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Le regard porté sur les femmes par le franciscain Jean Benedicti à  travers son manuel de confession "la somme des pechez et le remede d'icevx" (1595, réédition )

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par Lucie HUMEAU
Lyon  - Master 1 2013
  

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La veuve : une femme toujours prête à pécher.

Après avoir abordé les diverses relations qu'entretient la femme avec l'homme, nous allons à présent nous pencher sur les discours que suscite cette femme qui, pour un temps plus ou moins long, n'est plus sous la puissance de l'homme. La veuve pose problème du fait de sa capacité juridique et financière retrouvée mais aussi par son possible remariage. Comme le rappellent les auteurs de l'Histoire des femmes, un des problèmes auxquels se trouve confrontée l'Église est celui des conséquences du remariage sur la résurrection519. Dans un temps où la polygamie est pourfendue, qu'adviendra-t-il des femmes remariées au temps du retour de leurs maris ? Scarlett Beauvalet-Boutouyrie souligne de plus qu' « alors que les rôles de la jeune fille et de la femme mariée sont bien délimités, celui de la veuve est mal fixé, si bien qu'elle dérange et inquiète »520. Nous allons tenter de voir comment le franciscain Jean Benedicti perçoit la place de la veuve dans la société d'Ancien Régime en voyant tout d'abord quelle doit être la conduite de la veuve, puis quel est son nouveau statut financier et enfin sa position face au remariage.

Le discours tenu sur la veuve nous montre l'ambivalence fondamentale de cette femme libérée de la tutelle de l'homme : dangereuse car elle acquiert une indépendance qu'elle ne saura prétendument pas gérer seule, elle est aussi privée de l'appui masculin et elle serait donc « désarmée, vulnérable, en péril aussi bien sur le plan matériel que

518Maurice DUMAS, op. cit. [note n°337], p.64.

519Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.), op.cit. [note n°79], p.98-99.

520Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve sous l'Ancien Régime, Paris, Belin, 2001 (coll. Histoire et société : essais d'histoire moderne), p.21.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

moral »521. Ce double visage que peut prendre la veuve entraîne deux types de discours : l'un moralisateur, l'autre, bienveillant. Benedicti n'échappe pas au désir des hommes de son siècle de canaliser cette indépendance potentielle des veuves mais il semble connaître les difficultés qu'elles rencontrent. La veuve est dangereuse car, ayant connu les plaisirs de la chair, il lui est difficile de garder la continence prêchée par l'Église. Le discours clérical insiste sur la libération que devrait représenter l'état de viduité : l'acte sexuel mettant grandement les deux partenaires en danger de pécher, la veuve devrait se réjouir de ne plus avoir à se soucier de cela. Néanmoins, Benedicti montre que l'Église est consciente que son idéal de continence est difficile à respecter. Il affirme que pèche la veuve qui « se rementant de la cohabitatio[n] charnelle qu'elle a euë auec son defunct mary, pre[n]d si grand plaisir en cela, qu'elle en sent les aiguillo[n]s de la chair s'esmouuoir, sans se soucier de les repousser. Elle doit chasser cela de sa fantaisie & inuoquer la grace de Dieu. Que si elle ne s'en soucie pas, elle tombe au peché de paresse : outre qu'elle s'expose par telle delectation & pensee, au danger de tomber en quelque autre peché plus grief »522. Louée lorsqu'elle garde sa chasteté retrouvée, elle serait même plus méritante que les vierges qui elles n'ont aucun élément de comparaison auquel se référer523. Mais la tentation guette comme le montre l'histoire de cette « ieune veusue, laquelle estant quelquesfois eschauffee de vin, auquel elle estoit subiette (chose bien da[n]gereuse aux veusues, qui veule[n]t seruir à leur espoux Iesus Christ) faisoit coucher auec elle vn petit enfant qu'elle auoit adopté. Mais qu'arriua il ? Ce petit garçon esta[n]t incité par les impudiques attoucheme[n]s de ceste veusue, il l'engrossa, n'aya[n]t encores que dix ans »524. Cette anecdote, qu'elle soit véridique ou inventée, présente divers comportements attendus de la part d'une veuve. Scarlett Beauvalet-Boutouyrie rappelle que les clercs « proposent aux veuves de centrer leur existence autour de quatre points, qui concernent aussi bien leurs attitudes que leurs actes : le retrait du monde et l'adoption d'une conduite irréprochable, le gouvernement de la maison et l'éducation des enfants, la prière et l'oraison, et enfin, la pratique des bonnes oeuvres »525. Cette « ieune veusue » était sur le chemin de la sanctification. Elle pratiquait en effet les bonnes oeuvres puisqu'elle avait adopté un enfant et elle devait de plus s'appliquer à son éducation. Néanmoins, elle n'est pas parvenue à appliquer l'ensemble du programme puisque sa conduite n'est pas irréprochable : enivrée, elle a des gestes « impudiques ». Sa punition est d'afficher aux yeux de tous son incontinence.

