquement à la mère : maudire
ses enfant et blasphémer devant eux. Marcel Bernos souligne que les
« pédagogues et moralistes s'accordent habituellement sur ce que la
bonne éducation
682Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], « Table
», « Le Mercredy du quatrieme Dimanche ».
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mémoire | juin 2013 - 144 -
Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
commence par le bon exemple ». Les mères
devraient donc « surtout témoigner par leur propre vie
»683. Ainsi, la mère qui donne à sa fille un
mauvais exemple « co[m]met vne espece d'homicide : car tout cela est
homicide spirituel »684. Si inculquer les bonnes valeurs
morales et les bonnes lignes de conduite est de la responsabilité des
deux parents, « progressivement, les théologiens et moralistes se
persuadèrent que la moralité, féminine du moins,
était un héritage maternel. Une fille était ce que sa
mère en avait fait »685. Benedicti rappelle donc que la
« Mere [...] qui blaspheme, qui paillarde, qui tue, qui yurongne, qui
desrobe, qui detracte, & en somme qui fait mal deuant ses [...] enfans
[...] offens[e] plus griefueme[n]t qu'vn autre »686. Elle
devrait au contraire lui apporter les rudiments du catéchisme ce qui
aurait été facilité « par la présence en
toutes les maisons, même les plus modestes, d'un crucifix, avec son buis
béni le jour des Rameaux, de quelques images pieuses représentant
le Christ, la Vierge ou un saint, d'un récipient avec un peu d'eau
bénite »687. Benedicti s'élève aussi
contre « les meres transportees d'impatience, lesquelles fulminent contre
le fruit de leur ventre ces beaux mots, le cancre688 te
vienne, la bosse689, le tac690,
la peste t'estrangle, le diable, la male rage te puisse
emporter, &c »691. Ces mots sont plus sûrement
le fait des classes populaires pour qui « l'emploi de la crainte et de
l'ironie, doublé parfois de châtiments corporels, a pour but
d'inculquer aux enfants un minimum d'habitudes de disciplines assez
élémentaires sans lesquelles la vie en commun au sein de la
famille serait vite insupportable »692. Dans les plus hautes
strates de la société en effet, l'apprentissage de la «
discipline y est beaucoup plus poussé et aboutit à un
véritable conditionnement du corps et de l'esprit »693,
qui rendent plus improbable peut-être le type de comportement
évoqué ci-dessus.
Benedicti développe son propos et argumente ainsi :
« Si telles maudissons694 se disent de coeur & de bouche,
c'est peché mortel : si elles lés [sic] proferent
seulement de bouche & par le premier mouuement de cholere, per
inaduertance, par moquerie, pour passé temps ou pour faire rire, c'est
peché veniel. Si est ce qu'elles deuroient penser que souue[n]t leur
imprecation arriue à leurs enfans, comme elles le leurs requiere[n]t,
ainsi
683Marcel BERNOS, Femmes et gens
d'Église..., op. cit. [note n°3], p.165.
684Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.113.
685Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.),
op.cit. [note n°79], p.57.
686Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.579.
687François LEBRUN, Marc VENARD, Jean
QUENIART, Histoire de l'enseignement..., op. cit. [note
n°598], p.97.
688Nous n'avons pas trouvé de
définition pour le mot « cancre », peut-être s'agit-il
d'une faute de l'imprimeur et le mot original
aurait été « chancre »
c'est-à-dire une ulcération qui a tendance à
s'étendre.
689La « bosse » peut être à la
fois la bosse du bossu mais aussi une tumeur, un abcès ou encore le
bouton de la peste.
690Le « tac » est le nom d'une maladie
proche de la coqueluche.
691Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.62.
692François LEBRUN, Marc VENARD, Jean
QUENIART, Histoire de l'enseignement..., op. cit. [note
n°598], p.95.
693Ibid., p.95.
694Malédiction.
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maîtrise | juin 2013 - 145 -
qu'il se lit en l'histoire de Laon, où il est dit, que
Beelzebub [sic] estoit entré dedans le corps de Nicole Obry,
à raison que sa mere l'auoit donnee au diable, despitee dequoy elle
auoit perdu vn chappellet. Et pour autant, dit l'escriture, que la malediction
de la mere fait esbranler & renuerser sens dessus-dessous les fondemens de
la maison des enfans »695. L'histoire de Nicole Aubry est bien
connue à l'époque car elle a fait beaucoup de bruit et a
été racontée dans de nombreux ouvrages. En 1565 ou 1566,
une jeune fille de seize ans, fille d'un boucher de Vervins et mariée
à un tailleur, se recueillant sur la tombe de son grand-père mort
sans confession, crut le voir sortir de son tombeau. L'âme du
grand-père Vieilliot « lui demanda des messes, des prières
et des bonnes oeuvres pour la tirer du purgatoire, où elle souffrait
depuis le jour de son décès »696. La jeune femme
exécute les ordres du spectre qui se manifeste plusieurs fois à
elle. Elle est de plus en plus malade et plusieurs clercs essaient de
l'exorciser sans succès. Vingt-six démons seraient sortis d'elle
sous la forme de chats aussi gros que des moutons mais les plus virulents
dirent qu'ils ne partiraient que par l'action de l'évêque de Laon.
