2.1.2-) La phase précontractuelle de la
relation de crédit
Dans tout marché, les acteurs comme les produits
échangés forment un groupe hétérogène dans
la mesure où ils ne disposent pas du même pouvoir d'achat, des
mêmes préférences et n'ont pas les mêmes
caractéristiques respectivement (Akerlof, 1970). Sur celui du
crédit, certaines PME sont plus risquées que d'autres et n'ont
donc pas toutes la même probabilité de remboursement du prêt
sollicité (Jaffee et Russell, 1976). Lorsqu'une de celles-ci approche
une banque, elle en sait généralement plus que cette
dernière sur la qualité du projet nécessitant d'être
financé22 et sur sa capacité à honorer ses
engagements. L'imperfection d'information qui en résulte est
qualifiée d'asymétrie d'information ex ante (Stiglitz et
Weiss, 1987). Elle est relative à l'incapacité du prêteur
à identifier clairement les caractéristiques propres à
chaque projet. Face à une multitude d'emprunteurs, il court le risque de
ne financer que ceux à risques élevés : c'est le
problème de sélection adverse ou anti
sélection (Akerlof, 1970 ; Jensen et Meckling, 1976). Dès
lors, le contrat liant les deux parties (incomplet par nature) nécessite
des efforts de la part la banque pour limiter le comportement opportuniste de
la PME et occasionne ainsi des coûts (coûts ex ante, voir tableau
1.1 ci-dessus). Cependant, cet effet perturbateur de la relation entre banque
et PME, même lorsqu'il parvient à être surmonté, ne
met pas la banque à l'abri de nouveaux risques une fois le prêt
accordé.
22 Guigou et Villanova (1999) soulignent tout de
même que l'imperfection du savoir bancaire peut ne pas résulter
uniquement de la volonté de l'emprunteur de masquer la
réalité de ses projets et d'un problème d'incitation du
contrôleur délégué (asymétrie d'information
exogène), mais peut être dû quelques fois au savoir
imparfait de l'entrepreneur sur ses propres perspectives de revenu
(asymétrie d'information endogène).
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
25
2.1.3-) La phase post-contractuelle de la relation de
crédit
Une fois le crédit obtenu, se pose le problème
du contrôle des actions de l'emprunteur. Celui-ci peut ne pas tenir ses
engagements en fournissant des prestations de qualité inférieure.
A titre illustratif, il pourrait affecter les fonds à un projet autre
que celui pour lequel ils ont été obtenus (problème de
substitution des actifs, Jensen et Meckling, 1976), ou alors ne pas mettre en
oeuvre le projet si les flux de revenus potentiels sont inférieurs au
service de la dette (problème de sous-investissement, Myers, 1984). Ce
type de comportement serait fréquemment observable chez les PME. Ces
entreprises se caractérisent généralement par une
flexibilité technologique, organisationnelle et concurrentielle qui
augmente leur capacité d'adaptation aux fluctuations des marchés.
En conséquence, une PME est amenée à changer rapidement de
projet d'investissement avec l'évolution du marché pour rester
compétitive. Cette flexibilité caractéristique de la PME
se traduit pour le créancier par un risque de substitution des actifs
qui augmente les risques de conflits. L'asymétrie d'information on
going qui en résulte met en évidence l'incapacité de
la banque à observer et à contrôler les actions de l'agent
et à comme conséquence le risque ou alea moral ex
ante (Cieply et Grondin, 2000).
Quelque soit le projet réalisé par
l'emprunteur, la répartition de la richesse créée est
également objet de conflit d'intérêts. L'inefficience du
système d'information des PME et leurs asymétries d'information
importantes sont des facteurs qui compliquent leurs évaluations par les
organismes bancaires. La PME est la seule à pouvoir observer sans
coûts (coûts ex post, voir tableau 1.1 ci-dessus) le vrai
résultat produit par le projet. Le prêteur est donc en situation
d'asymétrie ex post (Townsend, 1979). L'emprunteur
pourrait ainsi essayer d'opérer un transfert de richesse en simulant de
fortes charges d'exploitation par les techniques de manipulation
comptables23 dans le but de rembourser moins. Le risque
d'expropriation qui en résulte est dénommé alea moral
ex post.
Ces principales implications et les risques qui
résultent des échanges entre banques et PME en particulier
peuvent être représentés par la figure suivante.
23 La manipulation comptable (ou gestion des
données comptables) s'entend comme l'exploitation de la
discrétion laissée aux dirigeants d'entreprise en matière
de choix comptables ou de structuration des opérations comptables, dans
le but de générer des modifications du risque de transfert de
richesses associé à l'entreprise, tel que ce risque est
perçu en pratique par le marché. Voir à ce sujet Stolowy
H. et Breton G. (2003), « La gestion des données comptables : une
revue de la littérature », disponible à l'adresse
https://Studies2.hec.fr ,
29 pages.
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
Figure 1. 1 : Asymétries
d'information et risques sur le marché du crédit
Type d'asymétrie
Nature de l'asymétrie
Asymétrie d'information ex ante
Informations cachées
Asymétrie d'information on going
Comportements cachés
Asymétrie d'information ex post
Informations cachées
26
Problèmes soulevés
Conséquences
Nature du risque
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Conclusion du contrat de prêt Réalisation du
résultat
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Difficulté à s'assurer de l'usage des fonds
par l'emprunteur (Risk Shifting problem)
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Difficulté à vérifier les
résultats obtenus par l'emprunteur (Observability
problem)
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Source : Trabelsi-El Gharbi (2009, p.
69)
Toutes ces difficultés auxquelles sont
confrontées les banques face aux PME provoquent des réactions se
traduisant par des comportements néfastes pour ces dernières.
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