521Marcel BERNOS, Femmes et gens d'Église..., op. cit. [note n°3], p.173.

522Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.158.

523Ibid., p.344.

524Ibid., p.137.

525Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.33.

La pudeur, « consubstantielle à la femme »526 selon Jean-Claude Bologne, doit être d'autant plus exacerbée chez ces femmes seules de qui dépend maintenant leur propre honneur. Ainsi, cette nouvelle épouse de Jésus-Christ, qui trouve en lui une nouvelle autorité masculine, ne doit pas se farder ni s'habiller de manière provocante : « que dira le peuple de ces veusues tant piaffeuses, qui disent ne se vouloir iamais marier, & temps-pendant elles vous marchent atteintees comme vne autre Venus ? A qui pretendent-elles complaire ? A leur espoux Iesus Christ ? Il ne demande point la beauté corporelle, qui n'est que l'ombre de celle de l'esprit, laquelle il desire ardemment dit Dauid »527. Au XVIe siècle se développe l'usage de porter le deuil en noir « la première année de leur veuvage, puis les années suivantes [de s'habiller] de noir et de blanc ou de couleurs sombres telles que le gris, le bleu foncé ou le violet pour les bas par exemple »528. Scarlett Beauvalet-Boutouyrie explique que le « souhait que la veuve se pare simplement et choisisse des couleurs sombres repose sur la conviction que la modestie dans le vêtement est nécessaire à la conservation de la pureté »529. Cette modestie souhaitée s'oppose aux femmes qui font de la piaffe, c'est-à-dire qui exposent un luxe exprimant la vanité.

Pour ce qui est de l'importance de la prière et de l'oraison, Benedicti montre qu'il faut que les veuves fréquentent assidûment les bancs de l'Église. Elle sont les seules à qui est autorisée la communion quotidienne530 tandis que nous avons vu précédemment que le franciscain se moque des femmes mariées qui croient devoir réitérer leur communion fréquemment. La charité est un des attributs de la veuve et celle-ci est exaltée dans l'exemple de la veuve de Jérusalem louée par Jésus-Christ dans l'évangile de Marc531. Benedicti raconte ainsi son histoire : « Iesus Christ parlant de la veusue qui n'auoit ietté que deux deniers au tro[n]c de l'Eglise, dist qu'elle auoit plus baillé que tous les autres pour ce qu'elle auoit do[n]né no[n] pas du superflu de son estat, ains de ce qu'elle auoit bie[n] affaire »532. Cet exemple montre que la charité d'une veuve est très bien vue mais cela met aussi en exergue la grande misère qui touche bien des femmes seules. Marcel Bernos explique que ce « n'est pas un hasard si, dans les déclarations de grossesses illégitimes, les veuves sont fréquemment surreprésentées »533. La solitude

526Jean-Claude BOLOGNE, Pudeurs féminines : Voilées, dévoilées, révélées, Paris, Seuil, 2010 (coll. L'univers historique),

p.147.

527Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.253.

528Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.133. Ce même auteur rappelle qu'avant le début

du XVIe siècle, le blanc était la couleur du deuil en France.

529Ibid., p.133.

530Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.237.

531Bible de Jérusalem, op. cit. [note n°6], Marc, 12, 38-44.

532Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.490.

533Marcel BERNOS, Femmes et gens d'Église..., op. cit. [note n°3], p.175.