Ce dernier intervient, d'autant que l'affaire donnerait raison aux
thèses catholiques contre des thèses protestantes, que le diable
possédant Nicole Aubry propose de dénoncer. Celle-ci est donc
libérée des trois derniers démons qui la tourmentaient :
Astaroth, qui prit la forme d'un porc, Cerberus, celle d'un chien et
Belzébut en taureau. Nicole Aubry rencontra par la suite le roi Charles
IX et Catherine de Médicis, qui avaient été mis au courant
de l'affaire. Le fait que la jeune femme ait été
possédée à cause d'une malédiction de sa
mère n'est pas précisé dans les récits dont nous
avons pris connaissance mais il est probable que de nombreuses rumeurs aient
circulé autour de cette histoire à l'époque. Une autre
histoire est connue qui raconte comment la malédiction d'une mère
entraîne de graves conséquences pour ses enfants. Cette
mère veuve aurait eu dix enfants, sept garçons et trois filles.
Les mauvais traitements que lui font subir les garçons, l'injuriant et
la frappant, et l'absence de réaction de la part de ses filles leur
attirent une malédiction « de coeur & de bouche
»697 : « & tout incontine[n]t ils furent saisis d'vn
tremblement de tous leurs membres à leur grande confusion, laquelle ne
pouuans plus supporter deuant le peuple furent contraints de quitter le pays
& vagabonder par le monde »698. Ici, selon l'injonction du
quatrième commandement (« Tes pères et mères
honoreras »), les enfants sont appelés à respecter leurs
parents, et
695Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.62.
696Joseph BIZOUARD, Des rapports de l'homme
avec le démon ; essai historique et philosophique, Paris, Gaume
frères et Joseph Duprey, 1863 [disponible sur <
http://www02.us.archive.org/stream/desrapportsdelho02jose/desrapportsdelho02jose_djvu.txt>]
(consulté le 21 mars 2013).
697Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.545.
698Ibid., p.94.
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Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
notamment leur mère mais cette dernière est
aussi invitée à la clémence et à une certaine
retenue envers ses enfants.
Benedicti aborde plus en détail l'éducation que
doit donner une mère à sa fille. Jusqu'à l'époque
de ses règles, qui annonce la possibilité de son mariage, la
jeune fille reste très proche de sa mère, qui doit lui enseigner
son futur rôle d'épouse. Marcel Bernos indique que la mère
« ne peut que répéter ce qu'elle sait elle-même : de
la piété, des pratiques, quelques recettes, l'habitude de la
soumission. La fillette apprend par ouï-dire et voir-faire, dans un
apprentissage précoce, parce que très tôt, dès
l'âge de sept ou huit ans, elle doit aider sa mère
»699. Ces savoirs sont vitaux pour la jeune fille qui pouvait
alors trouver un travail nécessaire à sa survie si elle savait
bien cuisiner ou si sa mère l'avait formée aux travaux
d'aiguille. L'association mères filles est très visible dans le
monde rural où elles effectuent ensemble toutes les activités
dédiées aux femmes : s'occuper de la basse-cour, nourrir les
bêtes, chercher des baies ou des champignons pour agrémenter les
plats, cuisiner et s'occuper des enfants en bas âge. L'apprentissage de
ces activités devrait suffire selon Benedicti qui déplore qu'il
« y en à auiourd'huy des meres, par le mo[n]de, qui font comme
Herodias, qui apprennent à leurs filles à danser,
rhetoriquer, hanter les compagnies, farder, peindre, plastrer700
leur visage, à se charger de bagues & ioyaux, co[m]me si elles
estoient mercieres à esleuer vn [sic] boutique
»701. Plus loin, il affirme aussi que la « mere qui
apprend sa fille à se farder, baller702, danser aux dimanches
& piaffer, porter habillemens dissolus pour complaire au monde par mauuaise
intention, en luy donnant mauuaise exemple, elle est homicide de l'ame de son
fruit, faisant non comme vne vraye mere, ains comme vne Herodias ou marastre
»703. Hérodias, ou Hérodiade, princesse juive,
est ici vivement critiquée en tant que mauvaise mère. Cette femme
est la mère de Salomé, à qui elle aurait demandé
d'obtenir la tête du prophète Jean-Baptiste. Salomé va
alors charmer par sa danse le second mari de sa mère, Hérode
Antipas. Ce dernier lui promet de lui accorder ce qu'elle souhaite et
Salomé réclame alors la tête de Jean-Baptiste sur un
plateau. Hérode Antipas s'incline704. Les «
traités d'éducation écrits par des hommes, religieux ou
non, [...] stigmatisent la futilité de l'éducation donnée
aux filles [...]. [Ils] critiquent l'importance trop grande attachée
à l'apparence physique des filles, bien qu'ils admettent que c'est
essentiellement d'après ce
699Marcel BERNOS, Femmes et gens
d'Église..., op. cit. [note n°3], p.160.
