Les mécanismes mis en place ici pour faire face aux
problèmes informationnels résultent soit de l'initiative de la
banque, soit de la PME et dépendent de la nature des risques encourus
(sélection adverse et risque moral). Deux catégories de
mécanismes se distinguent :
> Neutraliser les problèmes informationnels
à travers les contrats contingents
La littérature récence plusieurs
stratégies que peut utiliser la banque à ce sujet :
- L'autosélection par les contrats
séparateurs : Cette stratégie, que Bester (1985) appelle
« screening », à vocation à éliminer la
sélection adverse et se fonde sur les limites du taux
d'intérêt et des garanties en tant qu'outils de régulation
du marché du crédit. C'est une méthode d'indentification
des emprunteurs à niveau de risque élevé ou faible
consistant à proposer à ces derniers des paniers de contrats ou
le montant de la prime et le niveau de la franchise varient en sens inverse. Le
choix d'un panier particulier par un emprunteur est révélateur du
risque qui lui est associé. Pour Bester (1985), les plus risqués
préféreront a priori les contrats à taux
élevés mais à faibles garanties et les moins
risqués l'inverse. Par ailleurs, les banques peuvent utiliser des
garanties internes (portant sur les actifs de l'entreprise), mais surtout les
garanties externes (relatives aux actifs patrimoniaux du
propriétaire-dirigeant) pour opérer un « filtrage » des
emprunteurs (Eber, 2000).
- L'incitation de l'emprunteur à travers les
« debts covenants » : Pour limiter les risques d'aléa de
moralité, la banque peut élaborer le contrat de crédit de
manière à inciter la PME à respecter ses engagements. Elle
peut ainsi introduire dans les contrats de prêts des clauses restrictives
(covenants) pour faire face à l'opportunisme de l'emprunteur (Cieply et
Grondin, 2000). Ces clauses peuvent concerner la politique d'investissement
(afin de décourager le sous investissement et la substitution d'actifs),
la politique financière (par la fixation d'un taux d'endettement maximum
de manière à éviter un
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trop grand risque de défaillance pour la PME et un
risque de défaut supérieur à celui qui résultait de
l'analyse ex ante du dossier de la firme pour la banque), la politique
de distribution de dividendes (pour s'assurer que le propriétaire ne
retirera pas de l'entreprise des montants excessifs de manière à
nuire à son équilibre financier).
- L'incitation de la PME par les menaces de rationnement
: Ce mécanisme, analysé par Stiglitz et Weiss (1983), a pour
but d'inciter l'emprunteur à choisir les projets d'investissement peu
risqué. Les auteurs précisent tout de même que l'incitation
ne pourra être, dans ce cas, effective que si la menace de rationnement
est crédible ex ante.
Tous ces contrats contingents comportent néanmoins
quelques limites qui entravent leur mise en oeuvre. On relève à
ce titre une ambigüité sur le lien entre le garanties et
comportement de l'emprunteur. Contrairement à Bester (1987), Stiglitz et
Weiss (1981) soutiennent que les emprunteurs qui présentent le plus de
garanties au temps t sont ceux qui ont pris de grands risques en t-n et sont
susceptibles de prendre davantage de risques en t+n (n>0). Aussi, en raison
de l'incertitude et de l'incomplétude des contrats, l'introduction des
covenants n'aurait qu'un effet limité sur le comportement de
l'emprunteur. Ce constat confer à ce dernier un rôle primordiale
dans la résolution des conflits avec la banque.
> Neutraliser les problèmes informationnels
à travers les signaux financiers
La théorie du signal (Akerlof, 1970) postule que les
PME informées sur la qualité de leurs projets ont
intérêt à transmettre une partie de l'information
privée aux banques par le biais d'un « signal ». Un signal est
une variable de comportement véhiculeur d'informations permettant
à la banque de distinguer les « bons » projets des moins bons
(Wamba et Tchamanbe-Djine, 2002). Pour assurer son rôle de
véhicule d'information, le signal doit être coûteux de
façon à ne pouvoir être imité par les emprunteurs
les plus risqués et son échec doit pénaliser lourdement
celui qui l'a émis de façon à rendre l'émetteur
crédible (Spence, 1973, cité par Goffin, 2001). Structure
financière, apports personnels en capital du promoteur et la politique
de dividende sont considérés dans la littérature comme des
sources d'informations à destination des créanciers.