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Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

dans laquelle vivent ces dernières peut les mener à se prostituer pour assurer leur survie ou à se laisser séduire plus facilement par un homme qui leur ferait des promesses de mariage ou de soutien financier. Leur vulnérabilité les met plus facilement à la merci de personnes peu scrupuleuses. C'est pourquoi Benedicti rappelle que « l'opression des vesues, orphelins, pelerins & autres pauures gens »534 est un péché mortel. Pèche aussi celui qui « pend le proces au croc535, ne voulant donner la sentence, ce qui se fait souuent au detrime[n]t des pauures veusues, & orphelins, qui n'ont dequoy payer »536. Cette remarque montre qu'il est souvent difficile pour une veuve sans moyen d'obtenir une issue favorable dans un procès.

Ces quelques réflexions sur la pauvreté des veuves nous permettent d'aborder l'aspect financier du veuvage. De quelles ressources disposent-elles et dans quelle mesure peuvent-elles gérer leurs biens ? La pauvreté des veuves est rappelée à plusieurs occasions dans le texte de La somme des pechez, et le remede d'icevx. Ainsi, il est recommandé de « secourir les vesues »537 en leur faisant l'aumône et Bénédicti affirme que les biens de l'Église leur appartiennent538. L'évêque qui les dilapiderait à autre chose pécherait et serait obligé à restitution. De plus, ceux « qui sont commis pour egaller les tailles, tributs, & imposts, & greuent plus les pauures que les riches, comme les veusues & orphelins, outre le peché mortel qu'ils commettent, ils sont tenus à restitution, de l'exces qu'ils ont imposé sur eux »539. Il ressort de ces exemples une vulnérabilité des veuves et une image de grande misère. Il ne faut pourtant pas oublier que la pauvreté peut se transformer en signe d'élection dans le catholicisme. C'est pourquoi Benedicti peut affirmer : « ceux qui sont pauures des biens de ce monde, & les vesues, orphelins, pelerins & autres semblables sont de la part des predestinez : car ils sont membres de Iesus Christ, comme dit l'Euangile »540. La richesse les attend donc au Paradis. Il faut bien cependant que les veuves vivent et élèvent leurs enfants en ce monde.

À la mort du mari, la femme peut percevoir deux types de biens. Dans les coutumes du Nord de la France, la veuve reçoit « la moitié de la masse commune des meubles et acquêts mobiliers et immobiliers, tandis que les héritiers du défunt (ses enfants ou à défaut les collatéraux) reçoivent l'autre »541. Le douaire coutumier

534Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.574.

535Cesser de poursuivre un procès.

536Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.184.

537Ibid., p.658.

538Ibid., p.684.

539Ibid., p.703.

540Ibid., p.638.

541Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.196.

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correspond quant à lui à « la jouissance en usufruit de la moitié des héritages que le mari possède au jour du mariage et de ceux qu'il a reçus, en ligne directe, pendant la durée de l'union »542. Si le mari souhaite fixer précisément ce qui reviendra en douaire à sa veuve, il doit le signifier dans le contrat de mariage. Il s'agit alors d'un douaire « préfix ». Dans les régions du Sud de la France, qui suivent le droit romain en matière juridique, la veuve « récupère sa dot, ainsi que les linges et hardes qui étaient en son usage pendant la durée de l'union »543. Certaines précautions sont prises pour que le mari ne dilapide pas la dot de sa femme. Aussi, le mari qui s'approprie les fruits du placement de la dot de sa femme est tenu à restitution car il commet l'usure544. Si les conjoints sont pauvres, la veuve a peu de chances d'obtenir quelques moyens de subsistance malgré l'aide que lui doivent les héritiers de son mari. Afin de recevoir son douaire, la veuve doit aussi se plier à certaines contraintes sans quoi, il peut lui être retirer. Scarlett Beauvalet-Boutouyrie explique que « [n]on seulement la veuve est tenue de porter le deuil pendant la première année de son veuvage, mais elle doit aussi se montrer honnête, décente et chaste dans sa conduite »545 si elle ne veut pas perdre ses avantages. C'est pourquoi Benedicti explique que « la veusue à laquelle son mary a laissé des biens, à la charge qu'elle viue en continence, vient à forniquer [...], elle ne peut retenir [ces biens] en saine conscie[n]ce, si elle ne vit chastement »546.