700« Plâtrer » est un synonyme de « farder
».
701Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.97. 702«
Baller » signifie « danser, sauter, s'agiter ».
703Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.97.
704Bible de Jérusalem, op. cit. [note
n°6], Marc, 6, 14-29.
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critère qu'une femme est appréciée ou
non »705. Benedicti fait de toute femme enseignant des gestes
futiles une pécheresse coupable d'emmener sa fille en Enfer à sa
suite.
Les modèles présentés aux mères
sont multiples mais deux particulièrement devraient l'aider à
investir leur mission : l'éducation de Jésus par la Vierge Marie
et l'attitude de Dieu envers les croyants. Si l'Église est dite «
mère »706 des catholiques, les représentations de
Dieu sous un visage humain permettent de donner aux femmes l'exemple de ce que
devrait être leur pitié envers leurs enfants. Dieu, « qui
plus nous ayme que la tendre mere n'aime son enfant »707 ne
laisse pas les innocents « dans la fornaise [sic] ardante
»708. Il est empli de miséricorde envers les croyants.
La bonne mère doit s'appuyer sur cet exemple et avoir de la compassion
pour ses enfants. Elle « ne se courrouce pas contre son enfant qu'elle
voit estre agité de fureur, & rompre, briser, getter, &
re[n]uerser tout, imputa[n]t plustost cela à la violence du mal, que non
pas à l'enfant ». Benedicti présente un exemple de cette
miséricorde féminine qui fait que la «
pitoyable709 mere, laquelle voyant le pere animé co[n]tre
l'enfant s'interpose entre les deux, pour apaiser le courroux paternel, &
receuoir en soy la peine destinee pour son fils ». Pitié n'est pas
laxisme puisque « la mere voyant sa fille faire chose desorbitante »
doit la reprendre et la châtier « quand elle a la puissance
»710. Il semble en effet que « tout laxisme compromettrait
la formation morale, donc humaine et chrétienne, de leurs enfants et
serait une faiblesse coupable, préparant un triste avenir à leur
descendance. [...] La sévérité, quand elle ne s'exerce pas
injustement, passe pour l'expression normale d'un amour authentique
»711. Afin de se faire obéir, les petits serments non
tenus sont autorisés. Ainsi, les « meres & nourrices, qui
iurent de bailler des verges à leurs enfans, ou de leur donner vne pomme
s'ils ne crient point, ne sont pas coulpables de peché mortel, si elles
ne tiennent leur serment, car la chose est de petite consequence
»712.
La Vierge, « mere de Dieu »713, est
louée pour son dévouement envers son fils, Jésus.
Benedicti s'adresse à elle en ces termes : « vous retournastes en
vostre ville de Nazareth, là où vous traitastes cherement vostre
petit nourrisson, iusques à l'aage de douze ans, lors que l'aya[n]t
perdu, vous le cherchastes auec sainct Ioseph trois iours & trois nuicts
auec pleurs, regrets & douleurs inenarrables. Ce fut bien alors que vous
705KNIBIEHLER, Yvonne, FOUQUET, Catherine,
L'histoire des mères..., op. cit. [note n°576],
p.106-107.
706 Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede
d'icevx..., op. cit. [note n°170],p.49.
707Ibid., p.28.
708Ibid., p.27.
709Est « pitoyable » la personne
portée à la pitié.
710Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.97.
711Marcel BERNOS, Femmes et gens
d'Église..., op. cit. [note n°3], p.159.
712Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.56.
713Ibid., p.38.