- Le signal par l'endettement :
contredisant le théorème de Modigliani et Miller (1958),
Ross (1977) montre que l'augmentation de l'endettement
jusqu'à un certain niveau critique, ne fait pas qu'accroitre le
risque, mais signal aussi une plus grande performance. Selon l'auteur, une
entreprise est capable de supporter un niveau d'endettement d'autant plus
élevé que la probabilité de ses cash flows futurs est
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importante et certaine. Les plus endettées seront donc
considérées par le marché comme les plus performantes. A
ce sujet, Flannery (1986) et Diamond (1991) attribut une priorité
à la dette à court terme lorsque les coûts de transaction
sont importants. En empruntant à court terme, la PME accepte non
seulement que le refinancement puisse dépendre de ses
opportunités d'investissement, mais aussi un plus grand risque de
liquidation en cas de défaut. Elle signale ainsi sa valeur aux non
informés.
- Le signal par l'apport personnel du
promoteur (Leland et Pyle, 1977) : Pour ces auteurs, l'entreprise sera
d'autant moins risquée que le promoteur dirigeant-actionnaire consacre
une proportion importante de son capital dans le projet. Ce faisant, il renonce
à la diversification de son portefeuille source d'économie de
coûts et affiche sa croyance personnelle en la réussite de son
projet (Wamba et Tchamanbe-Djine, 2002).
- Le signal par les dividendes :
Bhattacharya (1979) est le premier auteur à avoir montré le
rôle de signal que jouent les dividendes. En effet, le versement de
dividende élevé et régulier coûte cher à
l'entreprise qui le verse. Un tel versement ne peut être
réalisé par une entreprise non performante. Si jamais tel est le
cas et que cette dernière soit obligée de le diminuer, la baisse
serait perçue par le marché comme l'indice d'une situation
catastrophique pour l'entreprise. Le dividende permet donc de distinguer les
emprunteurs sur le marché et de réaliser un équilibre de
séparation (Goffin, 2001).
Ces mécanismes de signalisation renseignent plus sur
la performance de l'entreprise que sur les caractéristiques propres du
projet nécessitant le financement. Or généralement, la
banque s'intéresse simultanément à la capacité de
l'entreprise à être rentable, à assurer sa
pérennité et à mener à bien les projets qu'elle
entreprend. Il n'en demeure donc pas moins que la résolution des
problèmes informationnels passerait par des échanges qui vont
au-delà de simples signaux. Ce type d'échanges, qui implique des
interactions entre contractant dépassant le champ strictement financier,
se retrouve précisément dans un financement de type relationnel
voir même une relation de clientèle bancaire.
1.2.2-) Financement relationnel et la relation de
clientèle bancaire : des conceptions ambigües
« Un des premiers problèmes auquel se trouve
confronter le théoricien est de définir rigoureusement la notion
de relation de long terme » (Eber, 1999, p.3). Plusieurs expressions
sont en effet employées pour désigner la « bank
relationship » : relation de clientèle bancaire, relation de
proximité, financement relationnel, relation de long terme, relation de
crédit de long terme... Pour l'auteur, une relation de crédit de
long terme entre une banque et une firme
est « une répétition dans le temps
d'offres et de demandes de crédits émanant respectivement de la
banque et de la firme pour le financement des projets d'investissement
successifs de cette dernière. ». Cette conception est une
vision restrictive de celle que donnent Ongena et Smith (2000) qui
définissent la bank relationship comme la connexion entre une
banque et un client qui va au-delà de la simple exécution de
transactions financières anonymes. Le rôle de la banque ne se
réduit pas qu'à l'octroi de crédits mais à la
fourniture de multiples services financiers (émission de titres,
étude de marché, tenue et suivi des comptes...) (Hodgman, 1963 ;
Fama, 1985). A ce sujet, Berger et Udell (1994) identifient trois conditions
pour qu'il ait une « relationship lending » :
- l'intermédiaire recueille des informations au
delà de celles disponibles au grands public ; - le recueil
d'informations se fait au travers de multiples interactions avec l'emprunteur ;
- les informations recueillies restent confidentielles.