Le confesseur préconise aux veuves de placer leurs biens « en fonds, ou en commerce, ou en association, ou en autres choses licites »547. En effet, afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs potentiels enfants, les veuves, si elles n'occupaient avant que des tâches domestiques, doivent trouver rapidement un emploi. Pour les veuves de maître artisan, la possibilité de garder l'atelier de leur mari était déterminée par la corporation. Celle-ci pouvait lui autoriser ou non de conserver des apprentis, la main-d'oeuvre la moins chère, ce qui déterminait dans les faits sa capacité à continuer son activité. Si la corporation lui refusait cela, elle devait « leur trouver de nouveaux maîtres et ne bénéficiait plus de leurs services. Elle se trouvait ainsi dans la quasi-obligation de fermer boutique »548. Il apparaît que « la nécessité de remplacer le travail du mari défunt par une main-d'oeuvre salariée empêchait sans doute plus de 90% des veuves d'artisan de rentabiliser pleinement l'affaire de leur mari »549. Les veuves se trouvaient donc dans une

542Ibid., p.200.

543Ibid., p.209.

544Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.294.

545Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.219.

546Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.116.

547Ibid., p.306.

548Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.), op.cit. [note n°79], p.61.

549Ibid., p.62.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

situation financière très difficile. Les activités qui paraissent les plus à même de les accueillir sont celles hors des corporations. Les petites entreprises, telles que les « tavernes, les cafés, les commerces de victuailles, la fabrication de gâteaux, de pâtés ou de beignets, ainsi que les locations de meublés »550 leur permettaient de percevoir une rémunération. Néanmoins, dans les registres des Bureaux des Pauvres, oeuvre de charité, « les veuves représentent un fort contingent »551.

La solution que trouvent certaines veuves à cette misère est le remariage. Au XVIe siècle, bien que « le mariage suppose une obligation à vie, il était souvent considéré comme une union temporaire interrompue par la mort d'un des deux époux. Peu de couples vieillissent ensemble, et les jeunes pères ou mères, restés seuls avec une ribambelle d'enfants en bas âge ne tardent pas à se remarier »552. L'Église cependant a une position double sur cette question. Il semble que l'entrée au couvent et une vie de prière soit le modèle idéal proposé aux veuves. Cependant, bien des théologiens savent que ce modèle est inaccessible pour beaucoup. Tout d'abord, la présence de jeunes enfants ou le désir des familles de nouer une nouvelle alliance peuvent être des facteurs d'empêchement à l'entrée au couvent. Selon Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, « 80% des veuves les plus jeunes, c'est-à-dire celles qui ont moins de 30 ans à la mort de leur époux, se remarient »553. Benedicti reconnaît de plus qu'il « vaut mieux se marier que de brusler par fornication, ou de faire pis »554. La nécessité pour certaines femmes d'avoir des relations sexuelles, idée commune aux hommes de ce siècle, est acceptée. Néanmoins, trop d'empressement à se remarier est mal vu car cela suppose « qu'elle garde des besoins sexuels pressants »555. De plus, plus elle se remarie, plus le soupçon d'incontinence pèse sur elle. L'Église requiert donc un délai d'un an avant toute nouvelle union. Si la femme n'est pas assurée du décès de son mari, dans le cas où celui-ci aurait brusquement disparu sans donner de nouvelles, Benedicti conseille un délai de cinq ans avant un éventuel remariage556.

Scarlett Beauvalet-Boutouyrie rappelle que jusqu'au XVIe siècle, certains clercs ont refusé de « donner la bénédiction nuptiale aux mariés dans le cadre de secondes noces »557. Cette pratique montre bien les résistances au remariage. La « vraie veuve »

550Ibid., p.62.

551Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.311. 552Natalie ZEMON DAVIS (dir.), Arlette FARGE (dir.), op.cit. [note n°79], p.97. 553Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.338. 554Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.461. 555Marcel BERNOS, Femmes et gens d'Église..., op. cit. [note n°3], p.176. 556Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.469. 557Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve..., op. cit. [note n°520], p.48.