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Femmes et société dans le manuel de
confession du père Jean Benedicti.
experimentastes vn des glaiues de douleur que vous auoit
predit S. Simeon. L'ayant retrouué vous le gardastes bien chereme[n]t
(comme le vray holocauste du monde) iusques à ce que vous
l'accompagnastes au mont de Caluaire, là où il fut mis en croix
pour nous, lors qu'en mourant il vous recommanda à S. Iean qui vous
prist pour sa mere »714. Marie est donc une bonne mère
qui prend soin de son bébé puis de son jeune garçon. Elle
est inquiète de le savoir absent et le réprimande quand elle le
retrouve au milieu des docteurs du Temple de Jérusalem715.
Elle l'accompagne ensuite patiemment dans tous ses déplacements et reste
auprès de lui alors qu'il est mis en croix.
Benedicti encourage l'enfant à rendre à sa
mère ce qu'elle lui a apporté. Il cite à ce propos saint
Ambroise : « Regarde, dit il, mon enfant que si tu suruiens
à ta mere, tu ne luy a pas rendu les douleurs qu'elle a enduré
pour toy, le laict qu'elle t'a donné, non la faim qu'elle a pour toy
enduré. Elle a ieusné pour toy, elle a veillé pour toy,
elle a pleuré pour toy, elle a beaucoup enduré pour toy. Tu lui
dois tout ce que tu as, & tu te dois toy-mesme à elle. Et tu lairras
endurer & auoir disette ? »716. Les enfants sont
poussés à aider leur mère quand elle est dans le besoin.
Benedicti rapporte l'histoire racontée par Pline l'Ancien selon laquelle
une « ieune fille [...] n'ayant aucun moyen de porter à manger
à sa mere, condamnee de mourir de faim en prison, sous couleur de la
visiter, luy bailloit la mammelle, la nourrissant de son propre laict
»717. Benedicti peut ici à la fois s'adresser aux
enfants, en les encourageant à rendre à leurs parents, dans les
limites du possible, ce qu'ils leur ont donnés, mais aussi aux bonnes
mères, qui peuvent attendre du secours des enfants qu'elles ont
élevés correctement. Benedicti pense que « les peres &
meres sont dieux visibles, lesquels nous voyons deuant nos yeux, ausquels nous
sommes grandement obligez, comme tenans d'eux trois choses apres Dieu, c'est
à dire, l'estre, la nourriture & l'instruction »718.
Les enfants qui ne respecteraient pas leur mère sont appelés
à se remémorer les histoires d'Oreste et de
Néron719. Oreste est assez jeune lorsque son père est
assassiné par l'amant de sa mère. Il est alors
éloigné d'elle pendant de longues années mais il revient
afin de venger son père en tuant sa mère Clytemnestre et son
amant Egisthe. Malgré l'aspect de juste vengeance que revêt ce
crime, Oreste, devenu matricide, est assailli par les Érinyes,
divinités grecques de la vengeance qui poursuivent les grands criminels
et notamment les enfants ingrats.
714Ibid., « Epistre dedicatoire
».
715Bible de Jérusalem, op. cit.
[note n°6], Luc, 2, 48.
716Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le
remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.95.
717Ibid., p.95.
718Ibid., p.94.
719Ibid., p.92.
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L'empereur Néron aurait quant à lui fait
assassiner sa mère, Agrippine, qui cherchait à renverser son fils
pour garder une influence prépondérante dans les affaires de la
cité. Il aurait envoyé des centurions de sa garde la passer au
fil de l'épée. Malgré la personnalité
contestée d'Agrippine, avoir commandé son meurtre entache
irrémédiablement la réputation de l'empereur. Benedicti
attribue le suicide de Néron au poids du matricide exécuté
sous ses ordres. En effet, il aurait été poussé à
cet acte par la menace de subir le supplice destiné aux parricides :
être jeté dans le Tibre cagoulé après qu'un animal
vivant ait été introduit dans la cagoule. Les mères
semblent donc pouvoir espérer vengeance des entreprises que leurs
enfants pourraient entreprendre contre elles.
En conclusion, les mères ont un grand rôle
à jouer dans le devenir de leurs enfants. C'est pourquoi Benedicti
s'attache à leur montrer la voie qui lui semble être la bonne tant
dans le domaine de l'allaitement que dans celui de l'éducation. Par les
multiples exemples qu'il prend, il tente d'encourager les mères à
élever leur progéniture dans une optique chrétienne. Loin
de ces préoccupations et du modèle de la bonne mère, nous
allons voir à présent comment Benedicti pense la place de la
femme en société.