L'étude des échanges entre entités
économiques est faite, dans la littérature, sur la base de deux
grandes approches (transactionnelle et relationnelle) qui reposent
elles-mêmes sur des théories opposées : les théories
(néo) classiques représentées par la TCT27 et
la théorie du contrat social (TCS). Les échanges discrets
analysés par les (néo) classiques ont un caractère
ponctuel (courte durée), sont indépendants les uns des autres, et
sont marqués par peu de fréquence d'interactions entre les deux
parties (Dwyer et al., 1987). La perspective purement économique qui
prévaut ici attribuée une importance considérable au prix
en supposant que toutes les transactions engendrent des coûts
préalables à leurs réalisations (Prim-Allaz et al., 2001).
Cette vision est prolongée par la TCT qui met en avant le fait que
l'opportunisme, le manque de flexibilité, le déséquilibre
de pouvoir, le non respect des normes collectives de comportement et la
rationalité « calculatrice » et plus particulièrement
la spécificité des actifs28 sont les principales
variables qui gouvernent les transactions (Ambroise et al., 2009). La
minimisation des coûts induits par tous ces facteurs est, selon
Williamson (1975), la raison principale du choix, par les agents
économiques, de la hiérarchie comme mode de gouvernance de la
transaction au détriment du marché.
Cette conception des relations contractuelles est fortement
critiquée par plusieurs auteurs dont les travaux relèvent de
divers domaines (sociologie organisationnelle, droit, management
stratégique, théories des organisations...)29. Macneil
est l'un des premiers à s'opposer aux théories (néo)
classiques des contrats en critiquant l'absence d'une composante sociale comme
la confiance dans sa formulation. Il remet en cause la maximisation du profit
comme unique objectif des acteurs en soutenant que celle-ci n'est qu'un
objectif parmi tant d'autres. Selon l'auteur, tout dans les relations
interpersonnelles ou inter organisationnelles ne peut être
anticipé et formalisé en raison de l'incapacité des
parties à déterminer, de façon exhaustive, les termes
importants du contrat en obligations bien définies (Ambroise et al.,
2009). A ce titre, chaque contrat, même dans le cas d'une transaction
théorique, inclut des aspects qui sont indépendants de l'objet
d'échange lui-même faisant partiellement de tout contrat un
contrat relationnel.
27 La théorie des coûts de
transaction (TCT) est considérée comme la version la plus
développée des théories contractuelles qui s'inscrivent
dans la continuité de l'approche (néo) classique (Joffre,
1999).
28 La spécificité des actifs fait
référence à son degré de
redéployabilité. Plus un actif possède des
caractères originaux, moins il est fongible, plus sa valeur
d'échange sur le marché est réduite, plus la reconversion
des actifs humains et physiques est difficile, plus la substituabilité
entre coéchangiste est faible. Williamson (1975) identifie quatre types
de spécificité d'actifs : la spécificité de site,
la spécificité de destination, la spécificité
d'actifs physiques, et la spécificité d'actifs humains
(Gabrié et Jacquier, 1994).
29 Voir Ring et Van De Ven, (1992) à ce
sujet.
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations
de crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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1.1.2-) De l'échange transactionnel à
l'échange relationnel : l'émergence de l'approche
relationnelle
Pour Macneil (2000), le contrat est l'ensemble des relations
entre des personnes qui ont échangé, échangent et
échangeront dans le futur. Il en ressort un cadre temporel
tridimensionnel puisque des parties conscientes de leurs rapports passés
se rencontrent et échangent en prévoyant que leur relation se
poursuivra dans le futur. La relation est ainsi appréhendée dans
sa continuité (Dwyer et al., 1987). Or compte tenu des risques relatif
à l'incertitude inhérente au long terme, la relation requiert,
à travers les interactions, un contrat adaptable, évolutif et
personnalisé voir une attitude de confiance entre partenaires pour un
meilleur gouvernement de la relation (Ring et Van De Ven, 1992). La confiance
« représente les attentes qui se constituent, à
l'intérieur d'une communauté régie par un comportement
régulier, honnête et coopératif, fondé sur des
normes habituellement partagées, de la part des autres membres de cette
communauté30. » Fukuyama (1995, p.
26)31. Elle est associée au capital social32 et
à la sociabilité organique, autrement dit, à la
capacité à coopérer de façon spontanée,
c'est-à-dire sur la base de valeurs partagées, informelles,
plutôt que sous l'empire de règles édictées par des
institutions telles que la famille ou l'autorité publique ou, encore, de
contrats formels (Charreaux, 1998). Il émerge ainsi à coté
de la dimension économique, une dimension sociale qui caractérise
l'échange relationnelle. Ring et Van De Ven (1992),
30 Bien que soit retenue cette conception de la
confiance dans la présente étude, Charreaux (1998) précise
que ce concept est reconnu comme polymorphe dans la littérature.
Mcknight et al. (1995) récence une pluralité de vocables
utilisés dans la définition de la confiance : comportement,
attitude, confiance, attente, croyance ou ensemble de croyances, variable
structurelle, variable interindividuelle. Sur cette base, plusieurs types de
confiance peuvent être répertoriés : la confiance
interpersonnelle (« c'est la volonté
délibérée d'être vulnérable aux actions d'une
autre partie, fondée sur l'espérance que celle-ci accomplira une
action importante pour la partie qui accorde sa confiance,
indépendamment de la capacité de cette dernière à
surveiller ou contrôler l'autre partie. » (Mayer et al., 1995,
p. 712)) ; la confiance rationnelle ou calculatoire (elle
s'inscrit dans la logique du raisonnement de la théorie
économique standard où l'individu opportuniste est mu uniquement
par la recherche du profit. Elle a un caractère coconstruit, fonction
des calculs rationnels des différents agents) ; la confiance
institutionnelle (qui est comprise comme un attribut collectif
partagé ente les individus grâce à des construits normatifs
et sociaux comme la loi) ; ... (Mcknight et al., 1995 ; Charreaux, 1998 ;
Lepers, 2005).
31 Cité par Charreaux (1998).
32 Le capital social désigne l'ensemble des
réseaux de relations que les personnes construisent pour résoudre
des problèmes communs, atteindre des bénéfices collectifs
(réseaux de voisinage, coopératives, clubs, etc.). Cette
conception est relative au fait que les individus établissent des
relations qui leur permettent de réaliser leurs objectifs de
manière plus efficace. Petit à petit, certaines
coopérations forment alors des réseaux plus ou moins durables et
formalisés au sein desquels les membres partagent des normes, des
valeurs communes et un degré de confiance élevé qui
renforce la réciprocité et limite les comportements
opportunistes. Ces réseaux constituent dès lors une ressource ou
un capital qui facilite les transactions entre les agents à
l'intérieur d'un groupe en ne rendant pas (ou moins) nécessaire
toutes les précautions et les contrôles requis dans un contexte
où la confiance fait défaut. Ce capital est social parce qu'il
est produit au sein des relations sociales et qu'il n'est donc pas appropriable
par un individu.
s'inspirant sans doute des normes contractuelles
établies par Macneil (1980) 33, synthétisent les
différents caractéristiques des modes alternatifs de gouvernance
des transactions qui forment un continuum allant des contrats discrets
classiques au contrat relationnel (voir tableau 1.2 ci-dessous). Ces modes de
gouvernance des transactions sont définis par les auteurs en tenant
compte du niveau de risque associé à l'échange et du
degré de confiance existant entre les cocontractants.
Tableau 1. 2: Distinguishing
characteristic of forms of transactions
Source : Ring et Van De Ven (1992, p.
486)
Pour Gundlach et al. (1995), l'échange
transactionnel implique une réalisation instantanée avec une
perspective purement économique et une approche stratégique
faible, tandis que l'échange relationnel cible le long terme
à travers une optique économique et sociale basée sur une
approche stratégique forte. Jackson (1985)34 souligne que la
perception
33 Macneil (1980) identifie dix normes,
qualifiées de normes contractuelles communes, essentielles à
l'occurrence de tout échange, quel que soit sa forme. Cinq de ces normes
sont transactionnelles : la réciprocité, la mise en oeuvre du
planning, les normes cohésives (la réparation, la confiance et
les attentes) et la création et la restriction de pouvoir. Les cinq
autres sont relationnelles : l'intégrité du rôle, la
solidarité contractuelle, la flexibilité, la réalisation
des promesses et l'harmonisation avec la matrice sociale. Ces normes sont
polymorphes et de nature contingente selon l'auteur. L'auteur
intéressé par la définition de ces normes peut consulter
Durif F. (2007), « L'impact de la norme- Intégrité du
rôle sur les relations d'affaires interentreprises : une étude
exploratoire dans le secteur des services financiers », Actes du
colloque de l'ACFAS à Trois- Rivières, Canada, 25 pages.
34 Cité par Durif (2007).
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
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des coûts de transfert (d'informations) est une
composante cruciale dans un contexte relationnel. Plus ces coûts sont
élevés plus les parties adopterons une orientation relationnelle.
Cette assertion trouve justification dans le domaine bancaire avec le
financement relationnel.