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est en effet depuis saint Paul celle qui ne se remarie pas et qui se consacre à la prière et à l'oraison. Jean Benedicti énumère longuement les noms de ces veuves exemplaires afin d'édifier les fidèles et de porter les veuves à s'identifier à ces figures. Néanmoins, les diverses figures qu'il évoque se mettent parfois en contradiction avec son affirmation initiale disant que c'est « chose certain que la vesue qui se contente du premier mary est plus honorable & merite plus que celle qui se marie plusieurs fois »558. Ainsi, la romaine « Porcia » a eu deux époux, Bibulus et Brutus. « Martia fille de Caton » était en réalité la femme de ce dernier qui la donna en mariage à un autre homme avant de la reprendre comme épouse à la mort de celui-ci. « Anne » est un prénom que portèrent beaucoup de femmes mais, s'il s'agit là de la mère de Marie, la Légende dorée la crédite de trois époux successifs : Joachim, père de la Vierge Marie, Cléophas et Salomé559. Si « la belle Dido » (Didon) est louée pour avoir refusé d'épouser le souverain local après le départ d'Énée, il faut souligner qu'elle n'était pas mariée à ce dernier et qu'elle est par ailleurs dénoncée en d'autres endroits de l'ouvrage pour s'être immolée par « inconsidération ». Aussi, parmi ces modèles, il en reste quatre qui présentent réellement l'histoire de veuves ayant refusé de se remarier et remarquables par leurs actes. Valeria était la fille de l'empereur Dioclétien, qui la maria à Galère. À la mort de ce dernier, elle reçut des offres. Néanmoins, elle « ne voulut iamais prendre vn second mary, dist-elle, que le premier viuoit encores en son coeur, bien qu'il fust decedé »560. Ses refus à Maximilius la vouent à l'exil et à la confiscation de ses biens. Sa mort est ordonnée quelques années plus tard et bien qu'elle réussît à se cacher durant un an, elle fut découverte et décapitée avec sa mère sur une place publique. La « Royne Arthemise » est connue quant à elle pour avoir fait bâtir « vn monument si richement elabouré qu'il fut mis entre les sept merueilles du monde : dequoy n'estant contenté feist rediger561 les propres ossemens en poudre (ô l'incomparable amour d'vne vesue [sic] !) pour les boire & incorporer en son estomach »562. Son mari était Mausole et le Mausolée d'Halicarnasse fait effectivement partie des sept merveilles du monde. Elle aurait en effet avalé quotidiennement les cendres de son mari, mêlées à sa boisson. « Saincte Iudith » est peut-être la figure la plus légendaire parmi ces veuves. Cette dernière, jeune et belle, délivra sa ville (Béthulie) de l'oppresseur Holopherne. Elle utilise pour cela la ruse, s'introduit dans le camp ennemi sous le prétexte d'apporter des renseignements au général qu'elle séduisit, enivra et décapita. Cette dernière « vesquit cent cinq ans : voylà comme Dieu

558Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.460. 559Jacques de VORAGINE, op. cit. [note n°295], p.494.

560Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.461. 561Ramener, réduire à quelque chose.

562Jean BENEDICTI, La somme des pechez, et le remede d'icevx..., op. cit. [note n°170], p.461.

Femmes et société dans le manuel de confession du père Jean Benedicti.

reco[m]pense la chasteté viduelle »563. Enfin, « Anne fille de Phanuel » est une prophétesse qui est restée veuve alors qu'elle avait vécu seulement sept ans mariée. La Bible raconte que « parvenue à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le Temple, servant Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière »564. C'est donc l'idéal d'une vie longue et glorieuse qui est proposé à ces veuves qui hésitent à se remarier. Il faut néanmoins souligner qu'au « début des Temps modernes, un mariage sur trois ou quatre est un remariage »565.

En conclusion, nous pouvons donc dire que le discours sur les rapports que doivent entretenir les femmes avec l'homme est abondamment fourni et qu'il constitue une part majoritaire du discours que tient Benedicti sur la femme. Il ne faut pas s'étonner de cette proportion si l'on considère que cette relation homme / femme est la plus évidente dans une société et qu'elle est de plus, au XVIe siècle, le lieu toujours possible du péché. Le franciscain rappelle à la femme ses devoirs d'obéissance envers son mari mais lui confère toutefois certains droits. La femme adultère est quant à elle honnie, essentiellement pour le risque qu'elle fait courir de dilapider l'héritage entre des bâtards. La concubine fait surgir la figure du clerc incontinent et des problèmes que ce dernier pose. Enfin, la veuve, malgré ses difficultés financières, est appelée à vivre dans une chasteté qui la mène sur le chemin de la sanctification. Nous allons à présent nous pencher sur le rapport particulier que la mère entretient avec son enfant.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci