1.2-) Les facteurs endogènes de
multibancarisation
Ce sont ici les caractéristiques propres à
l'entreprise qui la conduisent de manière plus ou moins contraignante
à opter pour un régime de financement diversifié. La
littérature relève parmi les facteurs endogènes :
1.2.1-) L'âge et la taille de l'entreprise,
facteurs favorables la multibancarisation
Traitant du problème de changement de régime de
financement (régime monobanque et régime multibanque), Farinha et
Santos (2000) mettent en évidence, dans leurs travaux, le fait que les
entreprises les plus pérennes ont tendance à multiplier leurs
relations de crédit. En effet, durant les premières années
de son existence, l'entreprise commence par établir une relation
exclusive à cause de la forte opacité qui la caractérise.
Avec le temps, elle bénéficie
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crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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du soutient de sa banque et s'établie une
réputation favorable à son expansion. Entrée dans la phase
de croissance, les besoin financiers qui augmentent considérablement
(financement du besoin en fonds de roulement et financement de croissance), ne
peuvent généralement pas être couvert intégralement
par sa seule banque (Refait, 2003). S'ajoute à cela le désir
d'expérimenter des financements spécifiques tels que
l'affacturage67, le capital risque et/ou le crédit-bail
souvent proposés par des établissements bancaires
spécialisés. Selon Farinha et Santos (2000), la combinaison de
tous ces besoins incite l'entreprise à utiliser la
notoriété issue de sa première relation bancaire pour
initier plus tard de nouvelles relations de crédit. La
probabilité de diversifier son financement augmenterait ainsi avec non
seulement l'âge et la taille de l'entreprise mais aussi avec la
durée de sa première relation bancaire.
1.2.3-) Nature des investissements à
réaliser et confidentialité des informations
Yosha (1995), Bhattacharya et Chiesa (1995) et Rheinbaben et
Ruckes (1998) sont les premiers à avoir mis en évidence le
rôle que joue de la confidentialité des informations sur le choix
du nombre de créanciers financiers par l'entreprise. Le point commun
à ces auteurs est la prise en compte des coûts de « fuites
» d'informations confidentielles. Il s'agit d'informations sur lesquelles
l'entreprise peut bâtir un avantage concurrentiel durable et soutenable.
Elles sont relatives globalement aux investissements immatériels. En
effet, les actifs immatériels sont considérés d'une part
par les théories basées sur les ressources68 comme une
source indéniable d'avantages concurrentiels et d'autre par les
théories financières comme un enjeu majeure de communication
comptable et financière ainsi que de valorisation et de création
de valeur69 pour les entreprises (Tioumagneng, 2009). Xylander et
al. (2000) soutiennent ainsi que le but de la divulgation sur le capital
immatériel est de fournir des informations appropriées, fiables,
opportunes à ceux qui en ont besoin afin de prendre des décisions
concernant leurs relations avec l'entreprise. A ce titre, Yosha (1995) montre
qu'il serait optimal pour une entreprise innovante et de haute qualité,
de réduire ses partenaires
67 Ce mode de financement consiste en un transfert
de créances commerciales de leur titulaire à une
société d'affacturage. L'affactureur se charge d'en effectuer le
recouvrement et en garantit la bonne fin. L'affactureur exerce en fait trois
métiers : celui d'une société de recouvrement, celui de
l'assurance-crédit et celui du banquier : il paie comptant à
l'entreprise cliente le montant des créances transférées
et se charge de leur recouvrement déduction faite d'une commission ; il
peut garantir l'entreprise contre le risque d'insolvabilité de ses
débiteurs à hauteur d'un montant à négocier au
préalable ; enfin, l'affactureur peut financer par anticipation tout ou
une partie des créances cédées.
68 Il s'agit de la «Ressource-Based View»
[Wernerfelt (1984), Barney (1991), Peteraf (1993)], la théorie des
compétences fondamentales ou essentielles [Prahald et Hamel (1990)], la
théorie des capacités dynamiques [Teece et Pisano (1990) et
Teece, Pisano et Shuen (1997)], la théorie évolutionniste [Nelson
et Winter (1982)].
69 Cet enjeu se justifie par la possibilité de
manipuler les données comptables relatifs aux immatériels.
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81
financiers externes voir d'adopter le régime
monobancaire gage de confidentialité et de minimisation des risques de
fuites d'informations. Ce point de vue trouve cependant contestation dans
l'analyse de Sharpe (1990) à travers le phénomène de
hold-up. Rheinbaben et Ruckes (1998) soulignent dans leur modèle que la
confidentialité dont il est question ici est en réalité
associé à une très forte probabilité que de telles
informations soient communiquées au concurrents lorsque le nombre de
banque est élevé. Mais les auteurs s'inscrivent tout de
même dans la ligné de Yosha (1995) surtout pour les entreprises
qui s'engagent dans la divulgation volontaire d'informations.
Les arguments développés par Yosha (1995) se
fondent sur l'hypothèse que le niveau d'informations divulgué est
exogène. C'est dire que l'emprunteur n'a pas la possibilité de
limiter la révélation d'informations le concernant dans les
relations qu'il entreprend. Cependant la divulgation ne peut se justifier du
point de vue économique que si l'avantage procuré est plus
important que l'inconvénient occasionné. Rheinbaben et Ruckes
(1998) postulent pour une endogénéité du niveau
d'informations à révéler. Dans ce cas, l'emprunteur
pourrait opter pour une orientation transactionnelle de financement.
L'opacité informationnel résultant de la stratégie de
dilution d'informations qui va s'en suivre pourrait conduire à une
diversification des relations de crédit (Refait, 2003).
Un examen attentif de tous ces déterminants
théoriques de multibancarisation ainsi mis en évidence montre le
rôle indirect ou intermédiaire que joue le rationnement de
crédit. Le choix d'avoir un portefeuille de dette diversifié est
opéré soit à titre préventif du rationnement soit
à titre curatif. Il s'agira dont par la suite de voir si ce choix
stratégique permet ou non d'éliminer cet obstacle financier et
d'améliorer les conditions de financement des entreprises.
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