Boot (2000) synthétise cette représentation en
appréhendant la relationship banking comme la fourniture de
services financiers par un intermédiaire qui :
- investit afin d'obtenir des informations spécifiques
(« informations soft »35) sur son client, le plus
souvent de manière prioritaire ;
- évalue la rentabilité de cet investissement
à la fois au travers de multiples interactions étalées
dans le temps avec le même client et par le biais de plusieurs
produits.
Trois principales dimensions caractérisent la bank
relationship au regard de toutes ces définitions: les facteurs
temps (long terme), le facteur multiproduits (le client est également un
déposant) et le facteur géographique
(proximité)36 (Guigou et Vilanova, 1999). Elles sont à
la base de la distinction entre approche relationnelle et approche
transactionnelle de l'échange. Appliquées à la relation de
crédit, celles-ci sont dénommées financement
transactionnel et financement relationnel. Apoteker (1996)
fournit les caractéristiques principales des deux types d'approches de
la relation banque-entreprise.
35 La définition des concepts
d'informations soft et hard est contenue dans les travaux de Stein (2000) et
Petersen (2004). Ils définissent ces concepts de façon
comparative en utilisant trois principales dimensions : leur nature, leur
méthode de collecte et de traitement et les coûts de production
induits. Contrairement à l'information hard qui est de nature
quantitative et objective (standardisée et exprimé
généralement par des nombres : les états financiers par
exemple) et ne requiert pas, pour sa collecte, de contacts personnels
(disponible en tout lieu et en tout temps), l'information soft est
essentiellement de nature qualitative et subjective. Elle est transmise par des
textes incluant des opinions, idées, rumeurs, ... et sa collecte
requiert des interactions entre cocontractants. Ainsi, de par sa nature, la
collection et le traitement de l'information hard peuvent être
séparées : le collecteur d'information pouvant se distinguer de
celui qui effectuera le traitement. Il en découle que la nature
quantitative et standard de l'information hard induit de faibles coûts de
transaction tandis que le caractère subjectif et qualitatif de
l'information soft accroit considérablement ces coûts.
36 Zineldin (1995, cité par Maque, 2007)
précisait déjà que la relation entre banque et entreprise
inclut souvent trois principaux facteurs : l'échange d'informations,
l'échange financier (transaction) et l'échange social.
Pour le financement transactionnel :
l'échange entre les deux parties est ponctuel, le but est à court
terme, spécifique et limité au contenu de la transaction. C'est
une relation « à l'acte » indépendante de toute
histoire passée ou avenir, l'évaluation du risque est faite
prioritairement sur la base d'informations quantitatives contenues dans les
documents comptables et le contrat est le mécanisme de gestion de la
relation par excellence37.
Pour le financement relationnel : l'échange
s'inscrit dans la durée, le but est à long terme. C'est une
relation « d'engagement » et l'accent est mis sur la
coopération, le risque est considéré comme
non-probabilisable car entaché de spécificités
irréductibles à une classe donnée d'emprunteurs.
L'évaluation du risque se fait sur la base d'informations plus
qualitatives (informations soft) que quantitatives (informations hard).
Toutes ses spécificités inhérentes
à la monobancarité lui confèrent plusieurs attributions
dont l'impact sur les conditions d'accès au crédit est
controversé dans la littérature.